Sommaire de l'article
Le maître de California Hill, la BD d’une rencontre improbable

Série : –
Titre : Le maître de California Hill
Auteurs : Laurent-Frédéric Bollée (scénario), Georges Van Linthout (dessin)
Éditeur : La Boîte à Bulles
Collection : –
Année : 2025
Pages : 144
Résumé d’une histoire menée à un train d’enfer :
1863, aux Etats-Unis, Leland Stanford, fondateur de la Central Pacific Railroad, lance la construction du premier tronçon de chemin de fer. Homme politique, magnat de l’industrie, passionné de chevaux, Leland n’hésite pas à avoir recours à la violence pour imposer sa volonté, comme l’ingénieur qui travaillait pour lui et voulait proposer ses services à d’autres le découvrira. Six ans pus tard, la jonction se fera entre l’est et l’ouest, les deux lignes de train partant chacune d’une côte se rejoignant enfin. Stanford et son rival, Durant, président de l’autre compagnie de chemin de fer, lancent alors un pari engageant dix pour cent des parts de leur sociétés respectives comme gain. Le gagnant ? Celui qui pourra prouver qu’un cheval au galop, à un moment de sa course, n’a aucun sabot posé au sol…
Le scénario d’une histoire vraie, selon la légende :
Leland Stanford, ce personnage plus grand que nature, est présenté de telle manière qu’il nous évoque Charles Foster Kane, le héros du film « Citizen Kane » d’Orson Welles. La scénario emprunte sa seconde partie à la structure de ce grand classique du cinéma. Un enquêteur (ici, un détective au lieu d’un journaliste), qui va voir les différents témoins de la vie de Stanford pour tirer le vrai du faux.
Tout cela autour d’une rencontre suite à ce pari fou, celle de Stanford et d’Eadweard Muybridge, photographe et inventeur.
Muybridge est le technicien et l’artiste qui trouvera la solution et permettra à Stanford de gagner son pari. Mais ça, l’histoire nous en a laissé une marque car Muybridge, avec Jules-Etienne Marey, le français, sont les deux premiers à avoir réussi à décomposer un mouvement en images, en prenant des photos multiples sur un laps de temps très court.
Les deux personnages sont hors norme, mais pour des raisons différentes. Le puissant magnat s’oppose au sanguin et curieux photographe, dont la vie est marquée par un meurtre.
La première partie de la BD raconte de nombreux événements et soudain, un saut dans le temps se fait et la seconde partie , via le détective, revient sur ce qui s’est vraiment passé.
Ce que l’on prenait pour authentique devient peut-être faux. Les survivants de cette rencontre préfèrent-ils mentir pour ne pas avoir à se replonger dans cette période ? Déforment-ils les faits ? Cachent-ils les choses pour préserver l’image de ces deux hommes ? Nous n’aurons pas la réponse et c’est un des attraits de cette BD. Ici, nous découvrons que certains hommes font la loi, et d’autres la subissent. Mais au-delà, nous apprenons les conditions d’une découverte qui posera le jalon d’une des grandes inventions artistiques de l’histoire de l’humanité, le cinéma.
Un récit étonnant, explosif, choquant, autour d’un pari dont nous savons aujourd’hui juste le résultat par l’histoire de l’art : les photos de Muybridge pour capturer les images de ce cheval au galop et dont les coulisses sont en réalité bien sombres. Une BD qui frappe aussi par son graphisme.

Le dessin au lavis de gris :
Georges Van Linthout s’empare du scénario de Laurent-Frédérioc Bollée pour le dessiner dans un noir et blanc rehaussé de gris.
L’encrage clair fait penser à du crayonné épais, l’ajout de hachures et le tracé du noir des vêtements de Stanford et Muybridge renforcent cet effet. Les décors esquissés finement, nous entraînent dans l’ouest américain de la fin du dix-neuvième siècle.
Les jeux de gris, qui s’éclaircissent par dilution successive, permettent d’apporter du volume et des dégradés à cette BD, créant une belle ambiance pour cette histoire crépusculaire.
Les compositions jouent à différents niveaux sur les cases pour apporter verticalité, imposer Stanford comme un nabab surpuissant. De même, un montage en parallèle enchaînant des cases panoramiques présente le parcours des deux hommes en silence. Ou encore cette décomposition, en douze images (par seconde?) le temps lors d’un coup de feu fatal.
De magnifiques dessins pleine page permettent des transitions inattendues.
Conclusion d’une BD sur la fin d’une époque:
Cette histoire nous montre la fin d’un certain ouest. Et elle pose les bases d’un autre monde à venir. Au travers de cette rencontre inattendue, de ce pari étonnant, deux hommes se dessinent, deux destinées opposées mais liées pour une recherche qui changera le monde de l’art.
Zéda rencontre Leland Stanford !
