samedi 27 avril 2024

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Prison N°5, la chronique geôlière

Prison N°5, une BD sur le calvaire des prisons turques et les souffrances du peuple kurde

couverture de "PRISON N°5" de Zehra Dogan chez Delcourt

Titre : Prison N°5
Auteur : Zehra Dogan (scénario et dessins)
Éditeur : Delcourt
Collection : Hors collection
Année : 2021
Page : 120

Résumé du récit d’une prisonnière engagée:

Zehra, journaliste et artiste, est emprisonnée à Diyarbakir. Elle a besoin de dessiner et d’écrire pour raconter ce qu’elle traverse. Elle le fera illégalement au dos de lettres que des amis, complices, lui envoient. Elle va noter son quotidien dans cette prison à la triste célébrité et aussi l’histoire de son peuple, les Kurdes. En faisant cela, elle risque l’aggravation de sa peine, voire pire encore.

Scénario d’une histoire extrêmement dure:

Zehra Dogan raconte sa propre vie. Elle devient ainsi le point d’entrée dans l’histoire de milliers de rejetés, de prisonniers, de victimes, dans l’histoire du peuple kurde. Zehra Dogan raconte son quotidien, l’organisation des journées en prison, ses liens avec les autres prisonnières. Et l’on pourrait se dire que ce n’est pas si terrible que ça. Mais petit à petit, elle donne une autre résonance à son discours. elle parle de l’histoire du lieu où elle est incarcérée, cette prison n°5. Et là, elle dévoile les abjectes tortures, les humiliations récurrentes, les assassinats politiques camouflés de ces prisonniers kurdes injustement capturés à qui on dénie toute part d’humanité.
Et elle étend son récit à l’ensemble du peuple kurde et à ce qu’il a traversé depuis des années: Les révoltes, les manifestations, la création des différents partis, la guérilla, jusqu’à la guerre contre Daesh, sans oublier la violence injustifiable du régime Turque à l’encontre des Kurdes. Parler Kurde dans la rue était devenu un motif d’arrestation. D’ailleurs, Zehra a té emprisonnée car elle a dessiné les ruines fumantes d’une ville rasée par les attaques Turques. Et elle a été réemprisonnée quand elle a voulu exposer les dessins réalisés suite à sa première incarcération. Imaginez de nos jours un pays où l’on peut vous jeter en prison pour plusieurs semaines à cause d’un dessin, pendant plusieurs mois pour une exposition, un pays de l’Union Européenne. Il s’appelle la Turquie.
Ce n’est peut-être pas le seul, et dans notre monde, ce n’est sûrement pas le seul, mais c’est celui que connaît Zehra Dogan, celui où elle a vécu, celui qu’elle raconte.
On ne peut qu’être révolté par la liste des horreurs commises dans cette prison, des atrocités menées contre les kurdes sous Erdogan et ses prédécesseurs. Les descriptions s’enchaînent et au bout d’un moment, par leurs aspect répétitif, ça en devient presque trop. Alors on réalise, si nous, de l’extérieur, on en est dégoûté, quelle horreur cela a dû être pour ceux et celles qui les ont subies, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois.
Ce témoignage est important car d’une part, il permet de mieux comprendre le passé des Kurdes, et d’autre part, il donne un triste aperçu de leur présent, et ne rassure pas vraiment pour le futur. Il faut aussi saluer le courage de tous ces prisonniers qui endurent ces tortures, et de toutes ces victimes en-dehors des prisons, comme d’ailleurs le souligne Zehra Dogan. Et il faut du coup saluer également la bravoure dont elle fait preuve en menant cette BD à son terme, en refusant d’abandonner ses convictions.   

page de "PRISON N°5" de Zehra Dogan chez Delcourt

Le dessin réalisé sur le vif:

Ces dessins portent la trace de leur histoire, par ce qu’ils racontent, certes, mais aussi par leur mode de réalisation. griffonnés sur le vif, dans les cellules Turques, puis, passés hors de la prison de manière clandestine. Zehra dessine une page, la fait sortir, et ainsi de suite, pour limiter les risques de se faire prendre avec un dessin.
Elle utilise le crayon noir orné de quelques couleurs rapides, rouge, rehauts de blanc, tracé sur fond de papier kraft. Un style très naïf, presque enfantin – si ce n’était pas le sujet tragique qui est traité – dû sans doute au peu de temps disponible pour dessiner. Ce style contraste également avec la noirceur du propos et rend supportable ce qui ne le serait pas, ou beaucoup moins, avec un dessin réaliste.
Tout est axé sur les personnages, leurs visages exprimant l’horreur ou la douleur. Les décors, le plus souvent les murs des prisons, posent le cadre. Les textes expliquent la plupart des dessins que l’on voit, à moins que ce ne soit l’inverse, les dessins illustrent les propos tenus par Zehra Dogan. Dans les deux cas, il y a complémentarité entre narration et illustration. Car les dessins seuls montrent l’impensable, mais il ne suffisent pas pour tout comprendre. Le texte est aussi nécessaire.   

Conclusion d’une BD immersive dans les cachots de la prison N°5:  

Zehra Dogan témoigne du rejet des Kurdes par le gouvernement Turque. Un témoignage basé sur son emprisonnement. Une manière réaliste et graphique de découvrir la tragédie du peuple Kurde sous l’oppression d’un pays de l’Union Européenne.   

Zéda
rencontre Zehra.

"LINDICE CREATION" strip de Zéda pour illustrer chronique 7BD sur "PRISON N°5" de Zehra Dogan chez Delcourt

David

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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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