mercredi 24 avril 2024

Offrez-nous un café

Hors-Saison, la chronique Hors-piste

Hors-Saison, Le suivi d’un divorce et d’une vie qui bascule

couverture de "HORS SAISON" de James Sturm chez Delcourt

Titre : Hors-Saison
Auteur : James Sturm (scénario et dessin)
Éditeur : Delcourt
Collection : Outsider
Année : 2020
Page : 216

Résumé d’une BD triste :

Bernie sanders n’a pas passé le premier tour des élections américaines et le second tour va opposer Hillary Clinton à Donald Trump. Quand Mark était avec Lise, ça comptait pour eux. Maintenant qu’ils sont séparés et se partagent la garde de leurs deux enfants, ça compte beaucop moins pour Mark. De chantier en chantier, Mark voit les souvenirs remonter, sa vie basculer tout doucement dans une direction qu’il ne contrôle pas…


Scénario d’une dérive annoncée :

Mark s’enfonce. Il est là,s’occupe des enfants, voit des amis, sa famille mais il pense à sa femme, qu’il n’appelle jamais son ex. L’espoir d’une reprise, l’envie que tout ne s’arrête pas là, se heurtent au mur de la réalité. Mark doit mener sa vie mais il ne se rend pas compte qu’il est en train de couler.
Petit à petit, lentement, à travers un quotidien difficile, nous suivons ce père un peu paumé, qui réfléchit sur sa vie, sur le sens qu’elle n’a plus, et se demande quel sens elle a pu avoir. Personnage touchant, Mark nous entraîne dans son sillage, dans une Amérique déchirée par les élections.
Le récit est raconté du point de vue de Mark, par une voix off qui prend place dans les cartons en haut des cases, et il y a un contraste très fort marqué entre ce que la voix nous raconte et ce que nous voyons dans le cadre. La vie évoque à Mark des souvenirs, mais les dessins n’illustrent pas le texte, au contraire, le texte raconte ce que le dessin ne montre pas forcément. Textes et dessins sont complémentaires. Une fois cela accepté, on s’y perd un peu moins car j’avoue avoir été désarçonné et qu’il m’a fallu réaliser cela pour prendre vraiment plaisir à cette histoire.

Enfin, plaisir est un grand mot car c’est le récit d’une dérive humaine que nous raconte James Sturm. En tout cas, j’ai pu entrer dans l’histoire plus facilement en réalisant la complémentarité texte-image.
Le dessin parle du présent – à quelques exceptions près – mais le texte nous renvoie souvent au passé de Mark. Il évoque ses souvenirs.
Les personnages secondaires qui gravitent autour de Mark sont diffractés par le prisme de la vision du protagoniste de l’histoire. Ils ne se rendent pas forcément compte de ce que Mark traverse, et en même temps, nous avons le recul et comprenons souvent ce que Mark ne comprend pas, accaparé par cette sorte de lancinante perdition qui le gagne.
Le récit se divise en différents chapitres titrés, tranches de vie quotidiennes où nous suivons Mark et ses interrogations. Chaque chapitre a un thème, lié à une anecdote, un événement du quotidien, un souvenir.
James Sturm dépeint avec talent, par petites touches, la perte de repère de Mark. La question qui taraude le lecteur est de savoir jusqu’où cela va aller. 

âge de "HORS SAISON" de James Sturm chez Delcourt
Un format simple, une page, deux cases !

Le dessin d’un récit grisé :

James Sturm dessine également ce récit. Ces personnages, hommes à tête d’animaux, créent une distance évitant peut-être de rappeler le côté trop réel. Pour moi, Mark est en fait un Snoopy qui vieillit et qui voit sa vie s’effondrer. Une tête de chien, le teint blanc, le museau un peu rond, les oreilles noires, il est vraiment difficile de ne pas y voir un Snoopy qui aurait grandi, et pris des claques.
La compositions des planches sous forme de pages paysages présentant chacune deux cases est simple, tout comme cette vie dépeinte d’un ouvrier de la classe moyenne qui a du mal à joindre les deux bouts. Simple mais pas tant que ça. Ce système renforce le côté quotidien de la vie de Mark, côté qui n’éclate jamais, comme la façade que Mark présente à la société, au reste du monde. Et quand celle-ci se fissure, ou quand Mark craque, c’est hors-champ.
Les couleurs grisées jouant sur des teintes sombres, ternes, tristes, reflètent le vide qui commence à se répandre dans Mark. Tout est sombre, la lumière est partie et même les souvenirs ne la ramènent pas.
La plupart du temps, ce gris mangent l’espace. Nous sommes avec les personnages et le décor, le fond se restreignent aux limites de la case. Mark a peu d’espoir et surtout peu d’espace mais il ne se rend pas compte qu’il y a un problème, qu’il coule. Les cases l’enferment aussi sûrement que sa situation.
La fin du récit reste ouverte, et chacun pourra y voir une fin heureuse ou malheureuse.

Conclusion d’une histoire sombre:

Hors-Saison est une histoire curieuse, triste, une dérive qui nous touche tous. L’espoir semble présent et en même temps lointain. Mark, ce grand Snoopy qui s’enfonce doucement dans son mal-être,est un de nos contemporains dans cette BD qui, malheureusement, nous parle de nous.

Zéda rencontre Mark.

"HORS SESSION" strip de Zéda pour illustrer chronique 7BD sur "HORS SAISON" de James Sturm chez Delcourt

David

Fais découvrir cet article à tes amis
David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

Laisser un commentaire

Ces articles pourraient vous plaire

Restons connectés 😉

3,486FansLike
415FollowersSuivre
146FollowersSuivre

Derniers Articles