Histoire de ne pas être là pour rien, le voilà au festival
d’Angoulême pour des dédicaces, certes mais aussi pour des
interventions lors de conférence et de rencontre.
Paris, profite de la présence de l’auteur américain pour monter une
exposition sur son œuvre globale. Alors peut-être que certains
d’entre vous se demandent : « Mais qui est Daniel
Clowes ? ».
américain, auteur du comic « Ghost World » dont
l’adaptation cinéma avec Thora Birch, Scarlett Johanssen et Steve
Buscemi a réjoui nos yeux (en tout cas les miens). Il a écrit
également – mais pas que – la série « EightBall » et
« Ice Haven », « Le Rayon de la Mort »,
« Caricature », « Wilson » etc… jusqu’au
dernier en date, « Patience ».
nous retrouvons Daniel Clowes dans la grande et classieuse salle de
presse de l’hôtel de ville d’Angoulême. Quand je dis nous, il
s’agit de journalistes et chroniqueurs internationaux – je déduis
cela d’après les accents de mes confrères), pour répondre à nos
questions enthousiastes – et de votre serviteur. Alors prêt pour
un petit tour d’horizon Clowesien ?
impressions à propos de sa venue en France et de cette exposition à
la galerie Martel ?
La question le réjouit et pour cause, car, raconte-t-il avec humour,
la galerie lui a donné la consigne de parler autant que possible de
l’expo. Mais pour lui, être exposé et également reçu à Angoulême
est un véritable honneur.
toute sa carrière, avec des dessins, des typographies et d’autres
formes d’expressions, un vaste mélange et un panorama sur toute son
œuvre.
autres à Chicago, et des œuvres présentées à ces occasions
seront bien sûr accrochées à Paris.
d’un nouveau projet aujourd’hui ?
trajectoire rectiligne. Pour chaque projet, il se retrouve comme dans
l’œil d’un ouragan ! Il ne trouve pas de meilleure métaphore
pour décrire comment il perçoit son travail.
il se replonge dans ce qu’il a réalisé, il se voit différemment
aujourd’hui ?
– auquel va être consacré une anthologie soit dit en passant -, il
est choqué aujourd’hui par la franchise et l’affectivité qu’il
redécouvre dans ces premiers travaux.
lequel d’entre vous deux Daniel Clowes ? »
« Patience », qui utilise le voyage dans le temps. Un
thème nouveau dans les histoires de Daniel Clowes. La question
tombe : Comment s’en est-il servi ?
aucun intérêt particulier pour l’aspect scientifique, physique de
ce thème. Pour lui, il s’agit d’une métaphore pour explorer
l’esprit de son personnage et voir comment il fonctionne.
éléments de son vécu auraient pu se retrouver dans cette
histoire ?
L’histoire d’un homme qui se revoit plus jeune reflète l’expérience
qu’il a vécue en préparant l’exposition américaine et son
anthologie « EightBall ».
comme un récit fataliste, pessimiste, et aimerait avoir le regard de
Daniel Clowes sur ce point.
traite des petits choix qu’on fait tout au long de son existence, des
choix dont la somme nous amènent là où on ne s’y attendait pas.
Mais il ne s’agit pas de fatalité.
pouvait voyager dans le temps ?
l’époque de Jésus pour voir à quoi il ressemblait puis se reprend
bien vite. En vérité, il ne ferait pas de grands voyages, il
reviendrait juste sur des moments de sa jeunesse, pour se rappeler
des choses dont il ne se souvient plus. Ce serait peut-être du
gâchis mais bon…
Pour répondre à Zéda, Daniel Clowes,
c’est lui !
Clowes nous a aussi donné quelques éléments.
sur son travail. Il refuse les cadres rigides. Il veut rester à
l’écoute d’émotions qui se présenteraient à lui pour les intégrer
au récit.
personnages ?
enfant. On est très proche mais à un moment, il, faut les laisser
partir. Il ne s’identifie pas aux auteurs qui restent des années
avec le même personnage ou à ceux qui les laissent, puis les
reprennent des décennies plus tard.
vraies personnes mais ils mélangent les traits de caractères et si
l’un de ses personnages ressemblent trop à son inspirateur, il en
modifie l’apparence physique !
s’il prend le temps de voir d’autres films, de lire d’autres BD,
américaines ou d’ailleurs.
Daniel Clowes se tourne surtout vers les auteurs américains ou
traduits en américain.
