: Des Espaces Vides
Miguel Francisco (scénario et dessin)
Delcourt
: Mirages
2017
: 120
répond aux questions de son fils concernant son grand-père. C’est
pour lui une occasion de revenir sur sa famille, son passé, son
histoire. Miguel vient d’Espagne et ses parents ont connu dictatures
et guerre. Alors que nous suivons le quotidien de Miguel, directeur
artistique à Helsinki, nous replongeons en même temps dans son
passé, son enfance, ses rapports avec son père, son grand-père et
les souvenirs familiaux qui dérivent vite vers l’Histoire et les
conséquences quotidiennes de l’horreur des conflits…
avis :
récit présente une forte composante autobiographique. Miguel,
auteur et héros de cette histoire, revient sur un passé qu’il doit
recomposer seul. En effet, son père n’est pas très enclin à parler
de cette période difficile et son grand-père le fut encore moins.
Il doit donc reconstituer, d’après des recherches, des questions,
des infos glanées à droite et à gauche, le parcours et les
motivations de ses parents. Et il se heurte à des blancs, à des
points qui ne concordent pas, à ces fameux Espaces Vides qui donnent
leur titre au recueil.
en même tmps que Miguel se rappelle et qu’il fouille sa mémoire
pour se souvenir des paroles paternelles, il transmet aussi à son
fils.
L’enjeu
de l’histoire est posée rapidement, transmettre ses souvenirs, ses
récits, ce vécu pour qu’il ne soit pas oublié, mais que
transmettre quand on n’a pas soi-même tous les éléments ?
coup, les déboires actuels de Miguel passent au second plan : Ses
galères à Barcelone, son arrivée à Helsinki, ce travail qui ne
l’emballe plus au bout d’un moment, sa séparation, son fils qu’il
voit trop peu deviennent presque anecdotiques. Elles servent de
transition pour passer d’un pan de sa mémoire à un autre.
élément intrigant, ce mastodonte étrange et tatoué qu’il croise à
son arrivée en Finlande et qui le remet sévèrement à sa place.
Evénement marquant, qui prendra tout son sens ultérieurement dans
la narration.
« Des Espaces Vides » nous raconte la quête de Miguel, le
quarantenaire, elle parle aussi de l’enfance du père et de ses
rapports à son propre père – le grand-père de Miguel, donc –
et revient sur des épisodes douloureux de l’Histoire Espagnole
amenant des familles à se déchirer, parfois sans un mot…
si on comprend Miguel, la zone de floue entourant son grand-père
reste dense. Les actions sont là mais les motivations troubles. Et
c’est bien ce qui turlupine notre héros.
Francisco prend aussi les pinceaux pour nous dessiner ce récit. Un
trait simple, des personnages expressifs et attachants, des décors
réalistes et des couleurs tout aussi simples. Là où l’auteur
dérange, c’est quand il jongle entre le passé et le présent, entre
souvenir et réalité, et qu’il se sert autant de la dramaturgie que
de la composition pour arriver à ses fins, semer le trouble en nous.
aux commandes du navire, il se permet de jongler entre les époques
pour nous faire perdre pied. Et cette lecture qui risquait de devenir
de simples aller retours entre Miguel adulte et Miguel enfant devient
magique, mêlant de manière inattendue les périodes, les faits, et
se coupant de toute chronologie.
Espaces Vides » est un curieux voyage, permettant d’en apprendre
plus sur l’Espagne des années trente et quarante, mais surtout sur
la vie de Miguel Francisco, une vie aux blessures universelles,
celles qu’ont peut-être connues touts les enfants issus d’un pays en
guerre.
et les espaces vides !