mercredi 24 avril 2024

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La Trilogie Nikopol de Enki Bilal

La Trilogie Nikopol de Enki Bilal

Titre: La Trilogie Nikopol
Auteur: Enki Bilal
Éditeur: Les Humanoïdes Associés
Année: 1995

Résumé de la trilogie Nikopol 


Paris 2023. Les Dieu Égyptiens sont bloqués au-dessus de la capitale dans leur pyramide volante, faute de… carburant.
Un condamné à la congélation de 1993, Alcide Nikopol, se retrouve sauvé d’une mort quasi-certaine par un Dieu errant, Horus, dont le but est la vengeance. Nikopol se retrouve avec une jambe d’acier, qu’il ne peut supporter et doit accepter de se faire posséder par Horus pour parvenir ne fut-ce qu’à marcher. Le dieu égyptien, lui, a besoin d’un corps humain pour son étrange plan: prendre possession de Paris…

Ce résumé pose les bases du premier volet de la trilogie, La Foire aux Immortels. Je ne vous en dévoilerai pas plus pour vous garder la surprise de cet univers étrange, où les Dieux côtoient les humains, où les robots se plaignent de la solitude et où Nikopol se démarque de ses pairs par son aptitude incroyable à réciter du Baudelaire par cœur.

Le deuxième tome dévoile l’arrivée sensuelle et charismatique de Jill bioskop, qui donne son titre à cette nouvelle aventure: la Femme Piège.

Deux solitudes qui se rencontrent dans un monde à la dérive.

Le troisième tome apporte le dénouement tant attendu mais surtout inattendu, de cette mystérieuse trilogie.

Mon avis

Le scénario de Nikopol

Tout au long de cette trilogie, le seul personnage qui a un objectif et qui est moteur de la narration est Horus. Dieu égoïste, amoral, aventureux, il possède Nikopol pour assouvir sa vengeance, réfute l’ordre divin de ses pairs, sème le chaos sur terre, avec ou sans son avatar humain.

Les autres personnages que l’on croise, Alcide Nikopol, Nikopol Fils, Jill, errent plus comme des fantômes ayant perdu une partie de leur âme, perdus dans un monde qu’ils ne comprennent plus, au mieux qu’ils refusent.

A travers cette vaste terre, ils vont prendre chacun leur chemin, se croiser, se détester, s’aimer, s’oublier, se retrouver.

Bilal réussit un tour de force: Nous permettre de nous identifier à ces personnages, en recherche de quelque chose de non identifié.

La lecture des déboires de Nikopol oscille sans cesse entre le comique et le dramatique, entre l’absurde de ce monde bien réel pour les personnages mais si incompréhensible pour nous et la réalité des émotions, des désirs, des rêves de ces héros si anti-héros.

A mes yeux, la magie qui se dégage de cette histoire consiste à réussir à me donner envie de la lire sans m’arrêter, tout en cassant certains crédo de la dramaturgie. Les obstacles sont minimes, qui peut prétendre arrêter un Dieu ? La mort frappe aveuglément, pour voir parfois ses effets annulés ! La mémoire, les souvenirs s’effacent et s’oublient, offrant la possibilité non plus d’une deuxième chance, mais vraiment d’une deuxième vie. Malgré tous ces impossibles rendus possibles, malgré cette errance désordonnée derrière ses buts apparents, je suis happé, je navigue de surprise en surprise dans ce monde de 2023…

Le dessin d’Enki Bilal sur la trilogie Nikopol

Et les dessins y sont aussi pour beaucoup. Le style de Bilal, ces décors lourds et fracturés, ces visages ronds, expressifs et parfois si totalement vides d’émotions, ces couleurs sombres même quand elles sont lumineuses et cette rouille sanguine omniprésente, marque d’un délabrement qui avance dans le sens de ces personnages, de cette société, de ce monde.

