mardi 19 mars 2024

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SAIGON-HANOI de Cosey



SAIGON HANOI de Cosey chez Dupuis
Titre : Saïgon Hanoï

Auteurs : Cosey

Editeur : Aire Libre

Année : 1992




Résumé :

Les Etats-Unis, l’hiver. Un homme
rentre chez lui sur des routes enneigées, gare son 4×4 et se prépare
à regarder un documentaire télé traitant des vétérans du
Vietnam, quand le téléphone sonne. Au bout du fil, une femme seule,
plutôt une jeune fille, qui cherche quelqu’un à qui parler en ce 31
décembre…






Cosey a choisi un postulat de base
difficile pour ce one-shot : Un Huis-clos de voyage ! D’une part, le
héros, Homer, vétéran du Vietnam, qui est assis devant sa télé
avec son téléphone. Et d’autre part, le documentaire diffusé sur
le poste, racontant le retour au Vietnam vingt ans après, d’anciens
GI ayant combattu pendant la guerre qui a ravagé le pays.

Au travers de cette rencontre
téléphonique, qui prépare déjà en son temps – 1992 quand même
– les discussions virtuelles qu’offre le net d’aujourd’hui, Cosey
construit cet échange par petites touches, renforcées encore par
les images diffusées par la télévision, qui nous offrent un total
dépaysement.

Un album que j’ai trouvé difficile à
la première lecture. En effet, absorbé par la discussion entre
Homer et cette petite fille, Felicity, j’en perdais les images. Quand
j’ai réalisé cela, j’ai repris ma lecture et, absorbé par l’autre
histoire que racontent ces images, j’en perdais la conversation… Il
m’a donc fallu du temps pour profiter pleinement de ces deux
histoires. En lisant attentivement, je me rend compte que les deux
sont liées, telle image fait rebondir la conversation et la
discussion recoupe, dans le fond, certains moments du documentaire.


Là où Cosey en rajoute encore une
couche (oui, c’est possible), c’est que le personnage du vétéran
que l’on suit dans le documentaire, est Homer.

Chacun de son côté, les deux
protagonistes voient cette émission plus qu’ils ne la regardent mais
Felicity ne sait pas que c’est Homer qu’elle voit à l’écran, ce
même Homer avec qui elle est en train de discuter.

Je pousse même le bouchon encore plus
loin. Et si certaines images de ce voyage au Vietnam ne sont pas
issues du documentaire mais de la mémoire d’Homer, dans laquelle
nous plongeons, entraînés par les souvenirs que la télé fait
remonter en lui ?

La rencontre de cet homme qui cherche à
dépasser son passé, avec cette petite fille qui s’interroge sur son
futur est traitée tout en émotion et en non-dit par l’auteur.

A tel point que l’on pourrait
s’interroger sur ce que s’apportent l’un à l’autre ces deux
étrangers. Mais n’en doutez pas, l’échange leur permet d’avancer
tous les deux, l’air de rien.

C’est un réel plaisir, pour moi en
tout cas, d’embarquer dans ce récit qui ne propose ni tensions
dramatiques intenses, ni actions incroyables, ni intrigues
alambiquées. Juste la rencontre de deux solitudes, un moment de
pause dans la course de la vie, un temps d’échange, le frôlement
d’une amitié improbable. Comme le soulève Felicity, qu’en
restera-t-il dans vingt ans, voire même seulement demain ?

La réponse est dans l’histoire
elle-même et dans sa conclusion.

Je reste ému par le fait qu’avec un
personnage, un téléphone et une télé, Cosey parvient à nous
offrir un beau voyage dans l’espace, certes – balayant d’un trait la
distance séparant les Etats-Unis du Vietnam – mais aussi dans le
cœur d’un homme.



D’un point de vue graphique, Cosey
réussit à ne jamais nous perdre, malgré ces aller-retours
incessants entre la télévision et le salon d’Homer. Et tout cela
grâce à une charte de couleur simple. L’hiver américain nocturne
et sa palette bleutée contraste avec les teintes ocre jaune du
voyage au Vietnam. Des teintes qu’on pourrait supposer originaires de
l’écran télé ou bien de la chaleur écrasante qui doit régner
là-bas. Qu’importe !

Le seul texte repose sur le dialogue
entre les deux personnages. Pas de cartons d’introduction, de
transition, rien de ces artifices fréquents. Le documentaire défile
par ces images, Homer coupant le son pour entendre Felicity.

Et ces images, détachées de tout
commentaire audio – fréquent dans ce genre de programmes – nous
plonge dans ce pays d’Asie du Sud-Est.

Les personnages et les décors
réalistes mais simplifiés apportent expressivité et clarté. On
n’est jamais perdu dans le cadre et les visages, au détour d’un
regard, partagent avec nous leurs pensées.

Le cadrage se fracture petit à petit
et nous offre de belles pages, alternant les grands dessins et les
petits détails. Ici, la ville de Saïgon qui s’étale au soleil, là,
un badge sur une chemise, ici une fresque murale, là un reflet dans
l’eau…

Chaque image anodine nous raconte
quelque chose, soit comme étant le point d’attention de celui qui
les voit, soit comme un élément du voyage d’Homer. Un voyage
probablement inspiré par un des nombreux déplacements de Cosey à
travers le monde et surtout l’Asie.



Saïgon Hanoï est une invitation. En
effet, Cosey nous invite, le temps de ces quelques pages, à stopper
les aiguilles, à nous arrêter pour partager les premiers moments
d’une rencontre, qui en seront peut-être aussi les derniers.

Je ne peux que remercier un auteur si
talentueux, qui parvient à nous proposer une BD différente et si
émouvante. 
Zéda fortement inspiré par la découverte de Saïgon Hanoï !

LUCKY WAY, une aventure de Zéda


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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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