jeudi 28 mars 2024

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Mauvais Genre

Mauvais Genre
Titre: Mauvais Genre
Scénario: Chloé Cruchaudet
Dessin : Chloé Cruchaudet
Éditeur: éditions Delcourt
Collection : Mirages
Année: 2013
Nombres de pages: 160

Résumé :

Paul grappe et Louise Landy sont amoureux.
Ils se marient.

Mais voilà que Paul est appelé au service militaire. Hélas la première guerre mondiale éclate pendant sa conscription.

Paul se retrouve donc mobilisé en première ligne dans les affreuses tranchées. Il y découvre les atrocités de la guerre notamment lorsque, voulant secourir un de ses amis, celui-ci meure brutalement sous ces yeux.

Depuis ce jour, Paul ne pense qu’à une chose : échapper au front.

Il commence donc par se mutiler mais cela ne suffira pas…

La solution restante est donc la désertion, mais celle-ci est passible de la cour martial et du peloton d’exécution si l’armée le découvre.

Paul se résigne finalement à déserter, et aider par Louise, il vivra finalement enfermé dans une petite chambre d’hôtel pendant quelques mois.
Mais il finit par s’y sentir à l’étroit.

Paul n’en peut plus, il doit sortir !

Et c’est lors de l’une de ses occupations peu communes (essayer les robes de sa femme) que l’idée va germer. Paul va se transformer en femme pour retrouver ainsi le grand air.
Suzanne est née !

Ainsi commence l’aventure fascinante, étonnante et tragique, aux mœurs souvent viciées de Louise et Suzanne.


Mon avis :

Ce récit est adapté librement de l’essai historique de Fabrice
Virgili et Danièle Voldman « La garçonne et l’assassin », paru chez
Payot en 2011.
Ainsi l’histoire relatée est basée sur des faits réels
et dramatiques, inspirée d’archives sur des échos criminels de l’entre-deux
guerre. 

extrait de Mauvais Genre Delcourt
Extrait de la planche 14

Le livre, la couverture :

Le livre est beau et épais.
 
La couverture est grise anthracite, rigide et lisse, avec un dessin, en premier plat, très évocateur de l’histoire : une femme agrafant un soutien-gorge à ce qui semble être une autre femme… mais à y regarder de plus près la musculature dorsale, il s’agit bel et bien d’un homme. La femme jetant un regard amoureux mais dubitatif sur l’homme.
 
En quatrième plat, une photo historique de Suzanne et le résumé de l’éditeur fort bien construit.
 
La couverture attire donc beaucoup. 

Extrait 2 de Mauvais Genre Delcourt
Planche 29

Le dessin, le style, les couleurs, la mise en scène :

Le dessin est superbe et précis, jouant sur un ensemble de techniques remarquablement bien maîtrisées (le classique effet de perspective, gros plan, mais aussi les estompes etc….)
Le trait fin, souple et épuré est tout simplement d’une élégance rare !
 

Les couleurs au lavis sur du ton sépia et gris est utilisé avec maestria pour évoquer les (pré-)années folles, on ne s’en lasse pas !
Les petites touches de rouge écarlate sont évocatrices du drame final, et ceci dès les premières gouttes. De plus elles ravivent à merveille, mais avec parcimonie, ces illustrations d’antan !
 
La mise en scène ne laisse pas indifférent non plus, surtout grâce à cette absence volontaire de cases définies ! La mise en page est donc très aérés, et très agréable visuellement !
Les scènes nocturnes boulonnaises sont particulièrement travaillées, grossières mais tellement élégamment faites que la grossièreté ne parait plus, et cela devient limite noble et respectable.
Chloé Cruchaudet use aussi beaucoup de son talent de suggestion (ou presque…) !! Bravo l’artiste, belle technique !!
D’un autre côté, les mises en scène des étapes de guerre sont aussi particulièrement violentes et psychologiquement difficiles ! Une belle manière de montrer et justifier le choix fait par Paul.
 
