samedi 20 avril 2024

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Voyages en Amertume T1, La Perle de Marka

Couverture du T1 de VOYAGES EN AMERTUME de Clavé, Dieter et Alluard chez Vents d'ouest
Série: Voyages en Amertume
Titre: La perle de Marka T1
Auteurs : Clave (dessin), Dieter (scénario) et Alluard (couleur)
Editeur : Vents d’ouest
Année : 1993
Pages : 48
Résumé :
Kingsley Bates est écrivain. Enfin, quand cette histoire commence, il est juste un voyageur européen débarquant à Djibouti. Kingsley traîne un lourd passé et, peut-être pour trouver une rédemption, se lance sur les traces du romancier aventurier Henry de Monfreid. Voyage en mer, soleil accablant et surtout choc des cultures et explosion des illusions sont le programme de ce curieux premier tome de « Voyages en Amertume ».
Mon avis :
Dieter nous offre une histoire qui garde une forme classique mais parvient à se doter d’une touche d’originalité. Une sorte  de road-movie maritime sous le soleil des mers du sud ! Si le personnage principal n’a rien d’exceptionnel – l’écrivain classique admirateur d’un autre maître dans son domaine qu’il veut plus que tout rencontrer -, son lourd passé est une des sources de surprises de ce récit. On imagine sur les quelques images qui nous sont montrées une situation
et tout se révèle autre.
Par contre, l’intrigue principale qui positionne Monfreid comme une Arlésienne potentielle – « Il est ici, allons-y, ah, il n’est plus là, on m’a dit qu’il est parti là-bas, bon allons-y ! » – fonctionne un temps. Heureusement, ce ne sera pas le nerf de la série et c’est tant mieux. Cette intrigue se résout donc dans ce tome. Elle a néanmoins l’avantage de créer des conflits qui nourrissent en rebondissements le voyage de notre brave Bates. 
L’aspect road-movie est assez entraînant, même si les rencontres s’avèrent inégales et souvent déjà vues : Le vieil aveugle qui sait plus qu’il ne voit, le lord Anglais perdu sur son île mais la situation qui révèle Bates à lui-même et à ses principes ainsi que sa résolution, donnent tout d’un coup toute sa force au récit. Je regrette presque que cette tension mette autant de temps à arriver. Ces « Voyages en Amertume » me laisse un petit goût amer dans la bouche, celui d’avoir touché à une belle histoire originale qui étouffe faute de place et de développements intéressants. 
A quoi cela est-il dû ? Le scénario aurait mérité plus de tension, plus d’enjeux dans ce road-movie, moins de classicisme. Ce fameux classicisme dont la fin s’affranchit avec brio. Il est difficile de critiquer le travail d’un auteur qui a dû transpirer pendant des mois sur son histoire. Je respecte ce travail mais j’ai l’impression que le résultat n’est pas abouti. Peut-être aurait-il fallu plus de pages également. Difficile de trancher car nous ne sommes pas dans la tête de l’auteur et ne connaissons pas les événements liés à cette création et les contraintes éditoriales. 

 

Mais heureusement, si le scénario présente quelques lacunes, le graphisme est étonnant.

Clavé a mis en image l’histoire de Dieter. Adoptant un style réaliste, les personnages évoluent dans des décors tout aussi crédibles. Le trait légèrement estompé permet de marquer la chaleur. La force du travail du dessinateur est d’avoir réussi à garder un côté crayonné, fusain, qui, joint au doux travail de couleur de Alluard, donne un aspect caractéristique et magnifique au trait. 
Comme si la chaleur pesante et écrasante de ces latitudes créait une zone de flou sur le dessin, le rapprochant de quelque chose de très variable. Les personnages, les décors sont bien là, mais semblent légèrement évanescents.

 

Les couleurs se mélangent et parfois, la mer a des allures d’étendues de dunes vertigineuses dans le soleil couchant.
Le cadrage comporte trois à six bandes de une à quatre cases. Il varie au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire et les auteurs ont oeuvré à ce qu’il serve au mieux les émotions de Bates. Contrastant au maximum à la fin, où le choc que subit notre vieux Kingsley est renforcé par une mise en page enchaînant des classiques bandes de trois cases.
Le découpage maintient Kingsley toujours droit, mais n’hésite pas à faire basculer le monde autour de lui. Plongée, contre-plongée, amorces bloquant le passage, tout est bon pour bousculer notre écrivain qui cherche tant bien que mal à rester droit comme un I dans ce monde de brutes et de tordus.
« Voyages en Amertume » est une curiosité visuelle qui mérite le détour. Cette BD rappelle qu’il y a des milliers de manières de faire de la BD mais pas une de forcément meilleure que les autres.  C’est une nouvelle et fort belle approche que nous dévoile Clavé ici, une approche qui m’a tellement marqué que lorsqu’à 7BD, nous avons choisi d’évoquer le soleil et la canicule, les dessins de Clavé sont immédiatement remontés à la surface de la mer de ma mémoire ! Je n’ai pas hésité une seconde à vous parler de ce récit où la chaleur moite et lourde est restranscrite d’une manière délicieusement agréable.
Pour la petite histoire, ce premier tome fut suivi de deux autres avant que la série ne s’arrête.
Et pour la grande histoire, Monfreid a tout ce qu’il faut pour être celui après qui on court dans ce premier tome, sa vie étant parfois plus incroyable que ses écrits. En effet, Monfreid (1879-1974) a bel et bien existé et son oeuvre la plus connue reste « Les Secrets de la Mer Rouge », récit d’aventures ayant marqué l’histoire de la littérature de voyage.
En plus du livre accessible dans toutes bonne librairies, il nous reste son adaptation télévisée qui fit les belles heures de FR3 – rappelez-vous, F3 s’appelait ainsi il y a des années de cela –  et également ce curieux ovni de la chanson, sobrement baptisé « LaMer Rouge », de Gérard Manset et pour la BD, cet étrange premier opus de « Voyages en Amertume ».
Alors oui, cette BD comporte des imperfections scénaristiques à mes yeux mais ses dessins se sont gravés à jamais dans ma inconscient, alors n’hésitez pas à y jeter vos deux yeux et si Kingsley Bates n’est pas le plus charismatique des écrivains aventuriers de l’histoire, il n’en restera pas moins graphiquement marquant ! 
Zéda se confronte aussi à l’oeuvre de Monfreid !
"LE SACRE DE LA MER ROUGE", strip de Zéda pour illustrer article sur VOYAGES EN AMERTUME T1
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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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