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Crayon Noir Samuel Paty, histoire d’un prof, la BD documentaire sur le meurtre d’un homme
Titre : Crayon Noir Samuel Paty, histoire d’un prof
Auteurs : Valérie Igounet (texte), guy Le Besnerais (adaptation et dessins), Mathilda (couleurs)
Éditeur : StudioFact Editions
Collection : –
Année : 2023
Pages : 160
Résumé d’une histoire qui fait mal :
Une cérémonie officielle, la musique One de U2, une voix raconte, la musique qu’il aurait aimé, Christophe Capuano prend la parole pour rendre un hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire géographie au collège le Bois d’aulne, ce mercredi 21 octobre 2020. Les témoignages s’enchaînent. Mais comment en est-on arrivé à ce qu’un simple enseignant dans un collège de Conflans Sainte-Honorine soit horriblement assassiné ?
Le scénario documenté:
Les témoignages recueillis par Valérie Igounet sont nombreux sont nombreux et permettent de réunir plusieurs points de vue sur le déroulement des événements qui ont amené au meurtre de Samuel Paty.La narration suit deux lignes principales, celle du professeur et celle d’un homme qui tombe dans la radicalisation extrême et qui va commettre l’impensable, Abdoullakh Anzorov.
L’histoire démarre au 1er septembre 2020, jour de la rentrée, et à partir de là, les journées vont s’égrener jusqu’au drame.
Cette BD vous prend par les tripes car le décompte est inéluctable et l’on sait qu’on se rapproche de l’issue fatale. Les différents moments de cette histoire, reconstitués à partir de tous les éléments qu’a réunis Valérie Igounet suite à une enquête de deux ans, permettent de poser ces moments du quotidien, et surtout de décortiquer l’enchaînement des faits. A chaque page, on voudrait qu’il arrive quelque chose qui détourne, qui stoppe l’engrenage mais on sait qu’il ne se passera rien. On comprend les erreurs qui ont amené à l’incompréhension, aux réactions excessives d’élèves, de parents et à la mort de Samuel Paty. Ce recueil n’est pas là pour juger, la justice s’en chargera, mais pour que l’on saisisse bien tout ce qui s’est réellement passé. Ce meurtre n’a pas surgi de nulle part, il y a eu toute une mécanique qui y a abouti.
Je pense que c’est pour cela qu’il faut lire cette BD, pour comprendre ce qui s’est vraiment passé et ne pas se baser sur des infos non vérifiées, transformées par les différents intermédiaires. Justement, c’est ce qu’a probablement fait Brahim Chnina, en écoutant sa fille et en refusant d’aller plus loin dans la vérification de ce qu’elle lui a dit.
Ces témoignages, qui permettent de reconstituer la situation, sont également mis en valeur par le travail du dessin.
Le dessin qui jongle entre le factuel et l’émotion :
Guy Le Besnerais adapte tous ces éléments pour en faire une BD. Ils ont construit ensemble, avec Valérie Igounet, page par page, ce récit documenté.
Cette BD, dans un style semi-réaliste, trace les portraits des différentes personnes qui se sont retrouvés dans cette histoire, pour celles ayant refusé d’être figuré et pour tous les mineurs, le dessinateur a créé de nouveaux visages.
Pour ne pas basculer dans un style trop réaliste, Guy Le Besnerais a opté pour un travail sur les couleurs de cette BD. Les gris ternes, les couleurs foncées dominent les passages consacrés à Anzorov, tandis que des aplats de couleurs, plus variés, mais pas forcément réalistes permettent de désamorcer la réalité brutale.
Mais le dessinateur a aussi joué sur un autre point, parfois, il met en scène de manière symbolique les situations. Une double page de vague Hokusaïenne présente le déferlement sur les réseaux sociaux, la cérémonie d’hommage toute en bichromie rouge et bleu, Samuel Paty qui se retrouve dédoublé, triplé sur une page, parmi des documents plus grands que lui, photos, documents, pour nous immerger dans l’ambiance d’un cours, ou encore le choix de cette silhouette d’un noir d’encre qui représente Anzorov lors qu’il rôde autour du lycée.
Ce double travail , couleurs et symbolisation, joint au portrait – réels ou fictifs – des personnages de cette histoire, donne toute sa force à cette BD.
Le style choisi permet d’équilibrer avec les témoignages cent pour cent vérifié par Valérie Igounet et de faire de cette BD plus qu’un reportage, mais bien une histoire poignante, d’autant plus poignante qu’elle est vraie.
Conclusion d’une BD qui marque:
Un récit qui vous serrera les entrailles et vous frappera au ventre comme un coup de poing. Et pourtant, à côté de cela, le décorticage de tout l’engrenage qui a mené à ce crime odieux est présenté avec le recul nécessaire, pour comprendre, et ne pas juger. Une BD qu’il faut lire, et offrir autour de soi.
Certains professeurs s’en servent déjà pour parler de Samuel Paty en cours et faire réfléchir leurs élèves sur ce qui est advenu.
Zéda rencontre Samuel Paty !