Sommaire de l'article
Suzette ou le grand amour, une BD sur l’amour, la famille et puis l’amour
Titre : Suzette ou le grand Amour
Auteur : Fabien Toulmé (scénario et dessin), Fabien Toulmé et Philippe Ory (couleurs)
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Année : 2021
Page : 336
Résumé d’un voyage vers le passé pour changer son présent :
Un cimetière communal, des gens en noir. Tous apportent soutien et réconfort à Suzette, qui vient d’enterrer Bernard, son mari. Sa petite-fille, Noémie, est venue avec son petit ami Hugo. Elle soutient du mieux qu’elle peut sa grand-mère. Pour Suzette, une page se tourne, mais que reste-t-il à écrire sur la nouvelle feuille de sa vie déjà bien avancée ? Noémie va tout faire pour redonner un second souffle à sa grand-mère, la poussant même à tenter l’incroyable…
Scénario d’un récit tout en douceur:
Cette BD est une belle histoire d’amour ou plutôt, une histoire d’amours. Car il y a l’histoire de Noémie et Hugo qui emménagent ensemble pour la première fois,et doivent trouver leur nouvel équilibre dans cette vie de couple. Puis l’histoire passée de Bernard et Suzette, dont les souvenirs, racontées par la grand-mère, parlent autant d’amour que de la vie et des mœurs d’une époque lointaine, probablement celle de l’après-guerre. Et puis il y a l’histoire d’amour familiale, entre Noémie et sa grand-mère. Car suite à des difficultés, c’est Suzette qui s’est beaucoup occupée de Noémie enfant.
Et il y a une autre histoire d’amour, celle qui fait le cœur du récit, secret inattendu du passé qui fait surface bien des années après, et dont je vous laisse la surprise. Plus d’autres histoires d’amour grâce aux personnages secondaires.
Fabien Toulmé raconte avec beaucoup d’amour – cohérence totale – pour ces personnages ce récit très humain et très émouvant. L’air de rien, il aborde différent sujets, le deuil, la différence générationnelle, qui maintenant n’est plus un conflit, une vision du féminisme et du sexisme, l’engagement, et le quotidien rompu par un voyage qui casse la routine.
Cette longue BD de plus de trois cent pages se révèle un véritable voyage aussi pour le lecteur. Un grand tour dans la vie de Suzette, qui doit faire face à un épreuve difficile. Et quand le tour s’achève, on aurait presque envie de continuer à passer quelques instants avec elle.
L’humanité transparaît par le rapport entre les personnages, mais aussi par les non-dits, les silences, ces situations que l’on retrouve car on les a vécues de cette manière ou d’une autre. Et nous non plus, nous n’avons pas su forcément quoi dire, ou nous n’avons pas dit les bons mots. Pour rendre le récit moins dense, Fabien Toulmé manie l’humour à bon escient. Cette BD sait offrir des souffles de rire entre deux drames, et c’est une des raisons qui contribue à sa réussite.
Le dessin doux et immersif :
Fabien Toulmé adopte un dessin stylisé, des personnages ronds, des yeux tracés d’un simple trait, des lignes faites de pleins et de déliés, évoquant plus le pinceau que la plume. Une mise en scène également toute en simplicité, qui nous permet de rester discrètement au plus près des personnages. Le regard troublé par les larmes de Suzette, le temps d’une case, ou de Noémie, devant les photos de son grand-père, nous fait ressentir bien plus que tous les discours sur la douleur de la perte d’un être aimé.
Les décors sont stylisés eux aussi. On identifie immédiatement la maison de Suzette, la boutique où travaille Noémie, mais une fois posés, ils disparaissent pour laisser la place aux personnages, attablés qui discutent, ou sur le pas d’un magasin. Les couleurs restent et permettent de garder l’unité d’un lieu, quand les détails s’estompent.
Ces couleurs elles aussi sont travaillées avec la même recherche de simplicité. Fabien Toulmé a collaboré avec Philippe Ory pour arriver à cette grande présence du bleu et du orange. bien sûr, il y a quelques exceptions et il ne s’agit pas d’un travail de bichromie. Non, ces couleurs sont utilisées avec une palette large, permettant la variété, et ponctuées ou accompagnées de temps en temps d’autres teintes – blanc, gris, noir, rouge… – qui encadrent tout en douceur les deux couleurs fondamentales.
Ces choix graphiques ne coupent pas du tout l’immersion, au contraire, on imagine très bien croiser Suzette ou Noémie au coin de la rue, et ces personnages transcendent leur stylisation pour nous toucher par leur humanité.
Conclusion d’une BD qui nous parle d’amour et nous dit des choses tendres :
Une très belle histoire qui sait prendre son temps pour nous offrir une magnifique tranche de vie, un voyage inattendu, et un regard sur deux générations qui ont vécu différemment l’amour.
Zéda croise Suzette.