vendredi 19 avril 2024

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Neige T1 : Les Brumes Aveugles

BD Neige T1 Les Brumes Aveugles
Titre : Neige T1 Les Brumes Aveugles
Editeur : Lombard
Auteurs : Gine et Convard
Année : 1987
Résumé :
Des parents en fuite, une exécution sanglante, du sang sur la neige, un enfant abandonné dans le froid… Voilà les derniers souvenirs de Neige. L’enfant, c’est lui.
Recueilli et élevé par Northman et son fidèle chien, Trace ;
baptisé du nom de cette neige dont il a été sauvé in extremis, le jeune adolescent Neige ne se souvient plus de son passé, ni même de qui a tué ses parents. Il n’a qu’une idée en tête : comprendre. Pour cette raison, il va quitter le giron de son père adoptif et partir explorer le monde qui l’entoure. Ce monde, plongé dans un hiver permanent, coupé de l’extérieur par de grands murs invisibles, frappé par de violentes tempêtes hivernales et par le Mal d’Orion, il s’agit de notre Europe, d’un coin perdu aux alentours de Chartres en France. Neige n’en a cure, l’Histoire ne l’intéresse pas, ce qu’il veut, c’est retrouver sa propre histoire, reconstituer les bribes de son passé, en finir avec ses cauchemars. Mais la violence de ce monde trop blanc va vite le ramener à une réalité plus dure, où les plus forts mangent les plus faibles, dans tous les sens du terme…
Mon avis : 
Si Michel Berger chantait « Le Paradis Blanc », Gine et Convard nous emmène plutôt dans un enfer blanc. Avec Neige, j’ai relu un beau récit d’anticipation. Quand la folie des hommes provoque la folie du temps, ça donne ce coin perdu en vase clos. Neige a tout d’une quête initiatique : l’enfant seul à la recherche de son passé pour construire son avenir, le mentor bienveillant, la recherche qui le plonge dans le vaste monde, où il va acquérir l’expérience de la vie. Si Northman a enseigné à Neige la survie, le jeune homme ignore comment vivre avec les autres. Voilà le début de ce qui l’attend dans « Les Brumes Aveugles ».

Le personnage de Neige est attachant. Il garde une naïveté, une innocence qui le rapproche de l’enfance,
un enfant qu’il est toujours. Par contre, il a développé une certaine froideur, une dureté inapparente, mais qui se révèle dans les moments difficiles et surprend. Pour ma part, j’ai été assez étonné de voir ce mélange entre sa candeur, ses peurs, et sa violence.

 

Car il ne faut pas se leurrer, Neige est une histoire sans pitié. Le sang coule dès la première rencontre. Et les humains rongés par le Mal en sont réduits aux pires extrémités. Les lois sont dures, et la mort souvent une sanction obligatoire. La force de Neige repose sur sa mémoire blanche, comme les étendues qui l’entourent, prête à comprendre et assimiler rapidement. Je pense que c’est aussi sa faiblesse. Il reste un enfant, qui ne se méfie pas assez.
Les rebondissements sont assez classiques dans l’histoire, les personnages secondaires parfois attendus, comme ce bon vieux Rolmy, dont la courbe narrative et la destinée me semblent limpides dès sa première rencontre avec Neige.
Quand Northman raconte à Neige comment le monde est devenu ce qu’il est pour combler le vide laissé par l’amnésie, c’est bien à moi, lecteur, qu’il le raconte. Il m’ouvre ainsi une porte pour mieux appréhender le futur. Là où l’histoire s’enrichit, c’est que si Neige donne foi à tout le monde, ce n’est pas mon cas. Je sens, et toi aussi, cher lecteur, tu le sentiras, qu’il est une partie de l’histoire que Northman me cache. Et ce mystère me tient en haleine ; surtout, il m’attache à Neige. J’ai envie de lui dire, « méfie-toi, mon petit ! », « sauve-toi, garçon ! » mais je sais qu’il ne m’entend pas. Je sais qu’il doit faire pas à pas cette quête, comme un héros de tragédie qui, malgré les choix, ne peut prendre qu’un chemin pour aller au bout de son aventure, même si lui et moi savons que ce chemin ne peut se terminer que d’une manière.
Au-delà de cette trame classique, c’est l’immersion dans ce monde qui m’a fasciné. La neige comme
éternelle compagne ; ces vastes étendues, au cœur d’un monde clos ; cette histoire typiquement médiévale, qui se passe pourtant dans un futur proche. Cela soulève quelques questions qui me taraudent
une fois l’album fermé. Comment donc font ces gens pour trouver des munitions, isolés chacun dans leurs coins ? Quelles sont ces armes étranges qu’utilisent « Les hospitaliers » et qui ont des effets dévastateurs ? Quelles sont les limites de ce monde glaciaire ?
L’histoire se termine tristement, et rappelle surtout qu’elle est loin d’être finie…
Les dessins de Gine servent bien l’histoire de Convard. La neige est là, tout aussi silencieuse que mortelle. La nature a repris ses droits. Les hommes, minés par le Mal d’Orion, sont effrayants, non seulement de sauvagerie, mais aussi de ruine physique et mentale. Les visages peuvent se révéler très expressifs, malgré les masques et les cagoules. Malheureusement, souvent, ils présentent un aspect figé. Cela se retrouve aussi dans les corps. Parfois, le mouvement est là, et parfois, malgré l’action, les personnages semblent figés dans leur pose. Je trouve cela assez curieux.
Les décors sont détaillés et précis, et parviennent néanmoins à laisser la place à la brume mystérieuse qui
flotte et entoure tout. Les couleurs sont juste magiques. Petit à petit, quand la grisaille laissent la place au rouge du sang et du feu qui entoure les batailles, on est aspiré dans une fournaise sans même s’en rendre compte.
Le cadrage suit une trame assez classique. Des planches découpées en deux à cinq bandes composées de une à quatre cases. Là où le cadrage fait fort, c’est que les auteurs acceptent de le briser pour les scènes de tension et d’action. Les cauchemars, les batailles bousculent la succession doucement installée : Les êtres vivants dépassent des cases, ces dernières se chevauchent, se brisent, changent de format. Et me voilà bousculé aussi dans ma lecture, plongé encore plus dans l’émotion de la scène.
La mise en scène est assez classique, elle permet de toujours suivre au mieux l’action. Même si certains événements paraissent plus déterminés par l’histoire que par l’action graphique. Ce que je trouve dommage. Je pense au tragique  destin de Elna, mais j’en ai déjà trop dit…
Neige est une plongée originale dans un monde cruel où l’homme est devenu ouvertement un loup pour l’homme. J’ai adoré ce voyage et je ne peux que vous recommander cette histoire d’Anticipation. L’hiver permanent est quasiment un personnage à part entière qui influence l’histoire. Et quel plaisir de lire cette BD lové dans une grosse couverture au coin du feu… Mais si vous le faites, je vous recommande d’avoir une petite pile avec les tomes suivants. Et je préfère vous le dire tout de suite : il y a aujourd’hui, à ma connaissance, treize tomes. Et la série n’est pas encore finie, alors prenez votre temps…
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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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