Série : La guerre invisible
Titre : Tome 1 : L’agence
Scénario : Frank Giroud
Dessins : Olivier Martin
Editions : Rue de Sèvres
Année : 2021
Nombre de pages : 54
Sommaire de l'article
Résumé de « La guerre invisible tome 1 » de Frank Giroud et Olivier Martin :
1951, en pleine guerre froide, deux agents recrutés par la CIA ont pour mission de retrouver, et d’extrader aux USA, un ancien et brillant ingénieur nazi, Manfred Fürbinger, spécialisé dans les systèmes de guidage des fusées V2.
Le but n’étant pas de le condamner, mais plutôt d’exploiter son savoir.
Ce dernier semble s’être réfugié en Egypte.
Kathryn Ingelmann (de son vrai nom Cassandra Bromby) et l’énigmatique Max Ingelmannn, les agents recrutés, adoptent un jeune garçon, Rudi, et s’installent en Egypte.
Leur but étant que Rudi se rapproche du fils de l’homme recherché. L’enfant innocent va donc jouer un rôle crucial dans l’affaire au détriment de l’amitié qu’il construit.
Les évènements ne vont pas se passer aussi simplement qu’ils ne l’avaient prévu, d’autant que les soviétiques lorgnent aussi sur l’ingénieur.
Mon avis sur « La guerre invisible tome 1 » de Frank Giroud et Olivier Martin :
Voilà malheureusement le dernier album de l’excellent mais regretté Frank Giroud. Et quel album !!
Nous voilà immergé en plein cœur de la guerre froide ou l’espionnage militaire et industriel domine.
Le but de chaque état étant d’accroitre évidement son potentiel industriel, ses innovations et propriétés intellectuelles, son économie et la puissance de son arsenal afin de « dominer » le reste du monde…
Et pour cela tous les moyens sont permis, y compris recruter dans ses rangs des anciens nazis ingénieurs (l’illustre exemple ayant été Wernher Von Braun)
Page 30 extraite de la BD |
Le scénario de Frank Giroud pour « La guerre invisible tome 1 » :
J’aime vraiment beaucoup les scénarii de cet ancien professeur agrégé d’histoire. Ce sont de formidables fictions historiques incroyablement plausibles.
Chacune de ses histoires révèle des faits historiques sombres et/ou mal connus.
Le travail de documentation et de recherche est juste dingue et totalement admirable, même pour les néophytes en histoire comme moi.
Et au-delà de cela, Frank Giroud a toujours su mêler à ces faits historiques des intrigues politiques et/ou policières à suspens et à multiples rebondissements.
Le premier tome de cette série nous dévoile ainsi toute l’ampleur de ce travail incroyable.
A noter que la série sera reprise par son ami scénariste Laurent Galandon pour les tomes à suivre, sur les bases du travail de Frank Giroud.
L’auteur nous révèle les méthodes sans scrupules, employées par la toute jeune Central Intelligence Agency (fondée en 1947), pour remplir ses missions dans le contexte d’après-guerre.
Dans ce récit fictionnel, elle exploite outrageusement un enfant orphelin qui, dans toute son innocence, ne se rend évidemment pas compte des énormes enjeux géopolitiques qu’engendre son rôle.
Et évidemment le jeune garçon n’en ressort aussi aucune compensation. Il a juste été majestueusement « berné » sans même se rendre compte qu’il pouvait y jouer sa vie.
Frank Giroud met ainsi en avant les méthodes sans morales utilisées par les organismes d’état en terme d’espionnage à des fins de conquête de puissance militaire, industrielle ou économique.
Mais heureusement ce récit n’en est pas pour autant dénoué d’humanité. En effet, les deux faux parents adoptifs vont vite prendre conscience de la cruauté du mécanisme.
Ils seront ainsi confrontés à des choix entre la vie d’humain et une mission géopolitique pour des profits d’états…
En outre, l’auteur met aussi l’accent sur le fait que les fuyards nazis ne s’exfiltraient pas tous en Amérique latine.
En effet, le moyen orient (principalement Egypte, Irak et Syrie) était aussi une terre d’exil pour ces criminels de guerre, qui y trouvaient là une reconversion possible autant religieuse que professionnelle, et changeaient évidemment de nom.
Cette histoire nous en met donc encore plein la vue et nous éveille sur des méthodes à la limite, voire au-delà, de la moralité.
Et le cliffhanger final vous maintiendra bien en haleine et vous rendra impatient de lire la suite…
Le dessin de Olivier Martin pour « La guerre invisible tome 1 » :
Olivier Martin nous gratifie d’un superbe dessin au style réaliste au trait détaillé, léger, fin et dynamique.
Les compositions sont réfléchies, tantôt faisant place à myriade de détails et d’élément, et parfois dénoué d’arrière-plan pour centrer uniquement sur les personnages et accentuer ainsi la narration.
Les perspectives et champs choisis, alternant les différents plans cinématographiques, jouent un rôle primordial dans le dynamisme de l’histoire.
Par contre coté personnages, hormis le jeune garçon pour qui on se prend d’affection et dont les émotions sont superbement visuellement retranscrites, les autres protagonistes ne m’ont fait, hélas, ni chaud ni froid, restant ainsi dans le commun des mortels.
Mais cela a été probablement imaginé ainsi pour coller parfaitement à la définition d’espion : être présent sans se faire remarquer, se fondre dans la masse afin que l’on ne se souvienne pas de nous…Les couleurs chaudes et les jeux d’ombres et lumières de Gaétan Georges, probablement travaillées informatiquement au vue de la perfection des dégradés ou des fonds unis sans imperfection, collent parfaitement au milieu dans lequel évoluent nos héros.
Elles sont sur des tons jaunes sables, ou bleu-vert-gris assez pale, afin d’admirablement évoquer la chaleur, moiteur et douceur de vivre du climat Egyptien. Cela rend d’ailleurs l’ouvrage très lumineux, voire rayonnant ! (À noter : A relire lors des soirs tristes d’hiver…)
Les effets graphiques sont magnifiquement maîtrisés et discrets, accentuant ainsi le réalisme de l’histoire car nous n’y prêtons guerre attention et nous vivons les instants comme si nous y étions…
En résultante, cette Bd au dessin très agréable et lumineux, est fortement instructive quand à cette période d’après-guerre.
C’est une très bonne lecture qui donnera envie de découvrir rapidement la suite à venir orchestrée par Laurent Galandon.
Ciao
Yann