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Titre : Saint-Exupéry, Le Dernier vol
Editeur : Casterman
Auteurs : Hugo Pratt
Année : 1994
Résumé :
Lundi 31 juillet 1944, 11h54, dans le ciel de Castellane. un lightning P38 fend le ciel. Aux commandes, Antoine de Saint-Exupéry effectue une mission de reconnaissance, mais rien ne va se passer comme prévu ! Saint-Ex se rend compte qu’il n’est pas seul, ni dans les airs, ni dans son avion. L’écrivain humaniste, entre rêve et réalité, réalise son dernier vol…
Comment commencer ? La question que Pratt a forcément dû se poser. Il a trouvé une réponse toute simple en plaçant Saint-Ex là où il se sent le mieux: dans un avion. Et Pratt prend le parti de l’y laisser.
Après, tout s’enchaîne. A travers ce voyage, Pratt manie habilement l’onirisme. Les souvenirs se bousculent dans la tête de l’écrivain et se mélangent dans les cases. Et nous, lecteurs, par petit bout, on perçoit les brides d’une vie, on essaye de recoller les morceaux, de replacer les choses dans l’ordre chronologique, d’en retirer un sens. Enfin, normalement, c’est ce qu’on cherche à faire. Mais là, oublions ce vieux réflexe, laissons-nous porter par le talent de Pratt, par la vie de Saint-Ex, et acceptons que le temps s’étire dans tous les sens. Tout d’un coup, la magie opère.
Pratt brise la chronologie. Il utilise le mécanisme classique du personnage à l’aube de sa fin qui replonge dans ses souvenirs. Dès les premières pages, j’ai repensé aux Choses de la vie, le film de Claude Sautet.
Heureusement, Pratt va plus loin, les souvenirs ne reviennent pas seulement peindre par petites touches la vie de l’écrivain, ils finissent par se rencontrer, se heurter, se mixer, jusqu’à ne plus se différencier. Et Saint-Ex traverse sa propre vie, ayant conscience qu’il n’est pas à sa place. Face à cela, il oscille entre l’étonnement et l’acceptation.
Nous le suivons, totalement happé par l’étrangeté de la narration. Il ne s’agit pas de lire une histoire qui ait un sens, mais de saisir à la volée cette vie incroyablement remplie, de comprendre qu’il y a aussi tout ce qui n’est pas dit, qui se cache entre deux cases, entre deux phrases, entre deux traits.
J’ai croisé les doigts pour que ce vol ne s’arrête jamais. Malheureusement, Pratt positionne tôt les pions du destin, nous savons rapidement que la toile d’araignée se tisse et que Saint-Ex n’aura pas de chance ce matin de juillet 1944. Malgré l’attaque ennemie, malgré le bruit sauvage des mitrailleuses, la fin de l’histoire s’ouvre sur l’apaisement, sur l’inconnu, sur ce grand mystère que Saint-Exupéry perce avant de nous quitter, emportant avec lui la réponse…
Les dessins sont aériens. Pratt crée subtilement cette ambiance légère autour de situations parfois graves. Les nuages, le sable, tout est prétexte à collision, à créer des portes de passage d’un lieu à l’autre, d’un temps à un autre.
Les avions très détaillés contrastent avec les paysages, tracés de quelques traits. Les teintes sépias rappellent le désert et pas simplement le passé.
La force de Pratt: donner l’impression que le dessin est fluide, coule de source, alors qu’en fait il est énormément travaillé. En cela, ses graphismes reflètent bien l’histoire, simple en apparence, et complexe en vérité.
Le cadrage reste classique, sans prétention ni effets de style. Comme des cadres de photos où l’on regarde les souvenirs. Mais là, le passé se réveille, rattrape et emmène le héros. Pour moi, Pratt a réussi un pari incroyable: il a concilié la légende de Saint-Exupéry avec la vie d’Antoine. Il a su donner au mythe toute sa dimension humaine.
Cette belle BD est précédée d’une non moins belle préface, rédigée par Frédéric d’Agay, qui retrace la vie de l’écrivain. Une préface ponctuée de photos de Saint-Ex et de dessins de Pratt, que j’ai lu avec beaucoup de plaisir.
En refermant cet ouvrage, vibrait dans mon oreille le lointain moteur de ce lightning P38. Levant les yeux, j’ai vu que le ciel était soudain devenu bien plus vaste qu’avant.
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