jeudi 25 avril 2024

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Silence de Didier Comès

Silence de Didier Comès - Editions Casterman
Titre: Silence
Auteur: Didier Comès
Année: 1980
Éditeur: Editions Casterman
Type: One Shot Roman graphique
Nombre de pages: 120

Histoire de Silence

Beausonge, un nom bien doux et poétique pour un petit village retiré des Ardennes pétri de superstitions.

Assoupie sous son manteau de neige, la campagne ardennaise s’éveille.

Un homme au visage taillé au couteau et au regard perçant s’approche ; on l’appelle Silence.

En quelques coups de crayon noir sur blanc, on devine la communion de cet être silencieux avec la nature et les êtres vivants.

Tout passe par l’intensité de son regard, et ces quelques mots  écrits en phonétique,  traduisent la pensée   d’un homme simple, sans culture mais au cœur pur «  je mapel silence é je sui gentil » Silence pense en fautes d’orthographes.

Case extraite de Silence de D.Comès

Cet être simple, bon, est incapable de discerner  la laideur du monde qui l’entoure.

Il ne connait ni la colère, ni la haine, ni la vengeance.

Cette particularité  profite à Abel MAUVY son «maître», personnage mauvais, violent, abject et libidineux. Ce sinistre personnage fait travailler Silence comme un forçat, le « prête » à des voisins et se moque de lui tout en s’en méfiant. Silence est devenu son esclave, sa chose.

Silence n’a qu’une amie : une sorcière aveugle vivant à l’écart de ce bourg.

Elle lui parle de vengeance mais il ignore ce qu’est la vengeance.
De qui devrait-il se venger d’ailleurs ? Pourquoi son maître le déteste ?
Quel lourd secret cache les villageois ?

2eme case extraite de Silence de D.Comès

D’une chronique paysanne à la réflexion sur l’impossibilité d’intégration, l’auteur glisse vers l’onirique et le fantastique.
L’univers de la sorcellerie avec ses rites et secrets  imprègne cette histoire avec 2 personnages : La sorcière aveugle, le personnage féminin subtilement complexe et essentiel au déroulement de cette histoire et  « La mouche » mi rebouteux, mi sorcier.
Le traitement de ces deux personnages est particulièrement réaliste et convaincant en dépit de leurs dons surnaturels. Ils auront chacun un rôle à jouer dans le devenir de Silence.  

Le style, le dessin:

Ouvrir cette bande dessinée signifie s’embarquer dans un univers à la noirceur saisissante sans espoir de l’abandonner avant d’avoir lu la dernière page.

Comès l’auteur possède un coup de crayon, redoutable et affirmé, accentué par une mise en page très structurée dans laquelle la couleur est absente.

Le noir et le blanc fait écho aux thèmes diamétralement opposés qui s’enchevêtrent inextricablement dans cette œuvre et lui donne une réelle puissance : le terroir et la sorcellerie, la cruauté et l’innocence, la haine et l’amour.

Le dessin noir n’altère en rien notre plaisir  bien au contraire il l’amplifie tant le trait est abouti, et tant la palette de noir est riche.

Ce noir encore plus noir, fait ressentir  davantage encore  cette atmosphère angoissante  et  parfois glauque.

Nous sommes confrontés à de véritables personnages aux aspects différents, aux expressions faciales adaptées à chacune des émotions ressenties.
Enfin, des dialogues riches et percutants appuient cette histoire au point d’y retrouver l’intensité dramatique propre à un roman.

La façon de matérialiser les pensées « simplistes » de Silence est également parfaite.

3eme case extraite de Silence de D.Comès

Notre avis :

 Entre 1978 et 1997, le mensuel A suivre des éditions CASTERMAN fut le fer de lance d’une bande dessinée d’auteur, à une époque où elle n’était pas très répandue. Ce magazine a publié des œuvres de PRATT, TARDI, SERVAIS, PEETERS et SCHUITENS, BOURGEON, COMES et bien d’autres…

Nous avons découvert Comès à cette période.