Toutefois, le dessin est tellement beau qu’on en croirait une véritable poésie visuelle 

Extrait 3 Mauvais Genre Delcourt
Planche 107

Le scénario, Le découpage :

Ce qui m’a particulièrement attiré sur ce récit, c’est qu’il soit inspiré de faits réels, basés sur des enquêtes criminelles de l’entre deux guerre.
Comme je l’ai précisé en introduction, ce récit est librement interprété selon la source « La garçonne et l’assassin », roman historique et biographique écrit par Danièle Voldman et Fabrice Virgili.
Roman que je n’ai pas lu, mais que je ne manquerai pas de consulter dans les années à venir…

L’histoire est formidablement illustrée par l’auteure, elle a su aborder délicatement tous les durs aspects psychologiques vécus par les deux protagonistes principaux avec :
 

– D’un côté, Paul Grappe, l’époux qui, ayant vu et pris conscience des horreurs de la guerre, choisi de déserter en connaissance de causes des conséquences possibles. De fait, il va s’enfermer pendant de nombreux mois dans une chambre de bonne. Ce huis-clos va le rendre fou. Il va ressasser les souvenirs du champ de bataille, exercer une pression folle sur les épaules de son épouse, et se perdre dans une décadence sexuelle.
Cet homme devient un écorché vif prêt à exploser.
– De l’autre côté, Louise Landy qui, par amour, va subir les exigences violentes et les mœurs dégradantes de son mari alors inactif, portant à elle seule le destin de son couple en restant sur ces gardes perpétuellement (même après-guerre) pour ne pas maladroitement dénoncer son mari.

10 ans de situation tragi-comique d’un couple vraiment hors-normes…
L’un des deux finira par craquer.

Le découpage quant à lui est presque parfait. Le nombre de vignettes par pages ne dépasse guère le chiffre 6, variant ainsi d’une pleine page, en passant par 3 à 4 vignettes.
Les cases n’étant pas délimitées, cela donne un effet de liberté et d’espace très confortable.
Les contours et/ou les fonds d’images presque flous et estompés n’ont pas leur pareil pour rappeler ces vielles photographies ou cartes postales des années 30-50.
Les pleines pages sont magnifiques, certaines vignettes sur le Paris de ces vieilles années sont splendides aussi. On y trouve tout le travail de recherche de l’auteure.

J’ai été conquis par cette BD. Le récit est passionnant, drôle, dur et dramatique à la fois.
Chloé Cruchaudet nous y a démontré la grandeur de son talent artistique, et je suis sûr qu’elle nous réserve encore bien des surprises.
Ce livre est devenu pour moi, un incontournable du 9eme art.

Ciao,
Yann

Et voici un petit reportage France 3 sur Chloé Cruchaudet.


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Yanndallex
Yanndallex
Je suis évidemment un passionné de BD depuis ma jeunesse. Un malheureux accident de vélo ma valu quelques jours d’hospitalisation. Ainsi ma famille, pour me faire passer le temps à l’hopital, m’offrit des exemplaires de la série des Tuniques Bleues. Cette série a été une révélation ! J’étais émerveillé de pouvoir lire des histoires humoristiques liées à des évènements dramatiques (la guerre de sécession, le racisme etc…). Je me régalais à suivre les aventures de mon personnage favori le caporal Blutch. Puis vint la pleine adolescence pour découvrir des séries plus sérieuses, ou toujours humoristiques, d’héroïque fantasy, SF ou policières (XIII, Thorgal, la quête de l’oiseau du temps, le grand pouvoir du Chninkel etc…). J’y ai découvert ainsi des styles graphiques plus travaillés, détaillés, réalistes, poétiques etc… une deuxième révélation pour m’ouvrir progressivement à la bd adulte. A ce jour j’aborde chaque nouvel ouvrage comme une surprise, une promesse d’une belle histoire, que l’on aime, ou que l’on n’aime pas. J’ai pris conscience au cours des années qu’une histoire illustrée de 48 pages, ou plus, n’était pas si facile à créer de manière scénaristique mais surtout graphiquement. Le talent n’est pas inné, et à chaque vignette, je contemple d’autant les années de travails des auteurs. J’admire les techniques graphiques (que je ne soupçonne parfois pas du tout), les choix de couleurs ou du noir et blanc, le travail sur les mises en lumière, la conception des mises en scène, le choix des plans, des effets, des perspectives, le découpage élaboré, les transitions des plans séquences etc… Bref mon œil s’est avisé, mais je n’en reste pas moins admiratif du travail réalisé et des sacrifices réalisés par chaque artiste pour offrir du plaisir à son lectorat, et cela même si l’histoire ne m’a pas forcément plu. J’aime aussi souvent à chercher d’où a pu venir l’idée de l’histoire, très souvent inspirée de fait divers, ou de l’histoire avec un grand H. Je suis aussi toujours émerveillé par la diversité des sujets traités par ce média. Cette disparité permet des livres souvent très intimes avec des témoignages poignants et durs, mais aussi de s’enrichir culturellement, s’ouvrir à des expériences inattendues, parfois loufoques et hilarantes, etc… Et elle nous promet encore de grande œuvres !!

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