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Putain de Vies ! Itinéraires de Travailleuses du Sexe
Titre : Putain de Vies ! Itinéraires de Travailleuses du Sexe
Auteur : Muriel Douru (scénario et dessin)
Éditeur : La Boîte à Bulles
Collection : Contre-coeur
Année : 2019
Page : 212
Résumé, une BD documentaire :
Dix témoignages d’hommes et de femmes ayant pour point commun leur métiers : travailleuses du sexe. Dix témoignages résumant en quelques pages des parcours de vie incroyables, dix personnes ayant été confrontées à la violence sous différentes formes, et pourtant dix personnes qui se sont dressées et ont décidé à un moment de prendre en main leur vie. Dix êtres humains courageux qui en plus n’ont pas oublié de tendre la main à leur prochain malgré les épreuves traversées.
Scénario, des parcours bouleversants :
« Putain de Vie ! Itinéraires de travailleuses du sexe » est donc une BD documentaire, au sens où chacun de ces témoignages récoltés par Muriel Douru avec l’aide des associations Paloma et Médecins du Monde est vrai. Il ne s’agit donc pas de fiction ou de récit fictionné inspiré de faits réels mais bien de vérités crues.
Toutes ces femmes et ces hommes ont donc eu le courage, déjà, de faire part de leur vécu. Et quand vous aurez lu ces récits, vous comprendrez que c’est bien là le moindre courage devant tout ce qu’il leur a fallu de forces pour surmonter les horreurs que la vie (et les autres hommes) a placées sur leur route.
Le titre de ce récit est important, « Putain de vie » sera l’expression qui vous sortira du coeur après avoir lu cette BD. Mais « Itinéraires de travailleuses du sexe » rappelle qu’il ne s’agit pas que de témoignages de prostituées. Il faut entrer dans un contexte plus large, les travailleuses du sexe sont les personnes dont le métier mêle argent et sexe. Et si on réfléchit bien, cela fait une petite tripotée de métiers. La préface écrite par Ovidie, ex-travailleuse du sexe et aujourd’hui actrice, réalisatrice, productrice, autrice et journaliste se penche sur la question et remet un peu les pendules à l’heure. En tout cas pour moi, qui n’avais jamais recontextualisé ces métiers dans un contexte si large.
La préface intéressante et instructive est suivie de l’introduction de Muriel Douru, qui nous explique comment elle est allé vers ces personnes. Et on enchaîne avec les dix témoignages. Dix destins internationaux, dix personnes originaires de tout pays, dix parcours de vie plongeant souvent, pour la plupart, dans les ténèbres avant de retrouver la lumière. Dix avenirs en suspens, car si chaque récit se termine sur la situation actuelle de sa narratrice, il ressort que rien n’est gagné et que l’avenir est encore loin d’être rose.
Dix femmes et hommes à qui on a envie de dire « Vous avez eu raison de vous accrocher. Ne lâchez pas et continuez à avancer sur votre chemin ».
Mais ces dix témoignages nous rappellent aussi qu’il y en a d’autres derrière. D’autres qui n’ont pas eu la chance de témoigner car la mort les a frappées. D’autres qui sont devenues des victimes, des cadavres, des dossiers que l’on a classés, des noms que nous ne connaîtrons sans doute jamais. Car si les loups en col blanc licencient à tour de bras pour imposer leur pouvoir, là-haut dans les buildings, beaucoup plus bas et plus près de nous, d’autres fauves plus dangereux recrutent de force, détruisent des vies, des familles et n’hésitent pas à faire disparaître ceux et celles qui osent élever la voix ou même simplement relever la tête et regarder leur bourreau dans les yeux.
Le livre se conclut par une postface présentant les actions de Paloma et de Médecins du Monde concernant les travailleuses du sexe. Un cahier de six pages illustré de photos et de dessins pour conclure le recueil. L’occasion d’en apprendre plus sur les actions entreprises et les problèmes de ce milieu, de ces milieux.
Le dessin, un style simple mais efficace :
Muriel Douru a récolté ses témoignages et les a dessinés. Pour contraster avec la dureté des récits, elle adopte un style presque naïf, ces forme simples semblent dénuées de relief. Ses couleurs douces peuvent même sembler terne mais ne vous y trompez pas. Ces témoignages sont savamment mis en valeur par ce refus du réalisme, le récit se chargeant de cette partie dure. Le dessin, même s’il ne cache rien de ce qui est raconté, par sa douceur, n’allège pas le propos mais le rend supportable. Car ces récits sont extrêmement durs et tomber dans le réalisme total pour les mettre en image n’auraient pas servi le message. Enfin, en tout cas, à mon avis. Je pense que cela aurait pu rebuter le lecteur. Mais là, avec ce style doux et simple, les récits sont d’autant plus claquants.
La couverture est sans doute le point d’orgue, explicite, inquiétante par ce regard dans le rétroviseur qui n’a rien de sympathique, l’effet de flou permet de faire ressortir la travailleuse qui expose ses charmes sous 15°C.
La dessinatrice a réalisé une superbe mise en image, en adoptant ce style naïf. Surtout, elle est prête à varier ses compositions pour insister sur certains points, changer l’utilisation des couleurs pour pointer un drame, une douleur, une crise.
Chaque récit commence aujourd’hui pour nous replonger dans le passé et nous faire découvrir le chemin de vie de la narratrice ou du narrateur, et chaque récit se termine par un dessin pleine page concluant le témoignage.
Conclusion :
Bravo à Vanessa, Amélia, Mei, Giorgia, Candice, Lauriane, Emmy, Monica, Louis et Blessing d’avoir accepté de témoigner. Merci à Muriel Douru d’avoir été au bout de cette BD, sans oublier les associations, Médecins du monde et Paloma, qui œuvrent jour après jour pour aider toutes ces femmes et ces hommes. La Boîte à Bulles qui édite cette BD, doit aussi être remerciée pour avoir accepté de faire ce choix.
Quant à moi, je vous recommande de lire cette BD. Pour découvrir comment notre monde fonctionne dans l’ombre, pour découvrir ces hommes et ces femmes, il faut lire cette BD. Il faut que tout cela se répande et se sache, afin que les choses puissent changer.
Zéda et Giorgia se rappellent de Vanesa.