Kiyohara Otama est une artiste peintre japonaise née en 1861 à Tokyo où elle commence très jeune à fréquenter une école d’art. Elle tombe amoureuse d’un artiste italien et le suit en Sicile, à Palerme. Elle y apprend les techniques de peinture occidentale et y crée une école orientale. Après de fructueuses et heureuses années, son mari meurt et elle retourne au Japon pour y finir sa vie. La Vie d’Otoma nous livre une version imaginaire de sa bio en y intégrant des rencontres avec des personnages sortis de l’imagination des auteurs.
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BD ou Manga ?
La Vie d’Otama une création originale de Keiko Ichiguchi (mangakate connue pour « Là où la Mer murmure » et « Les Cerisiers fleurissent malgré tout » chez Kana dans la collection « Made In » également) et de deux dessinateur·rices italien·nes Andre Accardi et Arianna Farricella (responsable de l’encrage, mais non citée en couverture, je trouve cela dommage). Elle se lit dans le sens occidental, mais elle est publiée chez un éditeur spécialisé, dans un format, un papier et une collection de mangas.
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, me direz-vous. Cependant n’y a-t-il pas le risque que les fans de BD ignorent ce manga, tandis que les otaku en feraient autant pour ce côté BD ? J’espère que ce très joli manga (allez, je prends parti) trouvera le public qu’il mérite.
Un délicieux cocktail
Avec au cœur l’envie de raconter l’histoire de Kiyohara Otama, première peintre japonaise de style occidental, Keiko Ichiguchi laisse son imagination prendre la main pour raconter des histoires fictionnelles autour de l’artiste. Difficile de séparer la fiction de la réalité, mais le manga se trouve du coup dynamisé par cette triple narration.
Otama est cependant sa première préoccupation. L’histoire s’ouvre en 1877 sur la jeune fille de 16 ans, à Tokyo, en train de dessiner sur sa terrasse, quand vient à sa rencontre un bel homme de dix ans son aîné, qui s’intéresse à son art. C’est un sculpteur italien; Vincenzo Ragusa, en résidence au Japon. Les deux artistes développeront très vite des liens profonds. La jeune fille sera la première Japonaise à devenir modèle pour un sculpteur occidental. Ils se fiancent, mais quand Vincenzo devra quitter le Japon, cinq ans plus tard, Otama le suivra à Palerme en Sicile…
Mais j’anticipe, Ichiguchi, elle, saute directement de la rencontre au retour d’Otoma, désormais veuve, au Japon en 1936. C’est ici qu’on dérape vers la fiction : la peintre fait la rencontre d’un gamin doué en dessin pour lequel elle jouera le rôle d’ange-gardien et de mentor. La narration nous présentera toute la famille du jeune garçon, Atsuchi, parmi lesquels son frère, un jeune soldat qui va participer à la tentative de coup d’état de 1936.
Un chassé croisé entre Histoire et histoires
La narration du manga basculera ainsi constamment entre la vie d’Otama et les évènements autour de la famille d’Atsushi, sans éviter parfois un peu de didactisme aux dépens du rythme. On peut regretter aussi un peu le choix de l’autrice de présenter Otama comme une femme heureuse et traditionnelle, dévouée à son mari, dans l’ombre de son mari (elle l’exprime en ces termes via le personnage de la journaliste japonaise qui va l’interviewer). Pourtant, si l’amour qui lie Otama et Vincenzo est indéniable et si elle l’a effectivement suivi au bout du monde, c’est bien d’une femme forte et qui suit ses envies dont on parle. Il a fallu qu’elle aille contre la volonté de son père pour partir en Sicile et pour épouser Vincenzo. Arrivée là-bas, elle a bataillé avec les autorités locales pour ouvrir une école d’art oriental à Palerme. Elle a étudié les techniques occidentales et a commencé une belle carrière de peintre.
La vie d’Otama, une belle vie, un beau manga
Sous le nom de Tama Eleonora Ragusa, elle aura ainsi passé 50 ans loin du Japon et de sa famille, peignant, gérant son école et vivant de belles années avec son époux, tout aussi célèbre.
Le dessin fin et détaillé d’Andre Accardi est un vrai plaisir pour l’œil du lecteur et fait honneur à l’histoire riche et documentée de Keiko Ichiguchi. Cette biographie romancée est une lecture à conseiller à tout amateur d’art ou d’histoire. Une belle découverte.