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Un enfant comme ça
Titre : Un enfant comme ça
Auteur : Antoine Bréda (scénario et dessin)
Éditeur : La Boîte à Bulles
Collection : Hors-champ
Année : 2019
Page : 80
Résumé d’une BD comme ça :
Charles est un enfant particulier. Il n’a commencé à parler qu’à l’âge de six ans. A moins que ce ne soit pour d’autres raisons qu’on l’ait considéré comme particulier. Tant bien que mal, Charles arrive à l’âge adulte, se marie, a un enfant. Mais quelque chose ne fonctionne pas. Malgré tout l’amour que Julien, son fils, lui porte, il manque quelque chose à Charles, mais comment l’exprimer quand on vous a catalogué dès l’enfance comme différent ?
Un Scénario comme ça:
L’histoire se divise en trois parties. Un prologue sur l’enfance de Charles, suivi du cœur de l’histoire sur la vie adulte de Charles et un chapitre de conclusion. La seconde partie nous plonge effectivement dans le quotidien de Charles. Même si nous ne saisissons pas totalement ce qui se joue dans le crâne de ce personnage qui parle très peu, on ressent l’insupportable répétition de sa routine quotidienne, cette sensation de manque et cet abandon. Charles parle peu et s’éloigne tout doucement, happé, plutôt dévoré par un quotidien qu’il ne comprend pas, ou du moins, je pense, dont il ne saisit pas l’utilité. Sa femme ressent la distance de son mari et elle-même se met à créer une nouvelle distance. Julien, l’enfant, plongé dans son monde, est entre l’inquiétude de sa mère et l’apparente tranquillité de son père.
Et forcément, à un moment, quelque chose craque. Et là, l’histoire prend une autre tournure. Bien sûr, je ne peux vous raconter le récit dans sa totalité, car il faut bien que vous ayez quelques rebondissements à la lecture.
L’immersion dans la vie de Charles est parfaitement réussi. Par contre, même si j’ai développé beaucoup d’empathie pour ce personnage, Je ressens une certaine distance, car on ne sait jamais ce qu’il pense. D’un autre côté, comment nous faire comprendre les pensées d’un enfant que la société a classé différent ? Charles est un mystère. Bien que foncièrement, quelque part, il ne tient à rien que nous devenions tous comme Charles, des personnes décalées dans un monde qui ne les accepte pas tel quel, en tout cas, pas sans les cataloguer comme différent.
Charles trouvera-t-il sa voie ? Rien n’est moins sûr mais le périple de ce personnage, réservé, voire renfermé, reste intrigant. Comme une forme de road-movie mais qui tournerait en rond, pour revenir incessamment au même endroit.
Quelques points d’humour viennent alléger ce drame, car tourner sans jamais trouver sa voie peut vite relever du drame et c’est ce que traverse Charles.
La conclusion ouvre un nouvel horizon mais n’est pas forcément un happy end, ce serait trop facile… et c’est tant mieux. Le défi relevé par Antoine Bréda est dense. Et réussi. Paradoxalement, même si on en comprend pas tout de Charles, on saisit cette solitude, cette angoisse et ces barrières qui se cumulent tout autour de lui.
Le dessin comme ça:
Antoine Bréda nous offre une histoire intrigante, touchante et même émouvante. Il nous perd parfois dans un labyrinthe mental, mais nous n’en comprenons que mieux Charles. Graphiquement, il adopte deux styles. Celui de l’intro et de la conclusion est réalisé comme si un enfant les avait dessiné au crayon de papier et de couleur.
L’humour naît du dialogue, la voix off annonçant en avance ce que disent les personnages. Mais l’enfance de Charles nous est dépeinte de suite sous le joug de l’incompréhension.
Ce style crayon de couleur pose des personnages tracés sommairement, en bâton parfois, avec des couleurs rares mais crayonnés dans et hors des contours. Antoine Bréda a su reprendre ces traits de l’enfance, mais il leur donne une vigueur, comme une colère contenue qui saute tout de suite au visage.
Une planche parlant de Charles à l’âge adulte, niveau de gris, côté plus peinture.
L’histoire, elle, est réalisée à l’encre. Des teintes de gris et de noir pour poser l’univers morne de Charles. Là encore, un travail totalement différent mais très beau, plus sombre et en même temps plus doux, plus triste. Des perspectives étranges, des traits blanc sur des fonds noir ou gris. Charles se découpe sans cesse sur ce monde avec sa tête ronde et sa chemise blanche.
Le travail sur le style graphique porte ses fruits car c’est une des composantes même de l’histoire, et peut-être une de ses clés de compréhension. Cette grisaille ambiante qui étouffe Charles et l’empêche de s’exprimer, de trouver son chemin, autant d’obstacles reposant parfois sur des perceptions que l’on a de l’environnement.
Conclusion :
Un enfant comme ça est une histoire troublante, mais aussi tout en touches d’émotions, autant par le cœur de son sujet que par les partis pris graphiques. Une BD curieuse qu’il serait dommage de rater.
Zéda croise Charles.