Titre : Le Prince des Écureuils
Auteur : Hausman – Yann
Année : 1998
Éditeur: Aire Libre
Comme tous les contes, on pourrait commencer l’histoire par « Il était une fois ». On continuerait alors en introduisant un personnage malheureux, ce serait un pauvre petit écureuil qui rêverait de devenir chevalier, dont les songes seraient peuplés de batailles et de duels chevaleresques. Comme dans beaucoup de contes, le rêve deviendrait réalité : par les vertus de quelques noisettes enchantées, voilà l’animal devenu homme. Belle histoire, dirait-on, mais quand un conte commence par un dénouement heureux, il y a peu de chances qu’il reste aussi joyeux. Roufol, nouvellement homme, va de fait connaître amertume, ennui et surtout, se gorger d’une haine qu’il n’avait jusque là pas connu. L’occasion d’un voyage au fin fond de ses pensées, animales, toujours animales.
C’est un conte sombre et même noir que Yann et Hausman portent ici, pervers parfois, quand il détaille avec précision la pensée la plus profonde des êtres qu’il décrit, obsédant, quand il pose des questions existentielles dont on ne saurait se douter de l’existence sous-jacente. L’histoire est forte, surprenante. L’idée est presque inconcevable dans son originalité et son concept, inédits. Mais surtout, ce projet scénaristique brillant jouit d’un avantage indéniable, celui d’être mis en lumière par le graphisme hors norme d’Hausman. Presque de la peinture, la griffe du dessinateur est sombre, il brosse des portraits d’humains animaux et d’animaux humanisés, pour une immersion totale dans les pensées et les regrets. Inquiétant, bouleversant, renversant même, personne ne saurait ignorer les effets de cet ouvrage cathartique.
