Fondu au Noir
Ed Brubaker (scénario), Sean Phillips (dessin) et Elizabeth
Breitweiser (couleur)
Delcourt
: contrebande
2017
: 400
Parrish, scénariste à Hollywood pendant la glorieuse époque des
années cinquante, se réveille un matin avec une incroyable gueule
de bois. Alors qu’il essaye de reconstituer mentalement la soirée
qui l’a amené dans cette petite chambre loin de chez lui, il se rend
compte que l’alcool a fortement allégé sa mémoire mais pas sa
migraine. Mais les événements prennent un autre tournant quand il
découvre allongée par terre une actrice… étranglée.
avis :
route pour un univers de polar qui n’est pas sans rappeler L.A.
Confidential. Les années cinquante, le monde du cinéma, une enquête
que certains veulent voir aboutir et d’autre pas. Sauf que le héros
n’est pas un policier ou un enquêteur mais le pauvre Charlie,
scénariste qui a dû dénoncer son meilleur ami à Mac Carthy. Rien
d’un héros donc. La suite de l’histoire va montrer que non seulement
l’intrigue est plus complexe qu’il n’y paraît – mais cela, on s’y
attend de la part d’un polar de quatre cent pages – mais que les
personnages qui la traversent aussi.
un vrai plaisir de découvrir ce qui hante Charlie, de la même
manière que de plonger dans l’esprit de Maya, Gil, Val, et tous les
personnages variés à la psyché complexe développée par Ed
Brubaker.
Je
m’attendais à un nouveau polar dans le monde du cinéma avec
corruption et autres assassins en herbe nu brin classique. Il s’agit
effectivement d’une enquête sombre mais la richesse des personnages
emporte le morceau. J’avais envie d’avancer dans l’histoire pour
mieux les comprendre, les anticiper, découvrir voire deviner ce
qu’ils vont faire, ce qui se trame autour d’eux. Et on n’y arrive pas
toujours. Ce qui fait le plaisir de cette lecture d’ailleurs.
au Noir », un titre rappelant une technique de montage
cinématographique pour une histoire se déroulant dans le milieu du
cinéma et des grands studios, sorte de monde à part qui semble
protégé des attaques extérieures, un univers où les directeurs de
studio sont les nabab ayant les pleins pouvoirs.
même ce mythe va se retrouver éraflé. Et finalement, savoir qui
tire les ficelles derrière tout cela va se révéler plus ardu que
prévu.
en plus, comme Charlie, vous avez un léger penchant pour la
bouteille, alors ça va être plus compliqué que prévu.
récit se divise en chapitre et chacun démarre avec une photo de
films. Au bout d’un moment, on ne sait plus où est la réalité de
la fiction. Charlie croise Clark Gable et d’autres noms de Hollywood.
Quels sont les vrais films ? Les faux ? Quelle starlette a vraiment
existé ? Lesquelles sont pure invention ? De même pour les autres
personnages… Tout se trouble, superposant les couches à démêler
pour arriver au cœur de l’intrigue à celles mélangeant réalité
et fiction. Et à la lecture, c’est une très bonne chose. J’ai
apprécié de me perdre et de comprendre par fulgurance un morceau de
l’énigme, avant de me reperdre encore en quête de solution.
Charlie, le héros malgré lui, se perd d’abord dans ses
contradictions, car son problème n’est pas de résoudre l’enquête
mais bien de savoir s’il va enquêter ou bien faire celui qui n’a
rien vu, rien entendu. Ça aussi, c’est une partie intéressante de
l’histoire. Qu’est-ce qui va pousser Charlie à prendre la décision
d’agir – ou pas – ?
pendant que Charlie réfléchit, Sean Phillips dessine. Il nous offre
un beau graphisme contrasté où le noir est omniprésent, entourant
personnage, maison, action, où tout se joue dans la pénombre.
cette pénombre ressort d’autant pus que les couleurs d’Elizabeth
Breitweiser y apportent une touche de lumière. Les bleus froids et
les tons chauds alternent et semblent tenter de tirer les personnages
vers le haut, vers la lumière. Mais rien n’y fait, l’ombre rôde et
semble les happer encore et encore. La composition des pages demeure
assez classique : Trois bandes de une à quatre cases de largeur
variable.
ce format classique fait clin d’œil au classicisme que ces grands
studios ont mis en place et il n’empêche nullement Sean Phillips de
développer son talent et de placer savamment ses personnages et ses
décors.
BD noire, très noire, et dense, très dense, que vous prendrez du
plaisir à lire. Une bonne surprise où la règle principale du film
noir est respecté, à savoir rien ne finit vraiment bien.
dans l’univers du polar !