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La rentrée de Septembre démarre avec un lot incroyable de sorties BD. Et au milieu de cette avalanche, il est des bijoux déjà dans les bacs depuis quelques mois, et qui crèvent encore les ventes.
Guyanacapac, le quatrième et dernier tome de la série Long John Silver, fait partie de ceux-là. Pour ce feu d’artifice final, Xavier Dorison et Mathieu Lauffray ont encore une fois repoussé les limites de leur série.
Rencontrés grâce à Dargaud la saison dernière pour la sortie de l’album, les deux compères nous ont donné quelques réponses sur ce cycle dorénavant achevé.
Ils voulaient entraîner l’histoire vers des horizons non conventionnels, dépasser le simple récit de pirates. L’idée était de faire ressortir ce qui pousse des hommes à l’aventure. La quête de Guyanacapac montre ainsi ces quatre grandes motivations : La richesse, la gloire, la descendance, et la transcendance !
Idée complexe mais que la bascule vers le surnaturel nous fait complétement saisir.
Tout en voulant monter cela, les auteurs tenaient aussi à garder la ligne qu’ils suivaient depuis le début, l’important n’étant pas l’objectif, mais l’évolution des personnages.
Chacun, au cours de ce cycle, est amené à faire des choix drastiques qui vont changer le cours des événements, mais aussi le cours de sa vie. Nos héros ont atteint un stade où l’aventure ne laisse plus de place au mensonge.
Cela apparaît dans la narration: Ce que disent les personnages et ce qu’ils font ne sont pas forcément liés, ni même cohérents. C’est justement à partir de ce hiatus que leur vérité profonde ressort. Tout cela sans la marteler à gros coups de dialogues explicatifs.
Xavier Dorison et Mathieu Lauffray ont opté pour la finesse, une finesse qui permet différents niveaux de lecture.
Si le style de dessin est puissant, impactant, les choix graphiques restent toujours ancrés sur un repère: exprimer l’émotion des personnages.
Oui, ces personnages sont le centre et la matière de ce tome quatre. De même, et cela, Xavier Dorison l’a toujours compris, qu’ils sont l’essence de toute histoire.
Une des difficultés rencontrées par les deux complices a été ce personnage mythique, issu d’un autre univers, Long John Silver. Un protagoniste qu’il a fallu « savoir rendre à sa mythologie », sans le déprécier.
Et nos deux auteurs se sont donnés du mal, reprenant leur copie maintes et maintes fois, réécrivant, hésitant, doutant, se reprenant, échouant et repartant de plus belle, tentant de « sortir du marécage ». Quel travail ! Mais quel résultat !
Je n’ai pu refermer cette BD avant d’en être arrivé à la fin. J’ai ressenti les angoisses, les doutes, la folie de cette petite clique partie à l’assaut de l’impossible. Il m’est apparu comme une évidence. Je n’avais plus une histoire de pirates en quête d’un trésor, mais une histoire d’êtres humains confrontés à l’inconnu, à l’horreur.
Le bien et le mal sont dépassés, c’est le terrible effroi du vide, de l’incompréhensible. Là-dedans, les personnages restent pourtant fidèles à eux-mêmes. Ils apprennent et changent, comme le Docteur Lindsey ou Lady Vivian, ou s’obstinent jusqu’au bout, à tort ou à raison, comme Long John.
Les deux complices qui ont traversé cet océan d’écriture et de dessins ensemble ont bien saisi qu’à cette époque, l’inconnu est partout. De nombreuses terres restent inexplorées, de multiples peuples restent inconnus. Pour leur héros, cette rencontre avec le fantastique n’est qu’une découverte de plus. Et c’est cela qui explique aussi leur comportement lors de cette fin en apothéose.
En effet, le final de Long John Silver ne manque pas de panache. Certes inspiré du personnage créé par Stevenson dans l’ïle au Trésor, les deux flibustiers de la BD ont su repousser les limites et apporter une touche supplémentaire, mélangeant romantisme, baroque et fantastique.
Comment y sont-ils parvenus ?
Leur explication est simple. D’abord, poser le fantastique comme un postulat de base en insinuant sa présence dès les premiers tomes. Puis, tout en gardant l’esprit du récit de pirates, oser ne pas avoir peur du ridicule.
Xavier Dorison et Mathieu Lauffray continuent à nous raconter « nous avons pris ce qu’avait fait Stevenson, l’avons planté, et avons regardé ce que cela donnait. Puis le naturel est revenu au galop. »
Contre toute attente, ils ont décidé de s’exposer, de laisser venir les ténèbres, la nostalgie, et de garder coûte que coûte le cap de ce positionnement atypique.
Nos deux complices ont beaucoup réfléchi, mais ont su préserver leur enthousiasme. Cet enthousiasme qui leur a permis de mener ce projet à terme. Cet enthousiasme qui résulte aussi d’une forte complicité entre eux.
En effet, si Xavier Dorison a porté le projet au départ et a été la locomotive, les choses se sont inversées à la fin du Tome 2. Peu importe aux deux auteurs, leur liens sont assez forts pour dépasser les histoires d’égo et se mettre au service de l’œuvre.
Les deux auteurs espèrent avoir tenu les promesses des volumes précédents. Pour moi, elles ont été bien plus que tenues. Vous ne serez pas déçus de la fin du voyage de Long John Silver et ses acolytes.
Xavier Dorison et Mathieu Lauffray nous ont gratifié d’un dernier grand sourire avant que nous ne prenions congé. J’ai pris beaucoup de plaisir à discuter avec ces deux hommes. Ecouter Mathieu partager sa vision du graphisme et sa méthode de travail et entendre Xavier nous expliquer son travail d’écriture, son utilisation de la technique qu’il met toujours au service des émotions aboutit à un entretien fort agréable, toujours enjoué et pourtant très sérieux.
En rentrant chez moi, j’ai glissé encore une fois mon nez dans ces pages et j’ai senti avec un certain délice l’ombre de Lovecraft planer sur cette apocalypse final.
Alors n’hésitez pas, si vous n’avez pas encore largué les amarres pour Guynacapac, laissez-vous dériver et venez vous perdre dans le dédale de cette cité maudite, dépourvue de repères, où règnent l’horreur, l’inattendu, les ténèbres et l’inavouable, mais où repose peut-être… un fabuleux trésor et où vont se jouer le destin de Long John Silver et de tous ceux qui l’entourent depuis quatre albums.
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