Titre : Le Loup Des Mers
Éditeur : Noctambule
Auteurs : Riff Reb’s
Année : 2013
Résumé :
Début du vingtième siècle, Humphrey Van Weyden est critique littéraire à San Francisco. Il embarque pour traverser la baie comme il le fait régulièrement. Il ne se doute pas que tout va basculer, et que sa vie tranquille ne deviendra plus qu’un souvenir bien avant la fin de cette traversée, car un événement imprévu va le jeter dans les crocs du terrible Loup des Mers, le capitaine Larsen…
Mon avis :
Jack London transposé en images par Riff Reb’s. Quel voyage ! Une histoire de mers, d’hommes, de solitude, une histoire étrange, faite de houles et de haine, d’écume et d’amour.
Humphrey, rebaptisé Hump par le Loup, va devenir nos yeux le temps de ce récit. Nous frissonnerons, nous haïrons, nous aimerons avec lui. Il nous fera découvrir cette ombre charismatique et exécrable, intelligente et brutale, l’ombre de Loup Larsen. Le deuxième personnage phare de cette histoire. Un homme qui s’est bâti seul, dans la mer des mots et sur l’océan de la vie. Un personnage fascinant, démiurge à bord de son navire. A travers Hump et Larsen, ce sont deux modes de vie qui s’opposent. Au delà du terrien et du marin, du riche et du pauvre, il s’agit du combat de celui qui sait et de celui qui apprend. Aussi impensable que cela puisse paraître, ces deux hommes vont devenir maître et élève, de manière involontaire et loin de l’image que l’on se fait d’une relation d’enseignement.
L’histoire repose sur cette relation, entre autres, mais aussi sur cette incroyable traversée, sur ces hommes d’équipage, justes ou lâches, loyaux ou veules. Ce sont ces deux récits qui nous tiennent en haleine. Alors qu’on pense deviner l’histoire, elle prend toujours un tournant inattendu, pour nous garder à la limite de l’inconnu. J’ai deviné, pressenti des moments, puis j’ai été surpris, emmené par d’autres. La magie du récit fonctionne, même si elle repose sur la trame classique de l’initiation, et de la fascination pour un être quasi-parfait, ce fameux capitaine.
La narration est découpée en dix-sept chapitres, dix-sept tranches de voyages, dix-sept instants que Hump nous fait découvrir. Narrateur de cette incroyable histoire, il garde un œil lucide, sur les autres autant que sur lui. Curieuse distanciation que cet homme plongé au cœur de l’impossible réussit à garder, qui nous permet néanmoins de coller au corps de Hump.
Car, visuellement, Riff Reb’s nous embarque sans vergogne à bord du Fantôme ! Nous partons en mer et plongeons dans les yeux du Loup comme si on y était. Les dessins sont beaux. Réalistes et mystérieux en même temps, Le trait est précis, comme il peut laisser la place au flou ou à l’étrange. Le visage de Hump évolue au fur et à mesure de l’histoire. Et la mer est magnifique, calme, magique, déchaînée, incompréhensible, Riff rebb’s sait lui donner des traits de caractère par son crayon.
Les couleurs sont magnifiques, verts, oranges, bleus, rouges se mélangent, se confondent, créent des ambiances, soulèvent des émotions,
Le cadrage et les angles de vue renforcent le dynamisme du dessin. Ils arrivent aussi à poser suspense, tension, explosion.
L’histoire est ponctuée de magnifiques dessins en noir et blanc, des tableaux marins magiques.
J’ai été envoûté par ce voyage, et je pense que Le Loup Des Mers méritait bien un prix exprimant l’avis du public. Ça a été le cas puisqu’il a gagné le Prix de la BD FNAC. Si Riff Reb’s n’est pas un marin, alors il en a l’œil. Je n’ai pas lu le roman de Jack London, mais la vision qu’en a Riff Reb’s m’a suffit pour lever l’ancre et suivre cette invitation au voyage. Et finalement, que demander de plus à une BD ?
