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Le Nid, les Fils de la mort, la BD crépusculaire
Titre : Le Nid, les Fils de la mort
Auteurs : Marco Galli (scénario et dessin)
Éditeur : Sarbacane
Collection :
Année : 2023
Pages : 176
Résumé d’une BD sur la fin d’un règne :
Un promeneur en forêt escorté par deux soldats allemands croise un cerf. L’animal est également mis en joue par un chasseur, qui aperçoit le promeneur et le vise. Les deux hommes se regardent, l’un baisse son fusil et l’autre repart tranquillement. Le chasseur s’appelle Klaus, le promeneur, Adolf Hitler…
Le scénario d’un récit décadent:
Hitler s’est replié dans une villa quelque part dans les montagnes, début juin 1944. C’est la fin du troisième Reich mais le führer refuse de l’admettre et tente de continuer à vivre. Avec la drogue, les fantasmes, les illusions, les promenades en forêt, les brimades de ses généraux qui lui apportent mauvaise nouvelle sur mauvaise nouvelle. Et Eva Braun qui maintient un semblant de vie autour de la déliquescence où coule Hitler.
Un récit qui joue beaucoup sur les silences. Même les fêtes au rythme des musiques dansantes sont silencieuses, c’est le dessin qui leur donne ce côté festif et orgiaque.
On s’enfonce petit à petit dans cette chute qui ne s’arrête pas. Ces trois jours où la guerre bascule à nouveau et où Hitler, déconnecté de la réalité, s’appuie sur ses anciens rêves de grandeur pour commander à ses généraux qui, eux, n’y croient plus.
Une atmosphère étrange plane, due à la vie recluse de ce lieu, mais aussi au personnage de Klaus, que l’on revoit plusieurs fois dans le récit, le chasseur qui ravitaille en gibier la villa. Celui qui a visé Hitler et n’a pas tiré. A-t-il eu tort ou raison ? Il est hanté par cette question et une sorte de lien psychique, symbolique, se crée entre les deux hommes. Mais Klaus est-il assez solide pour supporter cette immersion dans la psyché de Hitler ?
Une histoire intrigante où Eva Braun prend aussi beaucoup d’importance. La femme qui sait la fin proche mais qui se bat pour recréer l’illusion de vie et d’énergie autour d’Hitler, et aussi autour d’elle et des habitants de la villa.
Des personnages qui voient le bateau couler et ne cherchent plus à survivre, se demandant quand la fin arrivera pour tout régler à leur place…
Le dessin onirique:
Marco Galli écrit et dessine cette histoire. Son style n’est pas réaliste. Il fausse les perspectives, Hitler marchant dans la forêt semble flotter, n’a quasiment pas d’ombre, le personnage est déjà ailleurs, parti loin de ce monde.
Le regard aux pupilles fixes, les changements d’expression sont impressionnants. L’entourage du führer est presque caricatural à quelques exceptions près. Les personnages présents, réels ou fictifs, portent le mal sur leur visage, à part Eva Braun. Les couleurs procèdent par aplats, parfois en fonction des décors, et parfois en fonction des cauchemars ou des situations. Les fêtes explosent en changeant les couleurs des gens pour des teintes claires et variées, rouges, verts…
La villa éternellement grise se referme sur ses occupants. La composition travaillée, joue sur les rappels d’une case à l’autre, découpe en multiples cases une grande image, morcelant l’action, mettant en avant ce qui est secondaire. Il trace des liens par le dessin d’une case à l’autre, renforçant les symboliques, accentuant la perdition dans la page, à l’image des angoisses de Hitler. Marco Galli joue sur la BD et ses codes et crée des espaces reliés entre eux de manière inattendue faisant de cette BD une exploration mentale plus qu’une biographie sur les derniers jours d’Hitler. C’est d’ailleurs ce qui en fait tout osn intérêt.
Conclusion d’une BD baroque:
Le Nid nous entraîne dans un univers particulier, étrange, où la mort rôde en compagnie de la folie, où le plus grand dictateur de l’histoire voit la mort se rapprocher, ou plutôt refuse de la voir. Ou peut-être les deux ? C’est la question que soulève cette BD à l’ambiance graphique particulièrement réussie.
Zéda rencontre Klaus !