vendredi 29 mars 2024

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Senso de Alfred, la chronique rêveuse

Senso, une BD sensuelle dans une Italie rêvée

Couverture de Senso de Alfred chez Delcourt

Titre : Senso
Auteur : Alfred (scénario et dessin)
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Année : 2019
Pages : 192

Résumé d’une nuit italienne :

Un couple fait l’amour quelque part. En plein soleil, Germano arrive dans une petite ville d’Italie avec six heures de retard. A la sortie de la gare, la personne qui devait le retrouver n’est pas là, et demeure injoignable. La journée commence mal. Germano prend à pied la route de son hôtel, où les choses ne vont pas s’arranger. Quoique…

Scénario d’un récit nocturne :

Germano affronte tuile sur tuile. Des événements qu’on va comprendre au fur et à mesure de l’histoire, s’enchaînent et créent dans l’hôtel où Germano reste une série de rencontres, de saynètes, drôles, intrigantes, tristes, tendres, et toutes émouvantes. Au cours de cette nuit que Germano va passer sur place, des rencontres qu’il va faire, c’est une mise au point sur sa propre vie que notre héros va être amené à réaliser, à l’aune de ce que lui renvoient les autres.
Une sorte d’ambiance particulière parcourt cette histoire. Dans cette nuit italienne, au cœur de cet hôtel au parc étrangement indéfinissable, Germano va errer entre rencontre et solitude, entre rêverie et réalité, entre bonheur et lassitude. Il va comprendre bien des choses sur lui et sur le monde.
Ce parc, immense, végétal, aux contours inaboutis, va prendre une importance particulière. Remplie d’endroits étranges, de statues drôles, érotiques, mystérieuses, de belvédère ou de ponton, il devient magique. On pourrait presque dire qu’il devient fellinien.
Car quelque part, sur cette BD, plane l’image de Felllini. Non, pas son image en poster dans le hall de l’hôtel, mais l’ambiance semi-onirique de ses films. Cette végétation baroque, incontrôlable, et incontrôlée d’ailleurs, se répand partout. Et Germano s’y perd. La rencontre la plus curieuse, Elena, est une femme qui tient autant du rêve que de la réalité. Certes loin des plantureuses et accortes femmes felliniennes, elle est pourtant bien vivante et pleine d’espoir. D’espoir et de tristesse aussi.
Comment ne pas rester insensible à ce voyage au coeur de la nuit, qui se dévore sans s’arrêter, avec ces moments de pause où l’on se perd également dans le jardin élégant de cet hôtel.

Page de Senso de Alfred chez Delcourt
Et tout démarre dans une gare…

Le dessin foisonnant :

Alfred nous offre une histoire émouvante, servie par un dessin foisonnant. Dès le départ, la végétation prend une place dans l’histoire, quand Germano s’éloigne de la gare. Et au fur et à mesure, les plantes prennent le dessus, elles entourent, cernent le récit, les rencontres, les échanges. Et surtout, elles prennent de plus en plus d’espace, jusqu’à nous éloigner des personnages, nous perdre dans ces chemins obscurs. Nous perdre, sans nous donner l’impression que l’on est perdu. Au contraire, nous visitons et observons, apaisé, ces fulgurances botaniques.
Le style d’Alfred se plaît à représenter la végétation, arbres, plantes, buissons, bosquets, de forme et de tailles différentes, les verts végétaux et les bleus nocturnes se mélangent. Le trait noir s’épaissit.
Tranchent sur cet univers les personnages stylisés, simples, par oppositions aux arabesques de feuilles. Les décors de l’hôtel, de la gare, de la ville semblent, en plein jour, beaucoup plus avenants, mais pas forcément plus chaleureux. A la chaleur de ce soleil écrasant, on ne se sent pas forcément bien dans ces rues, sur ces places. A la fraîcheur de la nuit, dans le jardin, tout change. Car magie des dessins, Alfred nous offre aussi la magie des couleurs. Le plus simple exemple en est ce couple qui fait l’amour, thème récurrent de l’histoire qui ouvre l’album. sur fond chair, les corps enlacés, repérables juste par un trait de contour, laissent diffuser la couleur des chairs en-dehors et en-dedans des corps. deux teintes proches mais différentes, variant d’une case à l’autre dans leur position, favorisent cet échange.
Tout se mélange simplement, doucement, sans bruit, tout flotte et nous entraîne.
Alfred joue sur des planches de trois bandes de une à trois cases, rompant par des dessins pleine page, ou d’immenses doubles pages. La gestion de la couleur se veut réaliste mais bascule de temps en temps dans l’expressionnisme, s’appropriant l’expression des émotions.

Conclusion d’une nuit magique:  

Que Germano va-t-il trouver au bout du chemin ? On ne le sait pas, car la vie entière reste à vivre, et à construire. Mais la nuit passée a définitivement changé la donne. Et nous, lecteurs, qu’allons-nous trouver au bout de cet album ? Nous ne le savons pas, mais il restera une pièce marquante, une envie de cette Italie rêvée par Alfred, de ce parc luxuriant, d’une rencontre différente. L’envie folle de refeuilleter cette BD, comme si on pouvait revenir sur le passé. Alors que l’on ne peut que l’effeuiller.

Zéda rencontre Germano.

"JARRE, DAIM, VERT" strip de Zéda pour illustrer chronique 7BD sur Senso de Alfred chez Delcourt

David

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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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