Nicole Claveloux dans Métal hurlant, traduit aux US. Il apprécie
les vieux films, comme « Playtime » de Jacques Tati.
D’ailleurs, lors de son premier voyage à Paris, il a essayé de
retrouvé des situations des films, comme cette porte où se reflète
la Tour Eiffel. Il voulait trouver la porte au reflet plus que voir
la vraie Tour Eiffel.
pourquoi vous portez une plume sur la tête ? »
l’adaptation de sa BD « Wilson » au cinéma. Il en a
écrit le scénario (comme pour ses adaptations précédentes). Le
film est terminé, Woody Harrelson et Laura Dern jouent dedans et une
projection a eu lieu au festival de Sundance – La Mecque du cinéma
indépendant américain -. Daniel Clowes a beaucoup apprécié
l’adaptation, surtout pour sa partie comique. Il espère que le
public réagira comme lui.
film respecte le choix graphique du livre, à savoir le style de
dessin qui change d’une page à l’autre.
en tant que scénariste et qu’il n’a donné aucune consigne visuelle.
De plus, c’est compliqué à intégrer et il a constaté que de
nombreux lecteurs n’avaient même pas perçu ce changement de style
dans la BD, alors pourquoi l’imposer au cinéma ?
Son expérience dans le cinéma a-t-elle influencé sa manière de
travailler ses BD ?
l’atout majeur dont il dispose dans une BD : Le contrôle total sur
sa création. Le cinéma est un travail collectif où il faut agir et
tenir compte de beaucoup d’avis.
pas en substance lors de l’adaptation, de l’incarnation par un
acteur.
cela. Un personnage joué par un acteur est donc une interprétation
de son personnage originel. C’est intéressant de voir comment il a
été repris.
d’écrire un scénario original pour le cinéma ?
d’acheteur pour ses récits. Tant de travail pour rien, c’est trop
frustrant. Aujourd’hui, les producteurs et les studios préfèrent
adapter une œuvre qui a déjà une histoire, un public.
scénarios de cinéma en BD ?
lui semble pas intéressant. Par contre, il s’autorise à reprendre
des personnages de ces histoires pour les intégrer dans ses BD.
a changé de place !
Daniel Clowes, il y a l’actualité brûlante des états-Unis, à
savoir l’élection de Donald Trump, ce qui a, on peut s’en douter,
soulevé plusieurs questions.
pires cauchemars de l’auteur, s’enquiert un collègue.
Daniel Clowes a l’impression que ses BD sont inutiles, tellement la
réalité dépasse ses pires visions dystopiques.
idées d’histoires ?
va être affecté, c’est sûr mais il ignore encore quelle forme cela
va prendre.
dans des racines personnelles, au vu des élections, Daniel Clowes
s’imagine-t-il écrire des récits plus ancrés dans l’information ou
l’autobiographie ?
commentent le présent et la situation actuelle. Il évoque Arthur
Szyk, illustrateur Allemand qui, sous le nazisme, avait caricaturé
le Führer en personne. Revoir le travail de cet artiste donne envie
d’écrire des histoires axées sur le présent.
artistes peuvent avoir un impact tous ensemble suite à l’élection
de Trump ?
certain qu’une action collective ait un impact positif et surtout
qu’elle soit opportune. Formuler une réponse adéquate, collective
ou pas, va nécessiter du temps.
festival d’Angoulême ? En rêve-t-il ?
« Non ! ». Daniel Clowes n’a aucune idée de comment
fonctionnent les sélections et les choix. Alors pour lui, penser à
cela, c’est une longue « route vers la tristesse ».
(officiellement nommé avec Cosey et Larcenet) gagne ?
serait si heureux que ce soit Chris pour une simple raison, assez
méchante d’ailleurs. Ce serait un tel calvaire pour Chris Ware de
gérer ça, le temps que ça lui prendrait, que Daniel Clowes en rit
déjà.
se verrait-il dans cinq ans ?
simple : « Je ne sais même pas où je serais en Mars. »
Il ne se projette pas aussi loin. Il espère être vivant mais sera
peut-être dans un camp de travail de Donald Trump à faire du
macramé.
Daniel Clowes !
rencontre et me voilà prenant congé de l’auteur et de mes collègues
pour me replonger dans les rues d’Angoulême, à la recherche de
nouveaux événements à partager avec vous…