Dans la chronique du jour, nous vous présentons une BD de Paco Roca. Retour à l’Eden, la BD d’une vie écoulée aux éditions Delcourt. Notre chronique juste après.
Titre : Retour à l’Eden
Auteurs : Paco Roca (scénario et dessin)
Editeur : Delcourt
collection : Mirages
Année : 2022
Pages : 184
Sommaire de l'article
Résumé d’une BD fragmentaire :
Le noir, un point lumineux et des bandes de lumières, planches de bande dessinées alignées, traversent le noir. Puis une photo datant de l’été 1946. Dessus, La jeune Antonia et sa famille. Antonia qui n’a eu que trois photos dans sa vie. Antonia, âgée, avec ses propres enfants, qui ne supporte pas de ne plus retrouver dans son déménagement cette photo de 46. Qu’a-t-elle de particulier, cette simple photo d’une famille incomplète sur la plage ?
Retour à l’Eden: le scénario d’un récit tout en finesse :
Comment raconter une vie à partir d’une photo, comment cerner la personnalité d’une personne avec des fragments, des moments, des souvenirs, ces éléments épars qui forment une vie ? En se penchant sur celle d’Antonia, Paco Roca nous décrit aussi une époque, l’arrivée du franquisme en Espagne.
La famille d’Antonia est pauvre, et manger implique de s’endetter pour faire les courses. Dans cette période dure, Antonia ne peut pas vraiment avoir de loisirs. Entre l’église, quelques rares séances de cinéma grâce à ses amies ou à sa sœur, les moments de détente sont la plage en accès libre, et le dîner au soleil en descendant les tables dans la rue.
Au fur et à mesure de ces instantanés de vie, entrecoupés de séquences oniriques, on perçoit une image d’Antonia, on la comprend un peu mieux même si on ne l’a pas connue. Et on plonge dans tous ces petits riens qui forment un caractère, au fil des ans, dans ces gros drames de la vie, perte d’un être cher, qui marquent une personnalité.
Toute cette humanité, toutes ces émotions, Paco Roca les fait surgir au détour d’une case. On s’attache à ces personnages avec leur bon et leur mauvais côtés. Certains, nous ne les comprenons que partiellement, car ils sont moins présents. Mais on ne peut se détacher de cette famille. On avance dans les pages de retour à l’Eden, on ressent énormément d’empathie, on saisit quelques brides et on engrange des souvenirs qui ne sont pas les nôtres. Car Antonia est un personnage réel, ce qui rend l’histoire d‘autant plus forte.
Le dessin en cases démultipliées:
Avec « retour à l’Eden », Paco Roca choisit d’utiliser une BD au format paysage pour raconter l’histoire d’Antonia. Ces multiples moments sont scindés en salve de cases, parfois symboliques, parfois concrètes, parfois s’appuyant sur un morceau de photo. Elles se suivent et ne se ressemblent pas, leurs couleurs créent une unité. Nous sommes dans les verts ocres, les bruns doux, les époques se mêlent et se renvoient l’une à l’autre, une case est reprise, formant souvenir à un moment, annonçant un événement à venir à d’autres instants. Une forme de gaufrier s’installe, se rompt dans les parties les plus oniriques, revient. Comme pour cadrer ces tranches de vie, leur donner un rythme doux, lent, simple. Celui du temps qui passe et s’arrête parfois.
Ces choix fonctionnent vraiment bien et contribuent à l’émotion qui se dégage de cette BD. Des souvenirs, un regard, un rêve et tout passe.
On ne peut se détacher avant la dernière page de ce parcours de vie. Et même à la fin, on reste un instant suspendu, quand on réalise que c’est simplement ça, une vie. Et que ce sera simplement ça, notre vie, après nous, des bouts de souvenirs recollés ensemble par d’autres à partir de ce qu’on aura laissé derrière nous.
Conclusion d’une BD universellement personnelle :
Paco Roca raconte de l’intime, qui le concerne lui, et parvient à travers l’histoire d’Antonia à nous faire toucher à quelque chose d’universel. Pourquoi ? Comment ? Est-ce vraiment important si l’émotion est là, si on comprend un peu mieux Antonia en refermant cette BD ? Non, ce qui compte, c’est l’émotion qu’on a ressentie.
Zéda rencontre Antonia !
Le genre de récit que je lis peu.
C’est toujours intéressant d’avoir un aperçu de différentes époques et surtout de différents, en prenant en compte les relations familiales de chacun. Alors comparaison n’est pas raison mais on est habitué à un certain format comme pour les films par exemple.
Là on pourrait penser à un film d’auteur et comme le format, l’ambiance diffère de ce que l’on connaît, certains n’accrochent pas.
Alors que le sujet de fond est poignant, merci !
Bonjour Alchimie des mots,
Merci à toi d’avoir pris le temps de taper un commentaire. Ca fait plaisir de voir que, même si tu lis peu ce genre d’histoire, tu as été touché par le sujet.
J’aime beaucoup le travail de Paco Roca, son style simple de dessin, sa narration posée, qui laisse le temps au temps, comme on dit. J’espère, avec cette petite chronique, avoir donné envie à quelques personnes de le découvrir.