jeudi 25 avril 2024

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Carmen Lamour de Maltaite et Desberg

Carmen Lamour dans "KONGO" de Maltaite et Desberg, couverture
Titre:
Carmen Lamour 

Auteurs
: Eric Maltaite (dessin) Stephen Desberg (scenario)

Editeur :
P&T Production

Année :
1993






Résumé :

Tout
commence avec un flash d’informations dans une ambiance digne de
l’âge d’or d’Hollywood annonçant au lecteur une avant-première en
grande pompe pour le lancement du nouveau film de la star Carmen
Lamour : « Kongo ». S’enchaîne une histoire courte dans
une ambiance cartoon avant de rentrer dans « Kongo »,
l’histoire annoncée dès le début de la BD. Soit l’expédition
belge dépêchée par le roi Léopold pour lui ramener quelques
colonies souvenirs. Une expédition composée d’un scientifique
ambitieux, d’un missionnaire gourmand et… de Carmen. Mais la petite
troupe va se heurter à de sérieux rivaux: des colons envoyés par
les puissances rivales de l’époque: la trop pangermanique Allemagne
et la perfide Albion ! Vous l’avez compris, nous sommes en plein
dix-neuvième siècle et nous sommes surtout là pour rire.





Mon
avis :

En
fait, toute cette BD est présentée comme une projection des années
cinquante: Ses infos, le court métrage ambiance Looney Tunes et le
film ! Ce qui positionne d’emblée le lecteur comme un spectateur
plongeant dans une fiction, créant ainsi un double niveau de
lecture. L’aventure racontée est elle-même fictive, mais les
personnages qui l’incarnent doivent le savoir, étant des acteurs
jouant des rôles.

Un
effet très curieux dû au fait qu’à part les infos, rien ne nous
est montré des coulisses du « film » constituant la BD.

En
tout cas, l’humour est au rendez-vous dans cette comédie d’aventure
simple et sans prétention. Et le second degré, apporté par le
lancement du film et inhérent au backstage – comme disent si bien
nos amis british – du tournage, se perd dès qu’on rentre dans la
projection du film en soi.

La
première histoire nous est narrée par un chien et va se révéler
importante car, malgré les apparences, elle est diablement liée au
récit principal. Ce chien faisant un retour fracassant par la suite,
et étant même le moteur de l’action du personnage incarnée par
Carmen Lamour.

En
effet, le personnage principal de cette histoire n’est pas le
scientifique mais bien cette jeune fille qui arrive comme un chien
dans un jeu de quilles au cœur de l’expédition.

Carmen
Lamour, personnage de fiction, incarne donc ce rôle… fictif ! On
s’y perd… Mais l’héroïne est la seule à qui le flash
d’information donne la parole. Elle reste présente donc de A à Z
dans cette BD-projection.


 
Si
le personnage nous est d’abord présenté comme une amie fidèle,
avant de se retrouver mise en avant par ses formes très sexy, elle
se révèle par la suite le caractère possédant le plus de jugeote
dans cette histoire.

Et
si l’intuition féminine n’est pas un vain mot, l’intelligence de
Carmen est bien utile dans ce récit rocambolesque. Les deux meneurs
de l’expédition se révélant vite une grande source de gags et
apparaissant bien trop irréfléchis pour permettre à l’expédition
d’atteindre ses objectifs. Carmen saura donc reconquérir sa place à
leurs yeux, car ses deux goujats ont une image bien peu reluisante de
la femme – l’époque oblige -. Mais allant au-delà, sans (trop)
jouer sur ses courbes avantageuses, Carmen saura aussi obtenir la
reconnaissance de ses mérites par les rivaux des Belges !

Fini
donc le rôle de la pin-up capturée par les bons sauvages et
condamnée à être sauvée par un bel aventurier avant de finir
ébouillantée par les cannibales.

