je devrais plutôt dire dans les entrailles de l’espace Franquin, se
situait l’expo la plus dense du FIBD, celle consacrée au grand Prix
2016, Hermann.
trouve une salle suffisamment grande pour y accueillir cette
exposition placée sous différentes thématiques.
sévit depuis de longues décennies dans la BD, évoquons d’abord
rapidement quelques séries phares qui marquent son parcours :
l’aventurier marin, où il dessinait les récits écrits par Greg
racontant les nombreuses aventures à travers le monde de… Bernard
Prince. Comme quoi le titre était bien choisi.
western mettant en scène Red Dust au service de la jeune Comanche,
patronne d’un ranch à bétail.
avec la série où il se lançait dans une carrière solo,
« Jérémiah », racontant les mésaventures de Jérémiah
et Kurdy Malloy dans un monde ravagé par une guerre totale; ambiance
post-apocalyptique. Anticipation et noirceur assurée.
réalisé en solitaire « les Tours de Bois-Maury »,
racontant les déboires d’un chevalier et de son écuyer. Je
n’approfondirais pas, n’ayant pas lu cette série.
s’arrête pas là, puisque Hermann a aussi dessiné en solo ou en duo
(avec entre autres Yves H. au scénario, son fils) des récits
complets comme « Abominable », dans le genre fantastique,
« Tango-Sarajevo », sur les guerres des balkans,
« Pirates des sept mers », le titre parle de lui-même et
tant d’autres encore !
en un lieu ?
Refusant la chronologie, l’exposition se parcourt par
thème. Et forcément, au vu de la liste précédente, un des thèmes
abordé était le genre. En effet, Hermann s’est frotté à beaucoup
de genres, hormis la SF pure et dure, qui ne l’intéresse pas.
graphique, certes, mais surtout son regard, qu’il situe au cœur de
l’humain. Près des hommes, de leurs ambitions, de leur défauts et
parfois de leur qualités, Hermann n’oublie jamais les motivations
profondes de l’être humain, celles qui le poussent à agir, ou à ne
pas agir. C’est ce regard sur l’homme sans misérabilisme mais sans
distance, cette manière crue de présenter des personnages aux
visages s’éloignant avec le temps des canons de beauté acceptés et
aussi aux caractères différents, lâches, timides ou cyniques qui
vaut à Hermann ce titre de « Naturaliste de la BD ».
d’une représentation de la violence sèche, sans mise en scène
extravagante mais rapide, dure, réaliste. Les personnages se tuent
le temps d’une case, s’écroulent dans le noir, disparaissent ou
laissent leur cadavres pour que d’autres les voient et ‘interrogent,
ou pas, trop habitué à un monde sans morale.
comme faisant totalement partie de l’homme, quelle place accorde
Hermann aux femmes ? Tout d’abord, dans la lignée de ses choix, il
refuse toujours de dessiner ses top–model faire-valoir de héros. Si
l’on retrouve certains mannequins dans ses premières séries, sous
l’influence de Greg, il se détache assez vite pour dessiner des
femmes imparfaites mais fortes. Des caractères tranchés comme leur
visage, où la naïveté et la douceur ont malheureusement fait place
à la rudesse qu’apportent les coups de la vie.
ou plutôt tous ces univers, Hermann choisit toujours les
travailleurs. Au travers de ses récits, c’est le quotidien des
basses classes sociales qui est représenté, l’atelier, le chantier,
les repas, les douches, la vie de tous les jours. Et les situations
qui en découlent, On découvre vite dans ces histoires comment les
conflits des puissants retombent sur tout ce petit peuple qui tente
durement de survivre.
traque et fait vivre au travers de ses cases, le dessinateur lui
laisse la place d’exister, que ce soit dans les décors urbains durs,
où la ville a tendance à engloutir ceux qui l’ont construite ou
bien dans ses vastes paysages naturels, où l’homme retrouve sa juste
place devant la nature, à la merci de cette dernière, des éléments
ou de l’avidité de ses congénères, insensibles à la beauté qui
les entoure.
mettre en avant dans ses compositions, en jouant sur la mise en page
mais aussi sur les silences, des nombreuses planches muettes
émaillent les murs alors que je parcours cette magnifique expo. On
peut comparer à loisir le travail de mise en scène d’Hermann seul
avec celui pratiqué lors de ses collaborations avec Greg.
les planches originales, les dessins et on ne se lasse pas de
regarder, avancer, revenir, examiner, d’autant que de nombreux textes
explicatifs sont placés soit sur de grands panneaux, soit sur les
petites étiquettes de présentation des planches. Etiquettes qui
cessent vite d’être petites, tellement les infos sont denses. Et à
côté de tous ces choix narratifs, visuels, philosophiques, il y a
le travail graphique.
est la technique car Hermann n’a cessé d’évoluer, de tenter, de
chercher, d’essayer. Un de ses gros travaux est celui sur l’ambiance
et la lumière, son jeu avec l’air quand il est brumeux, enfumé,
sombre, lourd de chaleur… Sculpter l’air selon l’atmosphère et la
situation, placer la lumière selon l’effet recherché, deux des
visions qui ont modelé le magnifique travail d’Hermann.
aux outils utilisés par l’auteur. Hermann a commencé au pinceau et
à l’encre de chine, puis il a essayé le rotring, l’ArtPen, le
grattage, le mélange pinceau et feutre, le crayon et l’aquarelle !
Tout y passe, mais reste le style de l’auteur au travers de tous ces
essais fructueux.
aussi dans les couleurs. Au départ, elles étaient assurées par
Fraymond, coloriste de talent. Mais Hermann a fini par tenter
l’expérience de l’aquarelle en couleur directe, là où l’erreur ne
pardonne pas et il a ainsi pu encore essayer, et essayer, toujours
avec la boule au ventre de la petite erreur qui implique de tout
reprendre.
l’album « Tango Sarajevo », que Hermann voulait démarquer
de ses techniques habituelles pour rendre le message de la BD plus
frappant encore. Et ce qui devait être une exception, ce passage à
l’aquarelle et couleur directe, est resté après et l’auteur l’a
fait sienne sur ses autres livres.
qu’il y avait à voir entre ces quatre murs du l’espace Franquin.
J’ai pris plaisir à découvrir le travail d’Hermann sous un autre
angle, me rendre compte des thèmes qu’il abordait dans ses
différents univers et surtout, j’ai adoré découvrir les
différentes techniques de dessin.
longue vidéo qui nous présentait l’artiste au travail dans la
création d’une planche, des premières lignes jusqu’à l’aquarellage
directe était époustouflant.
catalogue de l’expo, comportant la plus grande partie des œuvres
présentées mais aussi et surtout la totalité des textes, était
disponible. Bon, il vous en coutera quand même trente euros. Mais si
vous êtes fan d’Hermann et même si vous ne l’êtes pas, en sortant
de l’exposition, pour ne pas perdre tout ce que vous aviez lu ou vu,
la question se pose vraiment.
mise en scène, mais pour moi juste un petit regret, pourquoi cette
ambiance sombre et opaque ? Quand les lumières furent allumés, le
temps du passage du ministre de la culture, on profitait tout aussi
bien, et même mieux à mon goût, des œuvres originales exposées.
exposition :
Hermann, un auteur à découvrir ou encore à redécouvrir.
rencontre internationale avec Hermann qui s’est déroulée au
festival d’Angoulême 2017, plus d’une heure de discussion avec
l’artiste :