Anthony Pastor continue son exploration du western en déconstruisant ses codes figés et nous offrant un album d’une grande beauté graphique autant que narrative. Je vous parle aujourd’hui de Billy Lavigne: c’est parti !
Titre : Billy Lavigne
Auteur : Anthony Pastor
Éditeur : Casterman
Année : Mars 2025
Nombre de pages : 152
Sommaire de l'article
« Ouvre les yeux » Billy Lavigne
Ce matin là, trois hommes se tiennent devant le corps nu et sans vie de Maggie Lavigne. On l’enterre sans cérémonie, sans pierre tombale, sans son fils, Billy.
Mais quand celui-ci rentre à Clarendon, il veut savoir comment, pourquoi ?
Cette disparition lui transperce le coeur et il sait qu’elle est douteuse. Il passe ses nerfs sur Keller, le jeune amant de, feu, sa mère. Ahuri épris d’amour pour cette femme, il est celui qui a repêché le corps mais aussi le dernier à l’avoir vu en vie.
Le « colonel » et le capitaine, les deux prétendants au rôle de père de Billy en sont persuadés, Keller ment. Billy Lavigne rentre alors dans le jeu vicieux de celui qui règne en main de maître sur cette ville et poursuit l’homme prétendu assassin.
Tout commence là où tout fini
Les premiers jours qui vont suivre la mort de sa mère, la vérité va prendre l’ascendant sur la poudre aux yeux dans laquelle Billy se complaisait. Et enhardi par la tristesse, il va se remémorer ce à quoi il assiste, dans l’ombre, depuis si longtemps. Les magouilles qui gangrènent cette ville et auxquelles ils participent par ses silences et actes complices.
Mais il est temps que Billy Lavigne s’éveille.
Pages après pages, les révélations réveillent les tensions, les secrets endormis et ceux qui ne demandent qu’à être enflammés.
Et tandis que son monde va peu à peu s’écrouler, les visages se montrent de plus en plus à découverts… “Ouvre les yeux, Billy”…
De la puissance de la narration
Anthony Pastor livre un western puissamment humain. L’auteur laisse de côté l’habituelle rengaine du cow-boy valeureux pour nous proposer une fresque bien moins enjolivée. Dépeignant une galerie de personnages masculins pour en dénoncer les faiblesses, les raccourcis et les bassesses.
Des figures charismatiques pour accentuer la chute. Au milieu, Billy, le fils d’une femme bafouée et abandonnée à son sort, va mettre en lumière toutes ces choses jusqu’alors tolérées.
Tout en intensité et en révélation, « Billy Lavigne » est un plaidoyer d’une grande force auprès de toutes ces femmes qui nous entourent, qu’on négligent ou qu’on musèlent.
Un scénario ancré dans un album de genre mais qui résonne fortement avec l’époque actuelle. Grâce à la justesse du contexte, les émotions vécues et les thèmes abordés, le propos est universel.
Tableaux après tableaux
Un album d’une élégance et d’une beauté grandiose. L’auteur-illustrateur varie les tailles de cases pour donner à apprécier tout son talent. Une palette de couleurs froides et chaudes viennent apporter un dynamisme et une ambiance tout à la fois pesante et ardente.
Dès la couverture, on est projeté dans les inspirations picturales d’Anthony Pastor avec un tableau rappelant celui de Géricault « Officier de chasseurs à cheval de la Garde impériale, chargeant« . Chaque pleine page est, donc, une invitation à la contemplation.
Mais il y a aussi beaucoup de plans serrés sur les visages, dans cet album. Ces focus viennent ajouter de l’épaisseur aux émotions ressenties et renforcent l’importance des expressions des différents personnages. Entremêlés entre pleine pages et décors, on prend son temps sur ce titre de 150 pages. On bénéficie de la beauté des aquarelles pour reprendre son souffle et profite d’un instant de répit dans cette violence sourde.
Magnifique.
Adieu Billy Lavigne
Un album formidable qui redonne ses lettres de noblesse aux femmes tout en offrant aux lecteurs et lectrices une lecture puissante. De plus, les aquarelles virtuoses d’Anthony Pastor amènent le western dans l’art de la peinture romantique. Un album qui évoque finement et intelligemment l’égalité hommes/femmes. Un récit plus profond que la simple quête du cow-boy solitaire et qui apporte un sublime renouveau au genre.
Anthony Pastor entend proposer une trilogie d’un western d’un genre nouveau, chez Casterman. « Billy Pastor » suit le grandiose « La Femme à l’Étoile » et continue de nous éblouir par sa qualité graphique et scénaristique.
Marion Montrouge
@marionbdaddict