Desberg
a inversé la donne et Carmen reste la belle pin-up mais elle prend
vite le devant dans ce jeu de course. Quant au bel aventurier,
scientifique naturaliste obtus baptisant les papillons d’après le
nom du roi Léopold, il provoquera plutôt le rire que l’admiration.

Derrière
une histoire sans prétention, rebondissant sur des gags que nous
avons déjà vu bien souvent utilisés par ailleurs, c’est ce
renversement et cet autre regard sur la femme qui est le plus
discrètement sympathique dans cette œuvre.

Les
personnages secondaires sont caricaturaux à mourir, mais du coup ne
nous apportent pas beaucoup de surprises. Ce petit monde est assez
manichéen et ce n’est donc effectivement pas là que réside
l’attrait majeur de la BD.



Pour
mettre en image cet univers gorgeant de gags, c’est Maltaite qui s’y
colle. Ainsi, le duo de 421 reprend la route pour une aventure bien
différentes de celle de l’agent secret qui, malgré les apparences,
ne joue pas au dés.

Personnages
stylisés, aux traits accentués, Maltaite adopte un style loin du
réalisme, tout à fait adapté au ton de la BD.

Les
visages caricaturaux sont très expressifs. Les corps prennent des
poses très cartoon, accentuant les situations drôles. Les courses
très stylisées m’en font d’autant plus rire.

Petit
point, j’ai constaté que Carmen a tendance à grandir tout au long
de l’album, très discrètement. Et on ne me convaincra pas que cela
est dû uniquement aux talons hauts qu’elle finit par porter en
pleine brousse ! Mais passons ce petit accroc technique.

Les
décors cohérents restent néanmoins raccord avec les personnages.
Ils ne basculent pas dans un réalisme excessif. Ils savent s’effacer
pour laisser la place à l’émotion. Et donc surtout au rire, nœud
de l’histoire !

Les
couleurs explosent dès qu’on arrive dans la brousse du Kongo. Les
teintes claires apportent le soleil écrasant qui doit régner
là-bas. Les couleurs restent présentes en laissant la part belle à
l’action, tout comme les personnages. Je tiens donc à préciser que
la coloriste de l’album est Anne-Marie d’Authenay. Il est vrai que
l’on a parfois tendance à oublier le travail complémentaire,
nécessaire et vital de ces artistes.

Le
découpage reste très classique, trois à quatre bandes de une à
trois cases. Notons que la première histoire, celle du chien, se
déroule dans des teintes plus pastels et que les cases ne comportent
aucun contour, ce qui permet vraiment de créer deux univers
différents de manière simple.

Sinon,
la belle surprise est que l’histoire principale présente des beaux
dessins pleine page, qui permettent de mettre en avant certains
moments du récit. A l’image de ces belles illustrations qui
rehaussaient les livres d’aventures que nous lisions tous, enfants,
et qui sont réalisées de la même manière que la petite histoire
du chien : pas de contour, comme des peintures aux traits moins
marqués que les planches normales.



Carmen
Lamour n’est pas devenue une héroïne de série au long cours. Mais
était-ce là son destin ? Je ne pense pas. Protagoniste enjouée et
maligne de ce one-shot, elle a su, en ne jouant pas juste sur son
charme physique, briser les standards habituels de la jeune première
dans le récit d’aventure. Et même si Carmen n’est pas l’initiatrice
d’un tel mouvement, après tout, nul ne peut oublier l’intelligence
et la témérité de Yoko Tsuno ni la bravoure et le sens de la
justice d’Aria, pour ne citer qu’elles, je suis gré à Carmen Lamour
de continuer le mouvement, dans l’univers de l’humour. Comme quoi ,
il ne faut pas se fier au nom parce qu’avec un titre comme Carmen
Lamour, quand même, je ne m’attendais pas à ce type d’histoire
alors que vous, maintenant, si…



Zéda
partir avec Carmen à l’aventure en pleine Afrique sauvage ? Peu
probable…


"GARDER L'OEIL" strip de Zéda pour illustre chronique 7BD sur Carmen Lamour de Maltaite et Desberg



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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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