Titre : Hard Boiled – Tome 1
Auteurs : Franck Miller (scénario) ; Geof Darrow (dessin) ; Claude Legris (couleurs)
Année : 1990
Éditeur : Delcourt
Son nom est Carl Setz. Enquêteur en assurances, une femme, deux enfants, un type normal qui mène la belle vie. Mais Carl fait des rêves extrêmement violents dans lequel il joue le rôle d’un assassin inhumain du nom de Nixon qui ressort quasi entièrement détruit de combats qui suintent d’une violence obscène. Finalement, peut-être que Carl n’est pas Carl, mais qu’il n’est pas Nixon non plus. Et peut-être aussi que sa vie n’est pas si ordinaire, encore faut-il être sûr qu’il ait réellement la vie.
Cet album BD est certainement l’un des pires que j’ai eu entre les mains et sera sans doute l’un des plus brillants que j’aurai eu l’occasion de feuilleter. C’est de tout ce paradoxe que se joue ce chef d’oeuvre écœurant qui met en scène un personnage héroïque et dégoûtant. Impossible de démêler le vrai du faux, de déterminer si ce dur à cuire est oui ou non un antihéros. Au fil de la lecture, l’obsession devient inquiétante, rien que porter de l’intérêt à ce genre de purin scénaristique nous afflige. Et pourtant… Pourtant, les auteurs de Hard Boiled se jouent de nous dès la première vignette et on s’en régale, on en redemande. Plongés dans un graphisme hors du commun, fascinés par ces millions de détails dans lesquels on se perd et qui nous donnent des haut-le-cœur on voudrait tourner les yeux, refermer ce cauchemar sur page : impossible. Ces traits qui fourmillent de violence nous hypnotisent. Le talent graphique, indéniable ; le découpage fou et électrisant, plus que louable ; le travail des couleurs, formidable ; portent honteusement un récit incompréhensible, ou plutôt qu’on se refuse de comprendre. Subsiste alors une question : qui sont les héros ? Nixon, pour ses prouesses fictives et son immortalité ? Les auteurs, pour avoir osé pondre ce scandale ? Ou nous, pour avoir eu le courage et la bravoure de passer au tome 2 ? A moins que nous ne soyons tous des criminels héroïques pour ces mêmes chefs d’accusation…
