: Cavalerie Rouge
Jean-Pierre Pécau (adaptation), Djordje Milovic (dessins) d’après le
recueil de nouvelles de Isaac Babel traduit par Maurice Parijanine
Soleil
:
2018
: 144
Babel est un auteur Russe du début du vingtième siècle. Dans des
salons, il a la chance de rencontrer l’illustre écrivain Gorki, qui
reste impressionné par la première nouvelle de Babel. Mais un jour,
Gorki lui balance qu’il n’a pas assez vécu pour continuer à écrire.
Babel va alors s’engager dans l’armée russe ! Nous sommes en 1917.
De cette aventure, Babel va ramener de curieux souvenirs de la guerre
révolutionnaire des rouges contre les blancs, qu’il consigne en
petites nouvelles formant le livre intitulé Cavalerie Rouge…
avis :
l’adaptation en BD d’un roman russe datant de 1926. J’ai ainsi pu
découvrir Isaac Babel dont je n’avais pas entendu parler auparavant.
Et je me suis plongé, au travers de cette BD, dans les errances de
ce personnage se mettant parfois en scène lui-même au gré des
hasards de la guerre. Les situations sont curieuses. Pas de grande
batailles, de charges héroïques, mais juste des hommes croisant
d’autres hommes, de soldats rencontrant des prêtres, de voyageurs au
côté des femmes. Rien de spectaculaire, juste du quotidien. Mais le
quotidien en temps de guerre prend une autre tournure. Surtout en
1917, au cœur de la révolution russe.
Au
travers de quatorze petits chapitres, nous découvrons ce monde un
peu perdu, décalé, parfois absurde. La force de ce récit ne vient
pas seulement des anecdotes mais aussi du style littéraire de Babel
que reprend Pécau. Un style qui sort du classicisme et nous décrit
des paysages d’une manière différente, rappelant plus la vision
poétique que réaliste. A titre d’exemple : « […] les
étendards du couchant flottent sur nos têtes. » J’ai trouvé
ça très beau. Vision de soleil couchant en même temps que rappel
du temps de guerre. Tout est dit dans cette proposition.
contrastant avec ces visions poétiques du monde, tombe la situation
terre-à-terre vécue dans chaque nouvelle. Nouvelle qui se termine
souvent sur un point curieux, comme une suspension appelant une suite
qui ne tombe pas. Et on enchaîne alors avec une autre nouvelle.
Pécau réussit son pari, il m’a donné envie de lire Babel, en tout
cas d’aller me plonger dans ce recueil de nouvelles.
point fort de ces récits est le dessin, les aquarelles flottantes de
Djordje Milovic.
en noir et blanc, plutôt gris et blanc pour nous présenter l’auteur
et la raison de son engagement, le dessin prend ensuite, au cœur de
la campagne Russe, pleinement de la couleur. Couleurs magnifiques,
fortes ou douces, puissantes ou en retrait.
ces aquarelles, Milovic joue également sur des traits de contour
légers, esquissés parfois mais bien présents, plutôt gris que
noir.
mélange semblant figer personnages et décors dans une atmosphère
douce, ténue, flottante. La force des couleurs, du trait léger, du
texte dense et riche, renforce encore plus ces histoires. Le
découpage et la composition des cases, plus classiques, permet au
dessin de s’installer. Tout comme le style de Babel permet aux
contenus des histoires de se mettre en place lentement.
BD magnifique est une œuvre à lire sans se presser. A vous d’errer
aussi en compagnie de ces êtres humains ballotés par l’histoire et
le quotidien et de prendre le temps de vous immerger, ou plutôt de
vous laisser emmener par le trait de Milovic, la construction de
Pécau et le style de Babel.
dans la campagne russe de 1917 !