Le cadrage sort un peu du classicisme. Les cases de Bilal sont plutôt grandes et chaque tome comporte peu de petites cases. Longues ou larges, spacieuses mais toujours étroites, petites parfois, elles portent l’histoire, la renforcent. Le cadre de Bilal se fait vite oublier, pour ne laisser place qu’à l’histoire. Le dessin a parfois ce relief, cette densité qui déborde de la case, non pas en vrai, mais plus en volume, donnant une dimension profonde, une perspective de vie, à laquelle l’auteur des garde bien d’y insuffler ce souffle qui manque, créant ainsi cette impression bancale, cette sensation de creux, ce sentiment d’absence…

Anthologie d’anticipation, rêve traversé, monde gothique, non pas dans le look qu’on rattache à cet univers comme ses couleurs noires et rouges mais dans son esprit, dans cette noirceur inapparente, sous-entendue et tellement forte, la trilogie Nikopol constitue non plus un classique, mais une ombre dans le monde de la BD. Une ombre qui vous éclairera, jusqu’à vous donner le tournis et vous aveugler.

Immortel Ad Vitam, l’adaptation cinématographique de la trilogie

Bilal va passer le cap de la mise en film en reprenant ses personnages dans le long métrage Immortel ad vitam. Contre toute attente, il ne transpose pas l’histoire, il la remanie. Nous ne sommes plus en 2023 mais en 2095. Jill, Horus et Nikopol sont toujours là, merveilleusement incarnés à l’écran respectivement par Linda Hardy, Thomas Pollard et Thomas Kretschmann mais ils ne vivent plus l’histoire de la Trilogie, il s’agit d’un autre récit avec les mêmes personnages. Sensation étrange.

Immortel ad vitam adaptation ciné de Nikopol

A mon avis, il ne manque qu’une petite chose à Immortel pour être un film magnifique: Cette errance, cette sensation de ce perdre en oubliant qu’on ne se retrouvera peut-être jamais, que Bilal a su créer dans la BD. A quoi cela peut-il être dû ? La durée fixée d’un film, le besoin de se rapprocher d’une dramaturgie plus classique pour pouvoir atteindre un public plus large. Un tel film, dont les effets spéciaux sont bien réussis, coûte un certain prix, qui ne peut être amorti que par la foule qui va venir le voir.

Pour moi, cette vision au cinéma a été une grande surprise. J’avais eu deux places pour une projection mystère chez UGC. « Vous venez avec un/une ami/e, vous ne savez pas le film que vous allez voir, un questionnaire vous sera remis à la fin. »

Je n’avais pas suivi les plannings de sortie et j’étais allé avec une amie, donc (conforme à ce qu’on me demande), sans savoir ce que j’allais voir. Dans la queue, je lui ai lancé que j’aimerais bien que le film de ce soir soit Immortel, le nouveau Bilal. Et j’ai été exaucé !

Angoissé à l’idée d’être déçu, j’ai assisté à la projection avec plaisir. J’ai eu seulement un sentiment de manque à la fin. Oui, il me manquait quelque chose, d’impalpable, d’immatériel. Ce quelque chose que j’ai essayé d’identifier dans cet article.

Évidemment, chez moi, j’ai récupéré la BD et le DVD ! J’aime le choix de Bilal non pas d’adapter sa trilogie, mais de la transposer, de nous offrir une nouvelle aventure, celle qui aurait pu se dérouler si nos héros auraient vécu soixante-dix ans plus tard. Malheureusement le film joue parfois sur des ressorts qui ne fonctionnent pas. Je ne peux s’inquiéter pour nos héros, vu qu’ils sont aidé par un Dieu, la tension du scénario ne peut donc jouer là-dessus. C’est aussi cela qui pêche pour moi.

Je ne me plaindrai pas plus, car un de mes regrets sur le cinéma français est le trop peu de films d’anticipation et de SF. Ce n’est pas notre culture, entends-je souvent ! Moi, c’est la mienne et je suis heureux quand des réalisateurs comme Bilal ose franchir ce pas pour m’offrir des films comme Immortel.

Je précise que d’autres aussi ont tenté le coup, dans des styles différents, je pourrais citer à titre d’exemple Chrysalis, Dante 01, Peut-être, Eden Log, Renaissance, la Cité des enfants perdus, Furia, Le cinquième élément et j’en oublie ! Il n’y en a pas assez à mon goût.

En attendant que tout cela se chamboule, n’hésitez pas à voyager dans la trilogie Nikopol, à plonger dans Immortel ad vitam et à partager votre avis !

David

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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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