vendredi 29 mars 2024

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Terre Gâtée de Marguerite Abouet, Charli Beléteau et Christian De Metter

Terre Gâtée tome 1 aux éditions Rue de Sèvres
Série : Terre gatée
Tome : 1 – Ange, le migrant
Scénario : Marguerite Abouet et Charli Beléteau
Dessins : Christian De Metter
Editions : Rue de Sèvres
Année : 2018
Nombre de pages : 77

Résumé :

Un jeune homme attend patiemment au pied d’un arbre. Mais voilà qu’une voiture arrive et s’arrête, une bagarre éclate, des coups de feu sont tirés. Le jeune homme blessé et inconscient est embarqué dans le véhicule…

Quelques années plus tard, un gaillard défiguré, blessé et assoiffé arrive dans un village africain. Il tente de voler un peu d’eau au marché mais se fait prendre la main dans le sac et les villageois s’en prennent à lui.
Le prêtre du village lui vient alors en aide, et décide de le loger et de le soigner pendant un temps.
Mais qui est cet homme ? Devant le silence de ce rescapé du désert, le prêtre décide de le baptiser « Ange ». Pour les villageois il est considéré comme un migrant.
L’économie du village n’est pas au beau fixe. Seule la terrible Claudia fournit des emplois aux migrants qui cherchent un peu d’argent pour financer leurs périples vers l’Europe. Elle les exploite pour le chantier de la « route de l’ouest » et se fait seconder par Benjamin, le seul blanc avec le prêtre, qui est marié à Grâce, la fille de Claudia.

Le prêtre réussit à faire embaucher Ange sur ce chantier.
Ce projet colossal souffre d’un financement précaire affaibli par une forte corruption, de migrations importantes et de nombreux vols et trafics.
D’autre part, la construction de cette route s’étend sur le territoire des natifs « Errants », ce qui qui leur est inacceptable.

L‘heure des représailles a sonné !



Mon avis :

Marguerite Abouet, bien connue pour ses BDs d’un autre registre (Aya de Yopougon, Akissi…), accompagnée par Charli Beléteau, scénariste pour le cinéma et le petit écran (Itinéraire d’un enfant gâté, plus belle la vie), nous livrent ici un ouvrage particulièrement intéressant.
Une autre vision de l’Afrique que les Aya de Yopougon, façon western et fictionnelle, mais reflétant tellement aussi le phénomène de migration vers un pseudo eldorado Européen…
Le tout illustré par le magnifique dessin du grand Christian De Metter (Au revoir là-haut, No Body, Rouge comme la neige etc…)
Cette aventure est annoncée en quatre tome par l’éditeur Rue de Sèvres.
Terre Gâtée tome 1 Page 14 aux éditions Rue de Sèvres
Page 14 de la BD
Le dessin :

On n’est jamais déçu par le dessin réaliste de Christian De Metter.
Son trait est puissant, épais et imposant. Les dessins ne regorgent pas de détails mais sont simplement beaux !
Chaque vignette semble être une œuvre d’art d’un peintre au talent exceptionnel.
Les personnages ont tous une individualité marquée et unique, identifiée sans commune mesure dans le trait du dessinateur.
Christian De Metter sait rendre un personnage détestable ou à l’inverse un individu totalement charitable, mais il sait aussi inverser les tendances car il est bien connu que chaque être possède un coté ange tout comme une facette démon !
Et les individus représentatifs des westerns sont bien présent : les cow-boys représentés par les migrants, les indiens sous les traits des natifs et des errants, le prêtre cherchant le compromis et la paix, le bon et la brute, les truands etc… A l’exception peut-être du shérif et du croque mort.
Les cadrages rappellent évidement ceux des westerns spaghettis : des plans larges avec des perspectives prononcées, des plongées ou contre plongées instituant un caractère et un suspens indéniable etc…
Du grand art inspiré probablement des classiques audiovisuels.
Les couleurs directes rehaussent aussi les ambiances dures et tendues générée par le contexte scénaristique et environnemental. Elles évoquent le coté chaud et sec désertique de l’Afrique mais aussi des westerns.
Dès les premières pages, en couleur dominante rouge-orange crépusculaire, on en a pour notre plaisir visuel.
Ces illustrations sont juste époustouflantes !
Terre Gâtée tome 1 Page 13 aux éditions Rue de Sèvres
Page 13 de la BD
Le scénario :

Tous les ingrédients du western font évidemment la composition de cette histoire.

