dimanche 1 octobre 2023

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Les Philanthropes aux poches percées, la chronique philanthropique

Les Philanthropes aux poches percées, la BD sur un socialisme éclairé

couverture de "Les Philanthropes aux poches percées" de Scarlett et Sophie Rickard chez Delcourt

Titre : Les Philanthropes aux poches percées
Auteurs : Scarlett et Sophie Rickard (scénario et dessin), adapté du roman de Robert Tressell
Éditeur : Delcourt
Collection : Encrages
Année : 2023
Pages : 256

Résumé d’une BD qui parle politique sociale :

Une rapide présentation du conseil municipal de la petite ville de Mugsborough enchaîne sur une maison en pleins travaux et un groupe d’ouvriers qui se réunit pour la pause déjeuner. Ils vont parler politique et chercher les causes de la pauvreté. Owen, aux convictions socialistes, tente d’expliquer à ces collègues les soucis de la société qui entravent cette Angleterre du début du vingtième siècle. Mais l’heure passe et il faut reprendre le travail et continuer cette vie dépourvue de sens où l’on ne gagne pas assez pour vivre décemment.

Le scénario d’un récit engagé:

Cette BD fleuve, tiré d’un roman, joue sur deux niveaux de narrations. D’un côté, les discours lors de ces discussions entre ouvriers qualifiés, exposent les problèmes, les solutions, et font ressortir aussi les idées reçues de l’époque. De l’autre, l’histoire de ce groupe d’ouvriers, de leurs familles, et leur quotidien montre bien la misère sociale dans laquelle vivaient ces gens.

Ce monde est dur. On pense qu’en France, des avancées sociales ont permis de changer les choses, mais en y regardant bien, nous retrouvons les mêmes problèmes aujourd’hui qu’à l’époque, la majeure différence étant la possibilité des aides sociales mais qui ne font pas tout. Et ce constat inquiétant montre combien cette BD est importante à lire de nos jours. Elle nous pousse à la réflexion. Les problèmes dénoncés par Owen se complètent par d’autres que l’histoire nous montre dans les actions des personnages. Le plus simple à saisir est cette descente au bar pour y consommer de l’alcool afin d’oublier sa misère. Mais cet argent dépensé est autant que le ménage n’aura pas pour payer ses dettes.

Les paradoxes de cette société montre aussi que le socialisme, sans même pouvoir s’expliquer, n’a pas bonne presse et est même rejeté, conspué par les ouvriers, qui ne se rendent pas compte de leur situation et préfèrent voter pour un des deux candidats capitalistes qui défendent la même politique où rien ne changera.

Mais il ne s’agit pas seulement d’un pamphlet politique. On s’attache à ces personnages essayant tant bien que mal de survivre. Owen, Philpot, Easton, Barrington, Linden sont des êtres humains rabaissés à l’état de rouage jetables d’un engrenage qu’ils ne comprennent plus. Ils tentent de survivre pour leurs femmes et leurs enfants s’endettant pour régler leurs anciennes dettes, courant après n’importe quel travail pour gagner un peu d’argent et ce jusqu’à la mort…

Les règles ont changé mais le système est toujours le même, il exploite au mieux de son intérêt les êtres humains qui n’ont pas les moyens ni la conscience claire pour se défendre.

Devant les solutions proposées par le socialisme, au travers des personnages d’Owen et de Barrington, on peut se demander si ces idées seraient valables appliquées de nos jours. Et ce début de réflexion est le grand point positif de cette BD.

page de "Les Philanthropes aux poches percées" de Scarlett et Sophie Rickard chez Delcourt

Le dessin au plus proche des humbles :

Le graphisme semi-réaliste pose des personnages au coeur de décors réalistes. Cette maison en éternel travaux reflète la société qui est toujours en construction. Et bien sûr, la gestion des chantiers par les grands propriétaires montre comment le système se corrompt par l’égoïsme de certains des notables de la ville.

Les couleurs ternes reflètent l’ambiance dure où vivent ces personnages. La composition cadrée met souvent en avant les individus en étant proche d’eux, ou nous donne une vue d’ensemble du groupe, dans ses liens et ses oppositions.

La BD, d’un format déjà réduit, joue souvent sur des pages de quatre bandes pouvant être découpées en une à quatre cases. Ce recueil dense à lire, tout à coup, explose pour proposer des dessins pleine page, des doubles planches quand il explique notamment les solutions du socialisme, emmenant les personnages – et nous aussi – dans ce rêve d’une société meilleure qui pour nombre d’entre eux ne demeure qu’un rêve car « il y a toujours eu et il y aura toujours des pauvres et des riches ».

Conclusion d’une BD utopique:

Le socialisme de Robert Tressell offre une utopie dans un monde sinistre et dur. Un siècle plus tard, nous vivons différemment les mêmes problèmes, et il est plus que temps de se demander si les solutions de cette BD ne seraient pas viables pour nous.

Zéda rencontre Owen !

"LE SOT SCIE ET HALE" strip de Zéda pour illustrer chronique 7BD sur "Les Philanthropes aux poches percées" de Scarlett et Sophie Rickard chez Delcourt

David

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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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