rentre chez lui sur des routes enneigées, gare son 4×4 et se prépare
à regarder un documentaire télé traitant des vétérans du
Vietnam, quand le téléphone sonne. Au bout du fil, une femme seule,
plutôt une jeune fille, qui cherche quelqu’un à qui parler en ce 31
décembre…
difficile pour ce one-shot : Un Huis-clos de voyage ! D’une part, le
héros, Homer, vétéran du Vietnam, qui est assis devant sa télé
avec son téléphone. Et d’autre part, le documentaire diffusé sur
le poste, racontant le retour au Vietnam vingt ans après, d’anciens
GI ayant combattu pendant la guerre qui a ravagé le pays.
téléphonique, qui prépare déjà en son temps – 1992 quand même
– les discussions virtuelles qu’offre le net d’aujourd’hui, Cosey
construit cet échange par petites touches, renforcées encore par
les images diffusées par la télévision, qui nous offrent un total
dépaysement.
la première lecture. En effet, absorbé par la discussion entre
Homer et cette petite fille, Felicity, j’en perdais les images. Quand
j’ai réalisé cela, j’ai repris ma lecture et, absorbé par l’autre
histoire que racontent ces images, j’en perdais la conversation… Il
m’a donc fallu du temps pour profiter pleinement de ces deux
histoires. En lisant attentivement, je me rend compte que les deux
sont liées, telle image fait rebondir la conversation et la
discussion recoupe, dans le fond, certains moments du documentaire.
couche (oui, c’est possible), c’est que le personnage du vétéran
que l’on suit dans le documentaire, est Homer.
protagonistes voient cette émission plus qu’ils ne la regardent mais
Felicity ne sait pas que c’est Homer qu’elle voit à l’écran, ce
même Homer avec qui elle est en train de discuter.
loin. Et si certaines images de ce voyage au Vietnam ne sont pas
issues du documentaire mais de la mémoire d’Homer, dans laquelle
nous plongeons, entraînés par les souvenirs que la télé fait
remonter en lui ?
dépasser son passé, avec cette petite fille qui s’interroge sur son
futur est traitée tout en émotion et en non-dit par l’auteur.
s’interroger sur ce que s’apportent l’un à l’autre ces deux
étrangers. Mais n’en doutez pas, l’échange leur permet d’avancer
tous les deux, l’air de rien.
tout cas, d’embarquer dans ce récit qui ne propose ni tensions
dramatiques intenses, ni actions incroyables, ni intrigues
alambiquées. Juste la rencontre de deux solitudes, un moment de
pause dans la course de la vie, un temps d’échange, le frôlement
d’une amitié improbable. Comme le soulève Felicity, qu’en
restera-t-il dans vingt ans, voire même seulement demain ?
elle-même et dans sa conclusion.
personnage, un téléphone et une télé, Cosey parvient à nous
offrir un beau voyage dans l’espace, certes – balayant d’un trait la
distance séparant les Etats-Unis du Vietnam – mais aussi dans le
cœur d’un homme.
réussit à ne jamais nous perdre, malgré ces aller-retours
incessants entre la télévision et le salon d’Homer. Et tout cela
grâce à une charte de couleur simple. L’hiver américain nocturne
et sa palette bleutée contraste avec les teintes ocre jaune du
voyage au Vietnam. Des teintes qu’on pourrait supposer originaires de
l’écran télé ou bien de la chaleur écrasante qui doit régner
là-bas. Qu’importe !
entre les deux personnages. Pas de cartons d’introduction, de
transition, rien de ces artifices fréquents. Le documentaire défile
par ces images, Homer coupant le son pour entendre Felicity.
commentaire audio – fréquent dans ce genre de programmes – nous
plonge dans ce pays d’Asie du Sud-Est.
réalistes mais simplifiés apportent expressivité et clarté. On
n’est jamais perdu dans le cadre et les visages, au détour d’un
regard, partagent avec nous leurs pensées.
et nous offre de belles pages, alternant les grands dessins et les
petits détails. Ici, la ville de Saïgon qui s’étale au soleil, là,
un badge sur une chemise, ici une fresque murale, là un reflet dans
l’eau…
quelque chose, soit comme étant le point d’attention de celui qui
les voit, soit comme un élément du voyage d’Homer. Un voyage
probablement inspiré par un des nombreux déplacements de Cosey à
travers le monde et surtout l’Asie.
effet, Cosey nous invite, le temps de ces quelques pages, à stopper
les aiguilles, à nous arrêter pour partager les premiers moments
d’une rencontre, qui en seront peut-être aussi les derniers.
talentueux, qui parvient à nous proposer une BD différente et si
émouvante.