vendredi 29 mars 2024

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Rencontre Avec Ugo Bienvenu pour les Jeudis de la BD de la BPI

Un petit tour au jeudi de la BD

L’automne parisien ne sera pas si gris que cela.
En effet, les jeudis de la BD ont repris à Beaubourg et c’est avec plaisir que nous nous y sommes rendus au mois d’octobre pour écouter Ugo Bienvenu. La rencontre se passait dans le petit salon cosy Jeu vidéo de l’espace Beaubourg !
Ugo est auteur-dessinateur mais aussi vidéaste, animateur, éditeur, professeur de BD… Ugo a déjà édité deux BD auparavant, « Paiement accepté » et « Sukkwan Island », toutes deux disponible chez Denoël Graphic.
Un artiste aux multiples casquettes donc qui nous a présenté sa nouvelle BD, « Préférence Système » paru Chez Denoël Graphic, dans un échange riche avec la journaliste Sonia Déchamps.

Ugo Bienvenu et Sonia Déchamps aux Jeudis de la BD à la BPI Beaubourg
 Sonia Déchamps et Ugo Bienvenu

L’occasion pour nous de vous résumer une partie ce qui a été dit dans ce long échange d’une heure ! « Préférence Système » est une BD d’anticipation. Elle traite de la transmission. L’histoire se passe en 2055, les données sont devenues tellement conséquentes qu’il faut faire des choix dans ce que l’on sauvegarder. Mais comment choisir entre Hugo et Balzac ? Yves, un agent, va décider de sauvegarder ce qu’il doit détruire dans la mémoire de son robot. Ce même robot qui porte sa petite fille.
Un tel récit laisse déjà entrevoir une foule de sujets.
C’est bien cela qui tentait Ugo. Pouvoir nous donner un aperçu du monde dans toute sa complexité, essayer d’en rendre une partie, sans délivrer de message didactique.
Il a fait le choix de l’anticipation pour aborder de manière moderne des sujets qui le font réfléchir. Après la réalisation d’un clip, quelqu’un lui fit remarquer que son travail lui rappelait du Philippe K.Dick. En allant lire cet auteur, Ugo a réalisé que la SF ne tenait pas seulement à l’exploitation de monstres et d’effets spéciaux. Il y avait moyen de parler de l’homme et de son rapport au monde, d’utiliser le futur pour parler du présent.

Cette BD comporte plusieurs thèmes. Tout d’abord, le problème des données. Ugo rappelle qu’en 1900 l’homme a créé plus d’archives que toute l’humanité auparavant. Et en 1950 seulement, cette quantité d’archives a doublé. Et en 1975 les archives ont encore doublé par rapport à 1950. Et si la création de contenant ne pouvait plus contenir la création de contenus ? Quelle serait la solution ? Voilà ce que soulève Ugo.
A côté de cela, la question du choix est importante. en effet, il nous expose que tout homme voit le monde à travers un prisme. Il n’en perçoit qu’une partie. Mais un robot voit le monde dans sa globalité, il le voit comme un ensemble, mais sans prisme. A ses yeux, aucun élément n’a plus d’importance qu’un autre. Ce qui caractérise l’homme est son habilité à choisir. Ce que le robot n’a pas. Dans « Préférence Système », le robot de Yves stocke les données, il stocke le film 2001 l’Odyssée de l’espace, qui contient un avertissement sur les robots, et le transmettra. Pour lui, c’est une donnée comme une autre.
Il ne se rend pas compte de l’importance ou de l’inanité de ce qu’il transmet.
Et le thème de la transmission, évoqué plus haut, découle tout naturellement de la gestion des archives et des données.
Dans « Sukkwann Island », c’est le drame d’un homme qui se rend compte qu’il n’a rien à transmettre. Dans « Préférence Système », la question posée est: qu’est-ce qu’on est prêt à sacrifier pour transmettre?
Un des autres thèmes est le rapport à la nature, l’importance de cette dernière. Ugo pense que la robotisation va nous alléger de tâches lourdes, nous donner plus de temps, un temps que l’on pourrait prendre pour nous rapprocher à nouveau de la nature.

Ugo Bienvenu aux Jeudis de la BD à la BPI Beaubourg
 Ugo répond aux questions, micro au col et à la main !

