mardi 23 avril 2024

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Capitaine Tilkhomiroff, la chronique enneigée…

Couverture de "Capitaine Tikhomiroff" de Gaëtan Nocq chez La Boite à Bulles
Titre
: Capitaine Tikhomiroff
Auteurs :
Gaëtan Nocq (scénario et dessin) d’après le témoignage
d’Alexandre Tikhomiroff
Éditeur :
La Boîte à Bulles
Année :
2017
Pages
: 192

Résumé de la BD Capitaine Tikhomiroff

En
1917, Alexandre Tikhomiroff est capitaine dans l’armée blanche,
l’armée impériale qui défend le Tsar. La lutte prend une tournure
étrange, il erre avec ses hommes et son corps d’armée dans une
Russie dévaste par la guerre civile qui oppose les blancs et les
rouges, c’est-à-dire les troupes bolchéviques. Mais les choses ne
sont pas aussi simples que cela.

Mon
avis :

Ce
récit intrigant et dense se base sur les souvenirs d’Alexandre
Tikhomiroff. Une lecture à deux niveaux. En effet, Alexandre
Tikhomiroff se souvient de sa carrière militaire pendant la
révolution Russe de 1917. Et, à certains moments, il raconte et
partage ses souvenirs avec son fils, Alexandre (Tikhomiroff, du coup,
mais junior). Ce dernier écoute ses histoires et a compilé tous ces
souvenirs. Une fois adulte, il est parti en Russie, ou en URSS à
l’époque, pour tenter d’en savoir plus, de retrouver les lieux
qu’avaient traversés son père. Et c’est donc les souvenirs du fils
écoutant les souvenirs de son père qui nous sont contés ici. Nous
passons donc entre deux temps, entre deux Alexandre.
Cela
n’enlève rien à la force du récit, au contraire. Ces niveaux
temporels se heurtent et se renvoient les uns aux autres. Par
certains détails, comme la confiture avec le thé, par certaines
mises en scène aussi. Mais le plus poignant reste ce parcours
incroyable du capitaine Tikhomiroff. Ce soldat sans conviction, comme
tous ceux qui l’entourent, qui errent entre les blancs, les rouges,
les anarchistes « noirs », les troupes étrangères
allemandes, anglaises, françaises… Et tout ce monde se bat ou se
croise dans une Russie exsangue ,où la seule valeur chère et rare
devient la nourriture.

Le
conflit perd tout son sens. On ne se bat pas pour un camp ou un
autre, pour une butte ou une prairie, on tente juste de survivre. On
veut seulement trouver à manger. Quitte à changer de camp un temps,
pour ne pas se faire tuer, ou à faire profil bas pour ne surtout pas
se faire remarquer.

Tikhomiroff,
à côté de ce voyage sans but et sans fin, retrouve de temps en
temps sa famille, pour un temps seulement, pour se rendre compte que
la faim frappe tout le monde. Cela montre aussi que ce voyage ne va
pas vers l’avant, il tourne en rond, sur lui-même, autant dans
l’espace que dans le temps.
Dans
ce récit, il n’y a pas de contraste entre les privilégiés qui se
remplissent la panse et les pauvres qui se la crèvent, la panse ! On
ne suit et ne voit que les pauvres. Car ce sont eux que croise et
recroise sans cesse le capitaine. Et ce thème de la faim, de la
fuite, ne tourne jamais en rond. Toujours la même, la faim se
renouvelle de plusieurs manières différentes. Elle hante le déroulé
de l’histoire sans jamais se répéter. Tant et si bien que la phrase
de conclusion de cette BD tombe comme une pierre, nus faisant
réaliser quelque chose que nous avons tendance à oublier…
page de "Capitaine Tikhomiroff" de Gaëtan Nocq chez La Boite à Bulles
Et voilà le son… du silence !
Gaëtan
Nocq manie aussi le pinceau pour adapter et dessiner ces mémoires,
ces souvenirs. Et il choisit un style bien particulier. Un style
frôlant l’inachevé. Un style crayonné, jeté sur la feuille non
pas comme une colère, mais comme un instant saisi. Et à ces traits
de crayons se mêlent une peinture, créant un univers mixte mixte.
Les personnages sont ainsi simplifiés mais gardent toute leur force
de silhouette bloquées dans une guerre qui les dépasse, les
entraîne et les rejette comme une mer invisible.
Les
décors peints, esquissés dans des teintes aquarelles, posent
facilement un champ, une ville lointaine. Mais en regardant bien, on
sent que rien n’est facile dans ce choix graphique. Le tout se
mélange avec une composition particulière, qui laisse une place
incroyable au silence. À l’espace vide de corps et de sons.
Tous
ces choix rendent Capitaine Tikhomiroff étrange et même envoutant.

Le
volume épais se termine par un court cahier présentant des éléments
de la famille Tikhomiroff, papiers d’identité, cartes militaires,
autant de documents qui ont tendance à faire froid dans le dos, tant
il nous rappelle que tout ce que nous venons de lire n’est pas une
fiction…
Ne
ratez pas cette BD inhabituelle, autant par son dessin que par son
récit, et venez découvrir ce que pouvait être la Russie en pleine
révolution, en pleine marasme et comment l’ont sans doute vécu des
millions de gens.
Zéda
rencontre Alexandre Tikhomiroff !
"DES COLORES", strip de Zéda pour illustrer chronique 7BD sur "Capitaine Tikhomiroff" de Gaëtan Nocq chez La Boite à Bulles
David
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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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