Titre : Complainte des Landes Perdues – Cycle 2 : Les Chevaliers du Pardon / Tome 2 : Le Guinea Lord
Auteurs : Delaby (dessin) – Dufaux (scénario)
Éditeur : Dargaud
Année : 2008
Nombre de pages : 54
Dans une Grande-Bretagne médiévale et fantastique, sur les terres sèches foulées par les chevaux, dans les feuillages sombres des forêts touffues et inquiétantes, sous les cieux épais et nuageux, mystérieux et sombres, les clans et les allégeances se chevauchent, se font et se défont, se mêlent, s’emmêlent et se démêlent. Sur fond de sorcellerie et de chevalerie, les énigmes se superposent et les aventures se mélangent. La complainte des Landes perdues, c’est ainsi l’enchevêtrement d’aventures, construites, précises, réalistes d’un territoire disputé par autant de confréries et vassalités que de facettes de l’être humain. Mais ce tome II cycle II, sur lequel j’ai choisi de me pencher, est comme les autres, fort de ses singularités.
Dans cet album, c’est le destin de prieurs, gardiens de la Grâce et de la pureté, justes et vaillants, qui s’entrechoque avec celui d’une étrange sauvageonne, fascinante dès le premier regard et dont l’âme semble trop chargée pour n’être qu’une soubrette.
Nul besoin d’avoir lu tous les tomes antérieurs, pour pouvoir entrer dans l’aventure. L’auteur a en effet ce brio pour très vite vous rendre familier de tous les éléments de son récit. Les personnages sont en nombre, mais on les cerne tous avec habilité. L’intrigue est complexe et pourtant, sans tout savoir on en comprend fort bien les enjeux. Au pire, l’évocation de certains personnages ne vous dira rien, ils restent des hypothèses sous vos yeux, mais cela ne gêne en rien la lecture, la narration aurait aussi bien pu décider de vous laisser douter. Pas besoin d’explication, de petits astérisques, de traduction, l’immersion est directe. Et pourtant, l’univers est unique, complexe et fort. Surtout, il est quasi scientifique dans sa construction, signe éclatant de la rigueur dans la narration. Le résultat est de pure fantaisie, mais c’est un travail de précision qui en est l’origine, ainsi donc pas besoin d’être initié pour savourer, comme l’art des orfèvres qui est de prodige, mêlant à la technicité l’artiste pur.
Et l’on savoure aussi le trait. La couleur est un tableau, le « line » est calligraphique. Le détail est omniprésent, mais ne pollue pas la narration de prouesses graphiques sans intérêt. Car au final, c’est là tout le prodige, le dessin est brave tout en restant humble, il accompagne de sa précision le scénario, beau, juste beau, mais justement, terriblement beau. Le travail d’ombre, l’œil avisé pour lire les jeux de lumières et surtout, la parfaite maîtrise pour leur faire chanter l’ambiance, est à la hauteur d’un récit tout en facettes, à la hauteur d’une histoire écrite à la finesse d’une pointe de lame : acérée mais au combien percutante. Le découpage joue du clair-obscur et valorise les émotions décrites avec efficacité, les plans, au-delà du cinématographique, sont immersifs. Et sous les pluies britanniques, dans les perles de sueurs et parmi les gouttes de sang, nul doute que le lecteur croira sentir l’écume, à moins qu’il ne s’agisse d’impatience à se procurer un autre volume.