mardi 19 mars 2024

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« Jolies Ténèbres » ou la mignonnerie horrifique.

Retour sur « Jolies Ténèbres » cet OGNI (objet graphique non identifié) presque 15 ans après sa première édition, tant l’oeuvre de Fabien Vehlman et du duo Kerascoët interroge et fascine toujours.

Jolies Ténèbres, une BD fantastique aux éditions Dupuis Aire Libre.

Titre: Jolies Ténèbres
Scénario: Vehlman et Pommepuy
Dessin et couleur: Kerascoët
Editeur: Dupuis
Collection: Aire Libre
Année: 2017 (première édition 2009) 
Pages: 92

Il était une fois, dans de jolies ténèbres …

« Il arrive, il arrive »

« Mais je ne suis pas prête! »

« Jolies Ténèbres », page 3

Aurore reçoit, autour d’une tasse de thé, Hector qu’elle a rencontré au bal.
Excitation!
Il est beau sous ses atours princiers. Et tellement distingué!
Joie!
Tout est pastel, tout est doux.
Arrive le moment où ils vont s’embrasser…

Jolies Ténèbres: Au départ, tout n'est que douceur, calme et volupté...

« Plop! »

D’où vient cette goutte qui tombe dans sa tasse?
Une matière rosâtre commence à dégouliner du plafond…
Ça va gâcher leur goûter!
Mais ça ne fait qu’empirer…

Un monde s'écroule...

Rapidement, tout son intérieur semble se ramollir et se liquéfier tandis qu’Aurore manque de se retrouver ensevelie dans le fluide visqueux.
A bout de souffle, elle trouve une minuscule ouverture et s’extrait, péniblement et sous une pluie battante… du corps d’une fillette, morte, gisant dans l’herbe, et qu’elle semblait habiter comme de nombreuses autres petites créatures qui cherchent elles aussi à fuir la putréfaction.

Aurore s'enfuit...
Jolies Ténèbres: L'horreur du monde réel...

L’enfant, démon angélique:

Parfois, la vie vous met entre les mains un livre que vous allez adorer au plus haut point.
Et parfois, vous passez à côté et vous mettez des années à le découvrir. 
C’est ce qui m’est advenu, de façon très étrange, avec ce « Jolies ténèbres » porté par l’immense talent du duo Kerascoët… dont je pensais avoir tout lu.
C’était une erreur de ma part, repérée grâce à ce réseau de passionnés que peut être Instagram parfois.
Erreur que je corrigeais bien vite… pour mon plus grand bonheur!
Enfin, bonheur…

Une nouvelle vie, un nouveau monde...

Je ne vais pas aller plus avant dans cette histoire que vous devez découvrir par vous même.
Mais, et sans vouloir le moins du monde divulgâcher quoi que ce soit, je pense que c’est la BD la plus mignonnement glaçante, ou la plus horrifiquement jolie que j’ai lue

Je ne pensais pas trouver dans une BD une si juste métaphore de l’enfance, du tout petit, de cette machine à gazouillis capable de vous faire fondre d’amour … avant de faire littéralement fondre un insecte avec une loupe.
De par mon parcours professionnel, je m’enorgueillis de bien connaître ces espèces de petites créatures appelées « enfants » et je n’avais jamais lu une représentation si précise de ce mélange qu’on retrouve dans les premières années de la vie de gentillesse et de joie de vivre, de manque total d’empathie, de cruauté, d’angélisme pur et d’abjection totale. 

Vehlman et Pommepuy ne se refusent rien dans l’horreur ou la grâce et chaque petit personnage semble être une métaphore d’une phase, émouvante ou terrifiante, de tout bambin qui découvre la vie et ses possibilités avant que les notions de morale, de Bien ou de Mal ne soient venues interférer avec ses désirs et ses pulsions.

Co-exister pour survivre...

Une repoussante magnificence:

Ce thème, si particulier, aurait pu être un repoussoir pour tout éditeur qui se respecte. Il fallait donc trouver un angle d’approche graphique adéquat, mêlant beauté et effroi. 

Et qui de mieux pour cela que Marie Pommepuy et Sébastien Cosset, mieux connus sous le nom de Kerascoët?
Le couple venait de faire ses preuves auprès de grands noms comme Trondheim et Sfar (Donjon Crépuscule, Delcourt) ou Hubert (Miss Pas Touche, Dargaud) et leur style si particulier, tout à la fois très simple mais aussi très réaliste s’adaptait parfaitement à cette histoire. 
Certaines planches sont absolument sublimes, tout en déclenchant en nous un vague frisson dans le bas du dos. Il faut dire que les deux dessinateurs (qui ont aussi colorisé le livre) s’autorisent tout dans l’outrance graphique avec une innocence toute enfantine mâtinée d’un petit côté « sales gosses » fort à propos! 

"Jolies Ténèbres" est parsemé de planches magnifiques.

Mon avis sur « Jolies Ténèbres » chez Dupuis Aire Libre:

La grande réussite du projet, et ce qui aurait pu être le plus grand écueil du livre, c’est le va et vient constant entre planches morbides et discours léger, entre pages graphiquement féériques et fond absolument terrifiant…. tout en étant totalement maîtrisé par des scénaristes qui, comme dans un conte traditionnel ou un « Alice au pays des merveilles », ouvrent des portes qu’ils ne referment pas et nous laissent avec des questions plein la tête.
Ici, nulle véritable explication sur qui sont ou ce que représentent tous ces petits personnages. On est dans la zone floue entre rêve et cauchemar, entre fantasme exaltant et réalité glauque. Mais on est assurément dans une très, très grande BD.

C’était un immanquable… que j’avais manqué. 
Une petite merveille entre onirisme et épouvante qui risque de me hanter bien longtemps !
Ne faites pas comme moi et jetez vous sur ce « Jolies Ténèbres »… et toute l’oeuvre de Kerascoët.

On se retrouve bientôt,

Christophe de Objectif Bulles

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Christophe de Objectif Bulles
Christophe de Objectif Bulles
Christophe, néo-rédacteur chez @7bd.fr. Chroniques BDs, romans graphiques, comics et mangas sur Instagram: @objectifbulles Membre du jury du #prixbdstagram 2022.

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