Série : Karma city
Titre : Tome 1/2
Scénario et dessins : Pierre-Yves Gabrion
Editions : Dupuis
Année : 2016
Nombre de pages : 148
Sommaire de l'article
Résumé :
L’inspecteur Napoli est nommé sur une affaire qui semble être un suicide. Celui de l’archéologue Emma List, qui à priori, selon sa montre de jauge karmique, avait un léger dépassement négatif au moment de sa mort.
Napoli voit aussi arriver en tant qu’agent principal, la toute jeune Kate Cooper. Elle devient donc de fait sa responsable, et il est décidé à ne pas lui faciliter la tâche.
Accompagné ainsi d’un troisième larron, le guilleret inspecteur Asuka, Kate Cooper et son équipe mèneront donc l’enquête avec les manières de chacun, qu’elles soient louables ou non.
L’ambiance ne sera donc pas au beau fixe dans ce trio.
Mais voilà qu’une série d’évènements insolites frappent la ville, avec de nombreux morts inhabituels par AVC.
L’enquête s’élargit et les mènera dans les méandres de la cité, voire au-delà…
Mon avis :
1. Tout acte commis avec l’intention d’agir, l’acte lui-même et la satisfaction d’avoir agi entraîne du karma et peut être jugé.
Voilà donc les quatre lois qui régissent la vie de et dans Karma City.
Vous l’aurez donc bien compris l’intérêt collectif prime sur l’intérêt personnel…
En somme, une certaine idée du bonheur si l’on arrive à faire abstraction de sa personne.
Extrait de la BD |
Le scénario :
C’est du polar et c’est du lourd.
Passé les premières pages de lecture, il vous sera impossible de refermer la BD avant d’avoir finie de la lire.
Le scénario est bien construit, digne des grands scénarios SF-policier du genre (comme Blade Runner par exemple).
Le trio de personnage, pouvant paraître cliché, et un atout indispensable à l’histoire : Deux caractères bien tranchés de part et d’autres, l’un novice, motivé mais loin d’être crédule, l’autre blasé par son vécu mais toujours alerte et avec un coup d’avance sur ses enquêtes, et au milieu le tampon qui adoucit les mœurs de deux précédents avec son humour et sa bonne humeur communicative.
Ils sont complémentaires et nous permettent d’assembler petit à petit les éléments d’enquête mais aussi de se projeter plus ou moins dans l’un d’eux.
L’aspect narratif, remarquablement fluide, est maîtrisé à la perfection et les dialogues sont percutants. Ils animent à merveille le dessin.
J’ai beaucoup apprécié une méthode que je vois rarement en BD : les bulles en pointillé pour évoquer des messes basses ou des communications téléphoniques.
La ville n’est pas omniprésente dans la BD, mais lorsqu’elle y est, on ressent une certaine oppression.
Il y a une ambiance étrange et pesante dès le départ, habituelle de toutes les mégalopoles, mais ce qui est curieux c’est que cette atmosphère suit hors les murs…
Le découpage est efficace, dynamique et plutôt allégé, avec des pages enchainant de quatre à six vignettes et ainsi très agréable à la lecture.
Extrait de la BD |
Le dessin :
Les personnages, très typés et caricaturés, sont un mixe entre le héros d’expérience genre « John Wayne ou Clint Eastwood », aux traits sérieux des vieux Bob Morane et/ou Tarzan de Russ Maning, le comique de la situation au visage allongé très caractéristique de l’inspecteur Asuka rappelant quelques touches des personnages secondaires des Corto Maltese de Hugo Pratt ou bien Soda de Luc Warnant, et enfin à la fois l’innocence (mais pas naïveté) et l’intelligence de la jeune Kate Cooper.
Avec ce mélange de genre très original, il est donc difficile de ne pas s’attacher à eux. D’autant qu’au-delà du dessin, à travers la narration, les caractères s’affirment en cohérence avec l’illustration.
Les couleurs, particulièrement bien soignées, accentuent fortement l’approche comics
Les décors, lorsqu’ils sont nécessaires, sont des plus beaux et bien pensés, présentant à la fois un gros coté futuriste et high-tech mais gardant aussi continuellement une façade rétro admirable.
La ville se trouve être donc magnifique en tout point, autant de par ses aspects populaires et d’égalité humaine, mais aussi par ses cotés sombres cachés dans des bas-fonds.
Enfin l’idée d’une Venise moderne est superbe, voir des canaux à quasi chaque vignette illustrant la ville, c’est sublime !
Et cela contraste inévitablement avec les passages de l’enquête hors des murs de la ville en plein désert.
Le talent de Pierre-Yves Gabrion a été de maintenir cette constante présence des lois fondatrices dans le dessin, présentant presque un aspect d’état policier où le contrôle est presque permanent.
Concernant les effets (hachures de vitesse, de vent, focalisation sur des personnages par diverses techniques rayures, ou absence de background etc…), ils sont nombreux mais restent suffisamment discrets pour que l’on n’y pense guerre.
A noter tout de même les nombreuses onomatopées très typiques des comics et du manga.
Les mises en scène et les différentes vues sont réfléchies amenant un certain dynamisme, ou à l’inverse un temps calme.
Extrait de la BD |
L’histoire est trépidante et captivante, et le style de dessin de Pierre-Yves Gabrion plutôt classique mais original est fort plaisant.
Enfin je mets aussi un petit plus à la texture du papier utilisé, rugueux et plutôt « oldies ».
Du bel art !
Ciao
Yann