mardi 16 avril 2024

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Rencontre avec les auteurs de DANTES

Connaissez-vous Dantès, la série en
six volumes publiée chez Dargaud ?
 
Non ?
 
Sachez qu’il s’agit d’une BD qui se
déroule de nos jours et revisite le mythe de Monte-Cristo à
travers son héros, Dantès. Le héros est un jeune trader sacrifié par plus fort que
lui et revenant se venger des années plus tard sous un autre nom et
un autre visage.
 
Pour éviter la énième déclinaison
du roman de Dumas, les auteurs ont situé l’action sur fond
d’intrigue économique basée sur des faits réels.
 
Vous pensiez qu’avec la fin du tome
six, notre héros allait continuer sa vie loin des librairies et que
ses créateurs allaient passer à d’autres projets ?
 
Que nenni, les trois auteurs ont remis
le couvert pour une nouvelle aventure de Dantès, le tome sept, intitulé
« le poison d’ébène » !
 
 
 
J’entends déjà les grognons: « Oh
non, les gars, y vont tirer à l’infini leur série et le Dantès y
va se venger pendant 47 tomes, pffff ! »
 
Et bien rassurez-vous, ce n’est pas le
cas. Lors d’une rencontre avec Pierre Boisserie, Philippe Guillaume
et Erik Juszezak organisée par Dargaud, ce trio de choc nous a expliqué sa démarche, ses
motivations, son envie.
 

 
Après avoir bouclé le premier cycle
de Dantès, la question s’est posée: Arrêter, continuer ? Les trois
auteurs ont décidé de prolonger, mais pas à n’importe quelle
condition. Il fallait d’abord marquer la rupture avec le premier
cycle, ensuite, trouver une histoire forte et ancrée dans l’univers
de la série et pour finir, ne pas faire de Dantès un nouveau Largo
Winch.
 
Tel était le challenge.
 
Pierre Boisserie nous explique qu’il
ne fallait pas reprendre la vengeance
mais partir ailleurs. C’est là que Phillipe Guillaume a apporté sa
science de l’actualité et de l’histoire économique. Cette nouvelle
aventure se base sur trois faits réels:
 
– La disparition mystérieuse et non
encore élucidée du journaliste Guy André Kieffer en Afrique lors
d’une investigation mettant à jour la corruptions au plus haut
niveau,
 
– L’histoire de déchets abandonnés en
Côte d’Ivoire ayant provoqué au moins dix-sept morts et des
milliers de blessés,
 
– Les sombres magouilles d’un
personnage devenu un pilier des relations France Afrique.
 
Ces trois éléments, mixés avec les
problèmes de Dantès, ont permis de construire un scénario solide.
 
Pierre Boisserie et Philippe Guillaume
ont rencontré des gens connaissant bien leur sujet, recueillis des avis, ce qui les a même
poussé à réécrire le tome huit au vu de nouvelles informations.
 
 
Ainsi, Dantès quitte les bureaux de la
Défense pour aller sur le terrain, en Afrique. Erik Juszezak a vécu là-bas. Sachant quels résultats atteindre, Juszezak a
vraiment travaillé à rendre cette ambiance particulière qu’il avait bien connu tout en
effectuant un travail de recherche précis.
 
 
 
Mais s’agit-il là d’un nouveau cycle ?
Dantès repartirait-il à nouveau pour six tomes d’investigations ? Le trio nous a
rassuré. Ils veulent trouver un équilibre. D’abord, « le poison
d’ébène » sera un diptyque et pourra être suivi d’autres aventures
en une ou deux tomes, mais racontant d’autres récits.
 
Cela se décidera si le public est au
rendez-vous.
 
 
 
Et Dantès dans tout cela ? Et bien, il
devient un héros à dimension humaine. Un des moyens de se démarquer
des autres BD traitant aussi d’intrigues financières ou économiques
consiste à faire de Dantès un homme, pas un aventurier.
 
Un homme qui a ses motivations, parfois
saines, parfois moins. Un homme qui a ses faiblesses, Dantès se
révèle incapable de gérer la jalousie et la rivalité qui oppose
Sarah et Lucie, les deux femmes qui gravitent autour de lui. Et
Dantès se révèle surtout comme n’étant pas, mais pas du tout, un homme d’action.
 