Bref, une BD foisonnante et complexe que Ugo a pu développer sous le regard bienveillant de son éditeur Jean-Luc Fromenthal, qui lui a laissé les coudées franches pour prendre le temps nécessaire à écrire son histoire.
Le scénario est d’ailleurs une étape clé. L’important pour lui est de parvenir à choisir ce que l’on montre et ce que l’on ne montre pas. Son but est de faire des récits qui se tiennent. Le spectateur doit s’orienter et essayer de condenser en une information quelque chose de plus large. Ugo aime quand tout n’est pas résolu et que le spectateur puisse remplir les vides, se créer sa vision d’une certaine partie de l’histoire.
Mais avec autant de messages, de thèmes, comment éviter le didactisme ?
Ugo développe ses thèmes et ses idées dans le flot du récit, il les fait passer par les actions et le comportement des personnages, pas par des présentations ou des développements théoriques. Bien sûr, on ne peut éviter une phrase lourde de sens dans le récit mais elle est l’expression d’un des personnages, son point de vue.  
Quant au monde de 2055, L’auteur le développe comme une extension de notre présent. L’histoire se déroule dans des lieux qui existent, comme le onzième arrondissement de Paris ou Vézélay. Il s’agit de faire un monde plus nuancé avec des zones de gris.
Le robot a nécessité plusieurs versions. Ce personnage est d’abord apparu dans un clip, Ugo a voulu le reprendre mais il était trop complexe à dessiner, alors le dessinateur est passé par des phases de simplifications.

Ugo raconte également l’origine de ses influences. A six ans, quand il découvre Dragonball Z, il réalise qu’en dessin, tout est possible. Il s’est mis à dessiner comme jamais. A quatorze ans, Miyazaki lui a ouvert de nouvelles voies. Et à dix-huit ans, c’est la découverte de Murakami qui a été un nouveau choc. Il a grandi en Amérique du Sud et en Afrique, il ne connaissait pas le Japon.
Il voulait faire de la BD jusqu’à ses dix-huit ans, mais est parti dans l’animation qui lui a permis d’acquérir des techniques pour la BD. En faisant des films, il a trouvé une facilité à créer, car en BD c’est très dur pour lui de raconter quelque chose. Grâce à Jean-Luc Fromenthal, il a appris à découper.
A ses yeux, chaque métier nécessite des outils, mais qu’il faut se réapproprier, se forger pour soi-même. En animation, il a appris le champ contre-champ, il a surtout appris à jeter énormément de dessins. Son travail dans l’animation a fortement nourri son travail en BD mais maintenant c’est l’inverse, par les techniques de narration qu’il amène à l’animation.

Ugo Bienvenu aux Jeudis de la BD à la BPI Beaubourg

Sonia revient sur l’aventure de Realis, sa société d’édition de BD.
Ugo avait plusieurs amis dans l’animation qui lui disait, « je vais faire de la BD » et qui ne se lançaient pas, faute de temps. Du coup, il a monté Réalis et leur a dit, « vous pouvez faire de la BD maintenant ! »
Ses amis ne voulaient pas se heurter au barrage et exigences éditoriales, avec Ugo, ils ont pu contourner ce souci. Ils avaient un éditeur qu’ils connaissaient, qui les encadraient et qui était un ami. Ca leur a permis d’avoir une première expérience en BD éditée.
Et du coup, ils pouvaient aller voir d’autres éditeurs pour de nouveaux projets fort de cette expérience.
Ugo, amateur du chiffre trois, ne tient pas à produire énormément de livres, il va sortir trois livres, ou peut-être uniquement deux, et puis refaire des tirages des titres épuisés.
Ugo a eu de la chance, ses rapports avec son éditeur chez Denoël se passent très bien, il n’a pas connu ces fameuses contraintes éditoriales que craignaient ses amis.

Après cette rencontre très dense et riche menée par Sonia, nous avons pu participer à un petit atelier mené par Ugo: Dessiner sur le thème du robot.
En toute simplicité, l’auteur s’est mis à notre portée de dessinateur amateur pour nous ouvrir quelques portes et nous permettre de progresser. Ugo a su partager avec nous quelques conseils faciles à appliquer: ne pas s’entêter à donner apparence humaine au robot, jouer sur des règles de design, comme mettre des formes différentes côte à côte, différentes par leur forme mais aussi par leur taille, les positionner à l’inverse de ce que l’on pourrait attendre et voir ce qui en ressort.
Fort de ces conseils, nous avons pu crobarder quelques robots pendant une heure.
Un autre moment d’échange qui fut tout aussi agréable.

Ce jeudi de la BD s’est achevé dans la bonne humeur.
Et un seul mot de conclusion s’imposait : Vivement la prochaine fois !

David

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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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