: Sorties de secours
Joyce Farmer (scénario et dessin)
Delcourt
: Outsider
2016
: 208
quotidien de Lars et Rachel, deux personnes âgées vivant dans une
maison du sud de Los Angeles. Un quotidien difficile, où l’âge
transforme parfois les tâches les plus simples en épreuves
olympiques. Lars et Rachel vont avoir un tournant de leur vie
difficile à appréhender, car il s’agit tout simplement… du
dernier.
Laura, la fille du premier mariage de Lars, est là. Présente aussi
souvent qu’elle peut, elle les aide pour tout. Et malgré les
difficultés générées par le fait que Lars et Rachel sont de moins
en moins autonomes, Laura s’accroche à l’espoir que les choses
s’améliorent pour ses parents bénéficient d’une fin de vie
paisible.
avis :
histoire impitoyable. A travers leur vie au jour le jour, Lars et
Rachel affrontent la vieillesse, avec tout ce qu’elle comporte de
négatif. Si le corps commence à lâcher, la volonté et la niaque
se sont émoussées avec le temps, et les forces mentales nécessaires
pour mener ce combat ne sont plus suffisantes. Ce couple affronte
ensemble non pas la vie, mais la fin de vie. La vie, ils l’ont
partagée pendant des décennies, avec ses bonheurs et ses malheurs,
ses joies et ses peines, ses révélations et ses non-dits. Ils
s’aiment, et cet amour va leur permettre de tenter l’impossible :
rester ensemble, dans cette maison qui les a vus vieillir, jusqu’au
bout.
Farmer a projeté dans la fiction les souvenirs de ce qu’elle a vécu
avec ses parents. Du coup, tous ces tracas du quotidien deviennent
extrêmement palpables, authentiques, avec leur vérité crue. On
sent l’obstination de Lars, la tristesse de Rachel. On sent aussi le
poids de cette maison où ils conservent tout, ce lieu lourd de
souvenirs entassés au gré des pièces, ces souvenirs auxquels ils
ne peuvent pas renoncer, comme si abandonner ces moments de vie était
déjà signer avec la mort.
La
simplicité de cette histoire en fait toute sa force. Et aussi toute
son émotion. Car, il faut l’avouer, c’est la gorge serrée qu’on
avance dans cette histoire.
dernier voyage de Lars et Rachel serait même, à mon avis,
intenable, s’il n’y avait pas ces moments de pause, quand l’un ou
l’autre partage avec un membre de sa famille, Laura, ou son fils
Pete, les souvenirs de leur enfance, de leur jeunesse, de leur
grand-parents…
à coup, une bouffée d’air frais, une rasade d’humour. Bien sûr,
tendresse et amour sont omniprésents entre Lars et Rachel, quelque
pointes d’humour, sourires en coin, autres blagues saupoudrent le
tout et on sent les années de complicité entre eux mais il est dur
de suivre ce vieux couple sans avoir la larme à l’œil. Tut
simplement parce qu’ile st difficile de s’imaginer à la place de
Lars ou de Rachel ou même de Laura…
Laura, qui se bat contre tout, qui doit tout surveiller, tente
de faciliter la vie de ses parents au mieux qu’elle peut. Mais
malheureusement, on ne peut penser à tout.
avec ces semaines qui passent, ces mois, s’étale sur quatre ans.
Mais quatre ans qui font peser sur nos épaules l’inéluctable. On
sait comment tout cela va finir. Et on souhaiterait que cela se passe
le moins mal possible pour ces deux petits vieux, à quelques pas du
dernier départ.
Farmer s’est fendue d’une magnifique histoire. Je dis fendu, car cela
a dû être douloureux pour elle, enfin, quand je vois la douleur que
peut procurer cette lecture, j’imagine celle de l’auteure. Si en
plus, ces « faits sont inspirés d’événements réels »,
comme on peut lire parfois sur nos écrans, le choc en est d’autant
plus violent.
assure aussi le dessin. Style réaliste mais simple, personnages
expressifs, même si parfois l’expression du visage ne rend pas
vraiment bien, à me syeux, l’émotion à exprimer. Ce qui peut avoir
tendance à vous sortir de la lecture. Mais, à certains moments, ce
n’est pas plus mal de souffler un peu. Car quatre ans ramassés sur
une BD, c’est dense ! Et quand vous l’autez lue une fois, revenez au
début et comparez l’évolution physique des personnages. Si on
constate l’impact du temps sur Rachel, il est beaucoup plus discret
sur Lars, et pourtant bien présent.
Farmer réussit à nous faire vivre ce qu’on ne vit que sur les
années. A force de passer du temps avec les gens qu’on aime, on ne
les voit plus vieillir, car au jour le jour, les transofrmations sont
imperceptibles. Par contre, prenez une ancienne photo de plusieurs
années, comparez-là avec le présent et les traces du temps vous
sauteront au visage. C’est exactement le cas avec Lars !
décors sont bien présents. Et la maison de Lars et Rachel, dernier
refuge mais aussi hangar à souvenirs, les protège autant qu’elle
les étouffe. Elle les rapproche autant qu’elle les coupe du monde.
Cette maison est un personnage à part entière, au même titre que
le chat Ching !
couleurs se résument à un noir et blanc sobre.
composition consiste en des planches de quatre bandes de une (très
rarement) à deux cases. Ce choix impose aussi un rythme régulier, à
l’image du temps qui passe. Ce quotidien ressort donc, avec cette
composition similaire, comme un battant d’horloge.
cadrage est très souvent serré sur les personnages, beaucoup de
plans taille, de plans d’épaule, de gros plans, comme pour nous
rapprocher le plus possible d’eux.
ces choix renforcent l’émotion qui naît à la lecture.
de secours est une BD difficile à lire, car elle prend aux tripes.
Je ne sais quoi vous dire de plus. Je ne sais pas moi-même si
j’aurais préféré évité de la lire, pour ne pas être confronté
à la déchéance de Lars et Rachel, ou si j’en retire quelque chose.
C’est encore rop frais dans ma tête. En tout cas, bien que cette
histoire ne comporte aucune goutte de sang, à part celles causées
par les griffures de Ching, je recommanderais aux âmes sensibles de
bien réfléchir avant d’ouvrir ce recueil. Car, comme je le disais
au départ, on n’en ressort pas indemne.
aussi aurait bien aimé donner un coup de main à Lars et Rachel…