Sommaire de l'article
L’extraordinaire traversée de Julius Crèvecoeur, la BD d’une enquête
Titre : L’extraordinaire traversée de Julius Crèvecoeur
Auteurs : Julian Voloj, Chendi (scénario), Chendi (dessins)
Éditeur : Sarbacane
Année : 2023
Pages : 128
Résumé d’une histoire en mer :
Hambourg, 1930. La police allemande réussit, avec l’aide du vaillant détective Julius Crèvecoeur, a arrêté un membre de la pègre. Conférence de presse et photos font de Crèvecoeur la star de la ville. Quand un flash d’appareil un peu trop fort réveille le véritable Julius, qui retourne à sa pauvre vie de détective enquêtant sur les adultères et ayant du mal à boucler ses fins de mois. Heureusement que son assistant, Chang, est là pour le soutenir. C’est alors qu’une nouvelle enquête leur arrive…
Le scénario inattendu :
Le titre nous renvoie aux ambiances de serial avec sa longueur et son adjectif emphathique mais on est dans une époque plus sombre et moins porteuse de rêve : l’Allemagne des années trente, avec la montée du nazisme montrée rapidement par ces jeunes qui s’en prennent aux marchands Chinois à coups de matraque.
Crèvecoeur n’est pas à l’aise dans ce monde. Il rêve de plus, ce que nous montre le début de l’histoire. Appelé sur une nouvelle mission, il va se retrouver en croisière sur un paquebot de luxe et devoir mener sans doute l’enquête la plus étrange de sa vie.
Nous suivons avec plaisir ce personnage attachant, un peu perdu, humain et donc proche de nous par ses erreurs. Car Julius Crèvecoeur n’est pas Hercule Poirot. Il commet des fautes et doit revoir sa copie.
Le retournement inattendu de l’histoire s’anticipe et on perçoit les rouages se mettre en place avant la révélation finale.
La lecture de ce récit demeure un plaisir, par son scénario et ses personnages parfois classiques, parfois originaux, toujours attachant et aussi par son graphisme.
Le dessin rondouillet :
Voloj et Chendi ont travaillé de concert au scénario, mais Chendi assure seule dessin et couleurs. Elle adopte un style tout en rondeur, rondeur des épaules dans des pardessus flottants, rondeurs des têtes. Les tracés à main levée des décors apportent aussi un léger mouvement dans les lignes, une variation d’épaisseur qui ajoute à cette douceur du dessin. Caractéristique qui contraste et fait ressortir d’autant la dureté de l’époque dépeinte.
Ce trait tout en finesse se mêle d’aplats de noir, tirant vers les hachures pour se mêler avec les couleurs.
Les décors sont clairement posés, là aussi, quelques hachures ajoutent du volume, et le trait fin n’empêche pas la précision des détails : motifs des papiers peints, décorations végétales sur les nappes, plis et replis des vêtements, jupes, manteaux et autres tissus.
On prend beaucoup de plaisir à ce graphisme particulier, qui nous entraîne dans l’histoire et nous y tient. Cette ligne jamais droite fait aussi le pont entre rêve et réalité, clarté et mystère, les deux ambiances dans lesquelles avance le récit.
Les grandes cases laissent l’espace libre pour prendre conscience des décors tout en ne perdant jamais de vue les personnages. Et ça tombe bien, car dans cette histoire, tout est lié…
Conclusion d’une BD qui chaloupe :
Ce récit oscille entre deux eaux : le rêve, la représentation d’un côté et l’Histoire, la réalité de l’autre. Nous naviguons entre ces deux aspects de manière fluide dans cette BD réussie qui revisite différents genres.
Zéda rencontre Julius Crèvecoeur.