Satanie
Vehlmann (scénario), Marie et Sébastien Kerascoët (dessin)
Soleil
: Métamorphoses
2016
: 128
les profondeurs de la terre, un groupe mène une excursion à la
recherche de l’auteur d’un livre étrange qui explique les origines
des démons par l’évolution. Dans cette petite troupe se trouve
Charlie, la sœur du disparu. Rattrapé par l’abbé Montsouris venu
les avertir d’un orage imminent, les explorateurs n’ont
malheureusement pas le temps de remonter à la surface, et les voilà
bloqués dans les tréfonds obscurs. Ils vont découvrir
l’impossible. Et si l’enfer existait vraiment ? Et s’il n’était pas
le lieu spirituel de perdition que l’on nous décrit depuis bien trop
longtemps mais…
avis :
histoire prend donc vite la direction d’une descente aux enfers, au
sens propre et au sens figuré. L’ambiance mystérieuse, intrigante,
se mêle rapidement au rythme fou digne des serials d’aventure des
années trente et ce pour notre plus grand plaisir. Les explorateurs
deviennent alors aventuriers et avancent non par goût de la
découverte mais bien parce qu’ils n’ont plus le choix.
groupe se restreint vite et Charlie, l’abbé, Monsieur Le Goff,
l’éditeur Lavergne et son neveu deviennent vite attachants, d’autant
plus qu’on sait que la bande va se restreindre au fur et à mesure
que leur périple va se compliquer.
Le
personnage principal n’en reste pas moins la rousse et jeune Charlie.
Ce voyage infernal va se mêler avec les doutes de la jeune fille, sa
vie et son passé. Poursuivant son frère, elle est elle-même
pourchassé par ses propres fantômes. Et l’enfer n’est pas le
meilleur endroit où emmener ses petits fantômes en balade.
obstacles se dressant sur la route de Charlie vont donc être autant
intérieurs qu’extérieurs. Son obsession à retrouver son frère va
l’entraîner de plus en plus loin dans ce gouffre et l’éloigner de
plus en plus d’un possible retour.
à l’enfer en lui-même, Vehlmann lui donne une vie intérieure assez
passionnante et l’idée de mélanger spirituel et rationnel, Enfer et
Évolution est loin d’être la seule idée originale de ce récit.
effet, à côté des obstacles intérieurs, Charlie et ses compagnons
vont devoir affronter des ennemis bien concrets, et de plus en plus
surprenants !
dessin et surtout dernière vision du ciel avant de vous enfoncer
dans l’enfer de Vehlmann et Kerascoët !
et Sébastien Kerascoët donnent à cette Odyssée une allure bien
sombre. Tout en adoptant un trait stylisé, ils parviennent à nous
entraîner à leur suite, au cœur de l’obscurité, où le noir et le
rouge finissent par laisser place à d’autres couleurs, révélatrices
d’autres formes de vie.
côté de cette atmosphère digne d’Hadès, la composition reste
classique mais permet à l’histoire de prendre son envol.
pages noires recouvertes de bandes de une à trois cases, laissant
soudain la place à des illustrations pleine page nous immergent
totalement dans cette vision des souterrains terrestres.
ambiances colorées se mariant avec la patte des auteurs ne vous
laissent pas sortir de cette histoire. Absorbée entre les
découvertes graphiques et narratives, on suit craintivement Charlie
en redoutant de tomber de Charybde en Scylla, ce qui, vous vous en
douterez bien, ne manque jamais d’arriver !
serait dommage d’oublier de mentionner le bel écrin qui renferme ce
petit bijou. Une couverture intrigante, certes, c’est classique, une
tranche joliment décorée, c’est plus rare, et une belle BD au doux
papier qu’on garde serrée pendant cent vingt-huit pages, ça, c’est
la cerise sur le gâteau.
récit complet est un bel exemple de BD fantastique reposant sur une
idée originale – enfin, d’après mes connaissances, loin d’être
complètes -. Si vous en avez assez de cet hiver et que vos petits
pieds se gèlent régulièrement, allez vous réchauffer avec Charlie
sur les pentes incandescentes d’un enfer loin d’être théologique et
pourtant fort dangereux pour les âmes en peine…
découvre l’enfer, à moins que…