D’une part les personnages emblématique sont présents (bons, brutes, pasteur, voleurs, patronat autoritaire etc..).
D’autre part le contexte se prête aussi parfaitement au genre.
Errants, migrants et natifs sont comparables aux cowboys, indiens et résidents.
Il y a aussi cette notion de pouvoir par la peur et/ou l’esclavagisme, puis cette course à l’or et l’Eldorado représenté pour les migrants par l’Europe, pour les natifs et les escrocs par l’économie directe ou secondaire que la « route de l’ouest » peu apporter au village tel les chemins de fer des westerns.
Ce sentiment d’injustice est omniprésent aussi : les errants se voient envahir et coloniser leurs terres, l’entrepreneur se fait doubler par ses employés etc…
On sent aussi irrémédiablement l’histoire trouble d’Ange…
L’environnement aussi est typique de cette catégorie de film : un village perdu au milieu du désert, un bar représentant le saloon, une maison close pour le coté filles de joie, Un piano etc…
Mais tout se passe en Afrique de nos jours et non lors de la conquête l’ouest américain (d’où probablement le petit clin d’œil avec le nom de la route en construction).
Le découpage est simple mais très « aéré » avec de grandes cases peu nombreuses par page, et surtout non envahies par des dialogues (et/ou une narration) abondants.

Ce premier tome à considérer comme une introduction pour les trois autres à venir, fini tout de même avec une belle dose d’action et nous laisse donc dans l’expectative de la suite.
Marguerite Abouet et Charli Beléteau surprennent avec ce récit contemporain reflet d’une société difficile, magnifiquement bien illustré par l’excellent Christian De Metter.

Ciao
Yann

Et je vous laisse avec une présentation du livre par Marguerite Abouet elle même. Une vidéo de la librairie Mollat.

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Yanndallex
Yanndallex
Je suis évidemment un passionné de BD depuis ma jeunesse. Un malheureux accident de vélo ma valu quelques jours d’hospitalisation. Ainsi ma famille, pour me faire passer le temps à l’hopital, m’offrit des exemplaires de la série des Tuniques Bleues. Cette série a été une révélation ! J’étais émerveillé de pouvoir lire des histoires humoristiques liées à des évènements dramatiques (la guerre de sécession, le racisme etc…). Je me régalais à suivre les aventures de mon personnage favori le caporal Blutch. Puis vint la pleine adolescence pour découvrir des séries plus sérieuses, ou toujours humoristiques, d’héroïque fantasy, SF ou policières (XIII, Thorgal, la quête de l’oiseau du temps, le grand pouvoir du Chninkel etc…). J’y ai découvert ainsi des styles graphiques plus travaillés, détaillés, réalistes, poétiques etc… une deuxième révélation pour m’ouvrir progressivement à la bd adulte. A ce jour j’aborde chaque nouvel ouvrage comme une surprise, une promesse d’une belle histoire, que l’on aime, ou que l’on n’aime pas. J’ai pris conscience au cours des années qu’une histoire illustrée de 48 pages, ou plus, n’était pas si facile à créer de manière scénaristique mais surtout graphiquement. Le talent n’est pas inné, et à chaque vignette, je contemple d’autant les années de travails des auteurs. J’admire les techniques graphiques (que je ne soupçonne parfois pas du tout), les choix de couleurs ou du noir et blanc, le travail sur les mises en lumière, la conception des mises en scène, le choix des plans, des effets, des perspectives, le découpage élaboré, les transitions des plans séquences etc… Bref mon œil s’est avisé, mais je n’en reste pas moins admiratif du travail réalisé et des sacrifices réalisés par chaque artiste pour offrir du plaisir à son lectorat, et cela même si l’histoire ne m’a pas forcément plu. J’aime aussi souvent à chercher d’où a pu venir l’idée de l’histoire, très souvent inspirée de fait divers, ou de l’histoire avec un grand H. Je suis aussi toujours émerveillé par la diversité des sujets traités par ce média. Cette disparité permet des livres souvent très intimes avec des témoignages poignants et durs, mais aussi de s’enrichir culturellement, s’ouvrir à des expériences inattendues, parfois loufoques et hilarantes, etc… Et elle nous promet encore de grande œuvres !!

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