Après avoir lu Silence, la Belette, Eva…. on  ne peut oublier ces personnages.

Bien après avoir refermé l’une de ces BD, il plane encore  cette sensation d’angoisse du à ce mélange de réalisme, d’authenticité et de fiction rendu par un scénario criant de vérité .

Silence est une des  œuvres phares de Comès .

Le récit nous conte l’émancipation de Silence, un pauvre être sans défense.
Le charme de ce récit tient, pour nous, au fait de donner la parole à un personnage qui est dans la catégorie des invisibles, des sans voix.

Émouvant, Silence ne peut que susciter la sympathie tant il semble incarner la bonté même.

Par ailleurs l’atmosphère rurale de cette région d’Ardenne, un peu hors du temps, est extrêmement bien rendue, avec ce village que l’on sent lourd de secrets inavouables et cette lenteur du temps qui n’en finit pas de passer.

Silence est avant tout le porte-parole d’une réflexion intime de son auteur sur la société.

« Je voulais illustrer le problème de l’incommunicabilité, et plus précisément de la méfiance instinctive à l’égard des gens « différents », méfiance qui débouche souvent sur la violence. Personnellement, j’ai toujours éprouvé une forme de tendresse envers les êtres marginaux […] Peut-être parce que moi aussi, je me range dans cette catégorie »

et c’est aussi pour cela que nous l’aimons.

Chantal et Lionel 

Quelques vidéos et articles complémentaires à découvrir sur l’auteur Didier Comès :

Vidéo sur l’exposition à Liège en 2012 : A l’ombre du silence, rétrospective Comès (expo 11.05 jusqu’au 16.09.2012)



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Yanndallex
Yanndallex
Je suis évidemment un passionné de BD depuis ma jeunesse. Un malheureux accident de vélo ma valu quelques jours d’hospitalisation. Ainsi ma famille, pour me faire passer le temps à l’hopital, m’offrit des exemplaires de la série des Tuniques Bleues. Cette série a été une révélation ! J’étais émerveillé de pouvoir lire des histoires humoristiques liées à des évènements dramatiques (la guerre de sécession, le racisme etc…). Je me régalais à suivre les aventures de mon personnage favori le caporal Blutch. Puis vint la pleine adolescence pour découvrir des séries plus sérieuses, ou toujours humoristiques, d’héroïque fantasy, SF ou policières (XIII, Thorgal, la quête de l’oiseau du temps, le grand pouvoir du Chninkel etc…). J’y ai découvert ainsi des styles graphiques plus travaillés, détaillés, réalistes, poétiques etc… une deuxième révélation pour m’ouvrir progressivement à la bd adulte. A ce jour j’aborde chaque nouvel ouvrage comme une surprise, une promesse d’une belle histoire, que l’on aime, ou que l’on n’aime pas. J’ai pris conscience au cours des années qu’une histoire illustrée de 48 pages, ou plus, n’était pas si facile à créer de manière scénaristique mais surtout graphiquement. Le talent n’est pas inné, et à chaque vignette, je contemple d’autant les années de travails des auteurs. J’admire les techniques graphiques (que je ne soupçonne parfois pas du tout), les choix de couleurs ou du noir et blanc, le travail sur les mises en lumière, la conception des mises en scène, le choix des plans, des effets, des perspectives, le découpage élaboré, les transitions des plans séquences etc… Bref mon œil s’est avisé, mais je n’en reste pas moins admiratif du travail réalisé et des sacrifices réalisés par chaque artiste pour offrir du plaisir à son lectorat, et cela même si l’histoire ne m’a pas forcément plu. J’aime aussi souvent à chercher d’où a pu venir l’idée de l’histoire, très souvent inspirée de fait divers, ou de l’histoire avec un grand H. Je suis aussi toujours émerveillé par la diversité des sujets traités par ce média. Cette disparité permet des livres souvent très intimes avec des témoignages poignants et durs, mais aussi de s’enrichir culturellement, s’ouvrir à des expériences inattendues, parfois loufoques et hilarantes, etc… Et elle nous promet encore de grande œuvres !!

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