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Le grand voyage de Rameau, une BD de quête initiatique sur fond historique
Titre : Le grand voyage de Rameau
Auteur : Phicil (scénario et dessins), Stéphanie Brancka (assistante scénario), Reiko Takaku (assistante couleurs)
Éditeur : Soleil
Collection : Métamorphose
Année : 2020
Page : 210
Résumé d’une quête homérique:
Le peuple des Mille feuilles a dû faire face, il y a longtemps de cela, à une terrible tragédie. Depuis, nul ne peut quitter le bois où vit le clan et surtout pas pour rejoindre la ville-monstre où règnent les géants. Rameau est une jeune fille du clan qui rêve d’autre chose. Un jour, elle commet l’irréparable, elle franchit la limite. Repérée, elle est jugée et bannie, jusqu’à ce qu’elle trouve la réponse à la question » Pourquoi les géants sont si malades dans leurs cœurs ? ». Rameau va commencer un long périple mais heureusement, elle ne sera pas seule dans ce voyage au bout du monde…
Scénario d’un récit d’aventure et de connaissance:
Démarrant avec un prologue sous forme de livre illustré, dès le premier chapitre, nous retrouvons le format planches de BD et découvrons Rameau en plein travail, houspillé par des jeunes de son âge. Sa vie n’est pas facile, ce qui l’amènera à faire la gaffe, par provocation et imprudence. Après son exclusion, Rameau va partir découvrir quelle vie mènent les géants.
Et nous, nous comprenons assez vite que ces géants vont nous être bien familiers, puisqu’il s’agit des humains. Rameau et ses compagnons vont tenter de comprendre, en regardant, observant et surtout écoutant les rêves des humains, ces géants qui habitent dans une ville-monstre au doux nom de Londres ! Et nous sommes en pleine Angleterre Victorienne. L’histoire est bien menée et tout le trajet jusqu’à Londres permet de comprendre les enjeux, Rameau et ses amis ne savent pas où ils vont mettre les pieds. Les animaux qui les transportent d’étapes en étapes les préviennent. Parfois ils écoutent, et parfois non. Une fois perdus dans la ville tentaculaire, Rameau et ses amis disposent des pierres magiques qui leur permettent de se rapprocher d’humains particuliers. Ces individus sont des personnages historiques, que je vous laisse la joie de découvrir.
Si vous ne les reconnaissez pas, des notes en fin de tome et même les titres de chapitre vous donnent toutes les informations nécessaires pour y voir plus clair.
Le récit enchanteur est tour à tour drôle, triste, surprenant. On voit Rameau comme une petite peste, puis comme une jeune fille perdue. Est-ce que ce voyage lui permettra de se trouver elle-même ? On l’espère. Mais Rameau n’est pas centrale dans ce récit, ses trois amis, Vieille Branche, le vieux magicien, Rainette la Grenouille et Vaness la chenille ont aussi leur rôle à jouer, leur caractère, leurs envies.
Tout au long de cette épopée fleuve – et c’est bien par le fleuve que nos héros entrent dans la capitale anglaise -, la découverte de la ville et de ses personnages historiques est passionnante. Et comme Rameau, je me demandais, « mais pourquoi leurs pierres magiques les guident vers cette personne ? Que va-t-elle leur apprendre ? ». Et parfois, Rameau n’entend pas ou ne comprend pas le message. Et pourtant, elle va apprendre sur le tas ce qu’est la vie à Londres à cette époque, où se jouxtent quartiers d’affaires riches, où vivent les nobles et les aisés et vieux Whitechapel aux relents malodorants et aux pauvres dormant à même le pavé.
Ce voyage va finalement se révéler initiatique pour les quatre compagnons de route. Les différents animaux qui vont les aider sont tout aussi attachants, malgré parfois leurs courtes apparitions, avec une mention spéciale, pour ma part, à Brad le chien en quête de son ami perdu.
L’épilogue concluant les seize chapitres de l’histoire reprend cette même forme de livre illustré, et nous quittons avec douceur et presqu’une pointe de regret ce peuple des mille feuilles.
Le dessin souple et magique:
Phicil écrit et dessine cette histoire presque seul, deux assistantes lui donnent néanmoins un coup de main, Stéphanie Brancka au scénario et Reiko Takaku aux couleurs. Et le résultat est brillant. La magnifique forêt du peuple des mille feuilles, les eaux de la Tamise, Londres sombre et glaçant, avec parfois ces vues dignes de tableaux impressionnistes ou de gravures. Comparaison justifiée car ces sources d’inspirations sont bien présentes et expliquées dans les notes de fin d’histoire.
Le dessin semi-réaliste pour les personnages et un peu fantaisie pour le petit peuple est touchant. On a envie de se dorer au pied de ses racines, et surtout, on a envie de rencontrer tout ce petit monde.
Les couleurs reposantes aux différentes teintes, verts, ocres, bleus, rouges nous entraînent dans des ambiances variées selon les quartiers et les lieux. Tout ce travail de hachures pour marquer les ombres s’étalant sur les bâtiments, ajoute à l’ambiance.
Conclusion d’une BD rondement menée :
Le grand voyage de Rameau nous entraîne dans un monde magique, le récit nous garde en haleine, malgré son air de conte bien connu, les personnages attachants nous emmènent. A côté de cela, c’est aussi un plaisir de découvrir cette Londres et ces personnages célèbres qui y vivent, se frôlent sans jamais vraiment se voir. L’occasion de lire un voyage magnifique rehaussé par la découverte de noms et de textes classiques.
Zéda rencontre Rameau.