lundi 7 octobre 2024

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Le Rayon U par Edgar P. Jacobs

Couverture Le RAyon U de Jacobs au Lombard
Titre:
Le Rayon U 

Auteurs
: Edgar P. Jacobs


Editeur :
Lombard


Année :
1974






Résumé :


La
Norlandie a inventé le Rayon U mais a besoin d’Uradium pour
continuer les essais sur cette incroyable découverte. Le Professeur
Marduk, accompagné de Lord Calder et son fidèle Adji, de la belle
Sylvia Hollis, du major Walton et de son inséparable sergent Mac
Duff partent vers le mystérieux volcan d’Urakowa pour localiser un
gisement secret repéré par feu Hollis, le père de Sylvia et ami de
Marduk. Malheureusement, ce périple va sérieusement se compliquer
car l’Austradie, pays rival dirigé par Babylos III, a donné les
pleins pouvoirs au félon capitaine Dagon pour détruire l’expédition
!






Mon
avis :


Cette
BD date de la seconde guerre mondiale, grande époque des sérials
tels Flash gordon ou Mandrake le magicien. Jacobs mélange incroyable
exploration, civilisations inconnues, technologies avancées, nature
hostile et races étranges. Le tout bien secoué et légèrement
frappé nous donne ce curieux Rayon U.


Avec
une introduction de Greg – Le légendaire papa d’Achille Talon – ,
cette vieille édition repositionne la BD dans son contexte. En la
relisant, j’ai senti la patte des années cinquantes qui aujourd’hui
paraît bien vieillote avec ces histoires éculées de civilisations
primitives. Il ne manque que la magie.


Mais
on retrouve surtout la patte de Jacobs et son style, qui s’installera
durablement avec la série Blake et Mortimer. Grande plâtrée de
texte descriptive, ambiance mélangeant science-fiction, archéologie,
espionnage, et aussi des personnages manichéens. Ne croyez pas que
je médis, j’adore Blake et Mortimer et on retrouve dans ce Rayon U
les archétypes qui donneront Olric (le capitaine Dagon), le
capitaine Blake (Lord Calder) et le professeur Mortimer (Professeur
Marduk). C’est assez curieux.


L’intrigue
en elle-même est simple – non, j’ai pas dit simpliste – faut
retrouver l’Uradium. Et en plus de se battre contre l’inconnu, faut
se débarrasser de l’odieux Dagon ! Ce qui peut donner lieu à des
situations assez obscures, par exemple :


Nos
héros traversent un fossé et se retrouvent face à un serpent géant
(sans doute les effets de l’Uradium :^) – mais vraiment géant,
plutôt titanesque, quoi ! – n’écoutant que leur courage, ils
fuient. L’un dit « longeons le précipice, c’est plus
praticable » et après un temps – même une course – de
« plus d’un mille », ils se retrouvent à leur point de
départ… Face au serpent ! Conclusion « Nous nous trouvons
bloqué sur un îlot rocheux ceinturé par ce précipice ».
Jusque là, tout va bien. Quand Mac Duff débarque et lance « j’ai
trouvé un torrent dont nous pouvons suivre le lit » Hein ? Un
torrent que personne n’a vu en faisant le tour de l’îlot rocheux ?
Passons. Nos héros le suivent et sont tout étonnés de découvrir
que ce torrent finit… en cascade ! Ben oui, c’est un îlot rocheux
dont vous venez de faire le tour, les gars. En lisant bien, vous
trouverez quelques autres petites perles comme cela. Je ne peux
m’empêcher de citer le lancement de l’histoire, quand, dans un monde
de science-fiction, le félon envoie une lettre manuscrite à son roi
– le cachet de la poste galactique fait-il foi ? – pour le tenir
informé de sa mission. Ca fait « so » Errol Flynn !



En
fait, nos héros vont de périple en périple, passent les
difficultés pour retomber dans d’autres difficultés. Tout cela
s’enchaîne sans grand lien et surtout sans gradation dramatique. Le
cas des incroyables hommes-singes est assez curieux. Tout d’abord, il
faut reconnaître qu’ils ont une bonne bouille et qu’il faut bien le
texte des encadrés de Jacobs pour comprendre qu’ils sont
sanguinaires et dangereux – voire même méchants -. Et surtout,
comme ils ne parlent pas notre langue, Jacobs utilise les cadres pour
expliquer tout ce que font ces pauvres bêtes: lui c’est le roi, là,
une partie d’entre eux se rebelle, ici, ils se disputent, là, ils la
prennent pour une déesse, maintenant, tout le monde danse… C’est
assez curieux comme procédé et aujourd’hui, avec notre regard
moderne, cala a tendance à nous faire sortir de l’histoire. Enfin,
moi, en tout cas.


Jacobs
a nommé sa BD Rayon U, alors qu’on se rend compte que le Rayon U est
un peu le Mac Guffin de l’histoire. Il faut de l’uradium pour le
faire tourner et toute le récit repose sur la quête de cet uradium,
mais nous ne saurons jamais à quoi sert le Rayon U ! Jacobs se lâche
donc dans la dramaturgie et essaye tout un tas d’univers qui lui
plaisent, mais ces premiers pas lui permettent de poser les mondes
qu’il va explorer au travers de Blake et Mortimer. Le Piège
Diabolique, le Mystère de l’Atlantide, le Secret de l’Espadon entre
autres ont leurs racines dans les forêts de l’Urakowa.


Il
faut lire cette BD pour ce qu’elle est: une fantastique plongée dans
la genèse de Blake et Mortimer, les jalons farfouillis d’une série
solide et cohérente (enfin, à quelques exceptions près). La
présence de Sylvia et la princesse Ica, sont à retenir : Des
caractères féminins qu’on ne reverra pas de sitôt avoir des rôles
clés chez Blake et Mortimer !




Point
de vue graphique, la patte de Jacobs est déjà bel et bien là !
Personnages réalistes, aux poses parfois un peu figées et aux
attitudes marquées. Des décors eux aussi réalistes fouillés et
travaillés avec beaucoup de soins. Des couleurs extrêmement réelles
mélangeant des ambiances marquées – revoyez le tronc enflammé qui
s’effondre ou les yeux de la montagne – et des ciels rouges sans
raison apparente. Un cadrage carré, généralement trois bandes de
trois cases avec des variantes, des bandes de deux cases, ou un
grande case verticale coupant la page, mais tout tourne toujours
autour de ce gabarit, trois bandes de trois cases, où parfois
certaines cases sont jointes. Il est quelques rares exceptions. Il
manque ces dessins qui feront le sel de Blake et Mortimer, en
demi-page, voire en pleine page ! Mais Jacobs tâtonne beaucoup moins
aux pinceaux qu’à la plume et vous ne pourrez ouvrir cette BD sans
reconnaître la patte de l’auteur de Blake et Mortimer.



Le
Rayon U est donc une curiosité qui permet de découvrir la naissance
indirecte d’une série aujourd’hui culte, de comprendre ce qu’était
la fiction dans les années quarante, mais de là à dire que c’est
le premier chef d’œuvre de Jacobs, je trouve que c’est aller un peu
loin. Dramaturgiquement faible, Le Rayon U est une sorte de voyage
dans le temps, non vers le futur, mais plutôt dans le passé. Un
voyage à savourer avec candeur et sans a priori, pour mesurer le
chemin parcouru depuis.



Zéda rencontre Lord Calder !



CONFUSION, strip illustrant article 7BD Du Mois sur le Rayon U de Jacobs



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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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