Le trait est peut-être parfois poussé. J’ai été par exemple surpris de la naïveté du héros. Son étonnement devant
l’incroyable magouille qu’il met à jour reste assez surprenant. Mais
gageons que Dantès va prendre de la bouteille au fur et à
mesure de ses péripéties.
 
 
 
Elles sont complexes, ces
aventures. Il s’agit d’un vrai travail de recherche, de réflexion,
de narration, pour exploiter la vérité de ces faits économiques et
leur intégrer les ressorts de la dramaturgie fictionnelle.
 
Pierre Boisserie explique son
incompétence notoire à comprendre les rouages de la finance. Son travail consiste
donc aussi à les rendre clairs pour le lecteur. En effet, si
Philippe Guillaume apporte les faits et sa connaissance précise de
ce domaine, Pierre Boisserie apporte sa maîtrise de la
dramaturgie et de la narration pour agréger et « fictionner »
ces éléments en une histoire stable.
 
Erik Juszezak, lui, effectue la mise en
images, et doit trouver le fragile équilibre entre les textes
parfois explicatifs et les dessins.
 
Les trois complices ont réussi leur
coup, car en feuilletant l’album, vous constaterez que les dessins
s’expriment dans de grandes cases tout en laissant un espace suffisant au
texte. Loin des lourdes cases remplies par une énorme bulle et une
paire d’yeux, Juszezak parvient à nous faire voyager des bureaux
parisiens aux forêts de Côte d’Ivoire à travers son crayon.
 
Les dessins réalistes sont très
vivants et l’Afrique est bien là. Le graphisme clair permet toujours
de bien suivre l’action, même si parfois il manque légèrement de
dynamisme.
 
Sur cet album, Juszezak a été rejoint
par Florence Spiteri qui a magnifiquement assuré la mise en couleur.
 
 
 
Boisserie et Guillaume ont apprécié
de parler de sujets qui leur tiennent à cœur. Il s trouvent plus de
liberté dans l’espace de la BD d’aventure que dans le reportage, où
ils estiment qu’ils n’auraient pu aller aussi loin. De plus, le
public de la BD reportage n’est pas le même que celui de la BD
fiction. Ainsi, ils touchent des gens qui ne sont pas
forcément des adeptes des scandales économiques et leur distillent
quelques éléments de réflexion.
 
Pour eux, Dantès reste d’abord une BD
d’aventure. Et l’aventure est bien là, même si parfois, les
rebondissements jouent sur des ficelles un peu trop visibles. A titre
d’exemple, j’évoquerai la scène de l’appareil photo dans les forêts
Ivoiriennes, sans en dire plus.
 
 
 
Le tome suivant est déjà en cours et
paraîtra l’année prochaine. Les trois auteurs tiennent à cette
régularité de parution afin de ne pas frustrer le lecteur. Cela ne
les empêche pas de travailler à côté sur d’autres projets.
 
Boisserie et Guillaume avancent sur le
scénario d’une nouvelle série, La Banque, qui raconte la banque à
travers la vie d’une famille, de générations en générations. Le
premier cycle démarre en 1815 et durera deux tomes.
 
Ils savent tous deux qu’en ces périodes
difficiles, la sortie d’un premier volume est un pari risqué mais
le sujet est tellement fort qu’ils ne peuvent renoncer. Le cycle en
deux volumes permet de faire des histoires courtes pour le public.
L’idée consiste à sortir les deux tomes dans la même année.
 
Juszezak travaille lui aussi sur
d’autres projets, en cours de discussion pour l’instant.
 
 
 
Pour moi, Dantès est une BD qui
démarre de manière classique et finit de manière surprenante,
suffisamment captivante pour avoir envie de lire le tome huit.
 
Ce qui m’a le plus marqué, ému, c’est
la dédicace en introduction à Guy-André Kieffer. Philippe
Guillaume l’a connu dans les coursives de La Tribune et pour lui, il
s’agissait de rendre un hommage à ce collègue.
 
Cet hommage nous rappelle que, pour que
l’on s’endorme moins bête le soir, des gens risquent leur vie aux
quatre coins du monde. Et parfois, malheureusement, ils la perdent. La vérité peut
coûter cher, et Guy-André Kieffer a payé le prix fort.
 
 
 
Grâce à Dantès, une pensée s’élève vers lui, pour ne pas oublier que le mystère autour de sa disparition
dure depuis plus de 3448 jours (source: site « Vérité pourGuy-André Kieffer »).
 
 
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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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