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Ce vide au fond de moi T1, la BD d’une rencontre et de deux souffrances
Série : Ce vide au fond de moi
Titre : T1
Auteurs : Iori Kanzaki (scénario), Tomo Taketomi (dessins)
Éditeur : Delcourt-Tonkam
Collection : Moonlight
Année : 2024
Pages : 192
Résumé de l’histoire de deux désespoirs :
De nos jours, Chihiro, jeune homme d’une vingtaine d’années, est au cinéma. Il regarde un film sur l’histoire de Ruka, une jeune fille responsable de la mort d’un homme, qui s’enfuit, son meilleur ami, amoureux d’elle, décide de s’enfuir mais la poursuite tourne mal… C’est sa propre vie que Chihiro voit sur l’écran. Tourmenté, il ne parvient plus à s’intégrer en société. Il désespère de tout, jusqu’au jour où il rencontre Iruka. Mais il ignore la douleur qui la ronge.
Le scénario d’un récit audacieux:
Suicide, dépression, harcèlement, prostitution, inceste, autant vous dire que ce manga n’est pas là pour vous faire rire. Mais cette histoire prenante vous fera découvrir les drames qui ont marqué la vie de Chihiro et de cette jeune femme qu’il va croiser par hasard, Iruka.
Deux vies, deux âges, mais des douleurs qui se rejoignent, sans se connaître. Car dans ce premier tome, au-delà de la rencontre, chacun gardera précieusement son secret et aucun ne sera capable de se comporter normalement. Car la normalité a été biaisée par le drame. Et leurs motivations profondes ne sont pas forcément très saines.
La force de ce récit est que sachant cela, on s’attache aux personnages, car le récit nous met vraiment en empathie avec leurs souffrances.
Le souci est que chacun ne voit en l’autre qu’une solution à son problème et pas une personne dont il pourrait tomber amoureux.
Je vous épargne la frustration que j’ai ressentie de ne pas avoir la suite de l’histoire et de savoir qu’l va falloir attendre je ne sais combien de temps. Car le récit ne finit pas sur un cliffhanger, mais juste sur une fin de chapitre et c’est la situation générale qui nous pousse à dire « mais… mais non, je veux la suite ! »
Si la situation de Chihiro est tragique, la perte de l’être aimé qui se suicide, nous comprenons sa douleur mais n’avons pas tous vécu ce type de drame (heureusement). Par contre, le drame de Iruka est plus représentatif de notre époque, isolement, transfert émotionnel, recours aux réseaux et à l’internet pour s’en sortir. Son drame pointe des problèmes de la société japonaise et au-delà, de notre société.
Ce récit adopte le double point de vue, nous suivons une partie de l’histoire en étant avec Chihiro et une autre, parfois aux mêmes heures, en étant avec Iruka. Nous comprenons d’autant mieux leurs réactions lorsqu’ils se croisent.
Et nous plongeons d’autant mieux dans leur psychés respectives. Une histoire dont on se demande comment elle va finir, car le récit peut basculer soit vers une fin optimiste, soit pessimiste. Et rien ne permet vraiment de trancher à ce stade de l’histoire (tant mieux, ça fait des surprises pour après).
Le dessin typique du manga quoique… :
On retrouve la stylisation des personnages, grands yeux, petit nez, encrage fin, décors hyper réalistes et utilisation du noir et blanc avec des trames de gris. Mais si l’on y regarde bien, on peut voir que les encrages jouent beaucoup sur des tracés inachevés, ou se reprenant de manière très subtile, sur le trait d’un menton, ou sur un visage, un corps inachevé. Cela contribue à symboliser la vie incomplète des deux protagonistes de cette histoire.
De même, il n’y a pas de représentation chibi (version petite, avec des têtes un peu carrées et toute mignonnes) des personnages, comme on peut en trouver dans d’autres manga pour apporter de l’humour.
Si il y a de l’humour, il fait partie du quotidien et s’insère dans la vie des personnages sans être marqué par un style graphique particulier. C’est ce qui contribue à donner de la force à ce récit. Nous ne sommes jamais coupés de la trame, nous suivons Chihiro et Iruka quoiqu’il arrive. Et la bonne blague ne permettra pas au lecteur de souffler. Ce qui contribue au fait que l’on est happé dans le récit (moi, en tout cas).
J’espère que ce récit ne va pas trop s’étaler dans le temps et finir en quelques tomes, pour garder sa force tragique et ces moments poignants qui risqueraient de se diluer dans la longueur.
Conclusion d’une BD tragique :
un manga qui met en scène deux souffrances dans une rencontre inattendue. Il est encore trop tôt pour dire qu’il sera tragique, puisque je n’en connais pas la fin, mais il est bien dramatique et si émouvant, touchant par ces deux âmes perdues qui forment le cœur de l’histoire.
Zéda croise Milly et Billy !