jeudi 28 mars 2024

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Le sculpteur de Scott McCloud

Le Sculpteur aux éditions Rue de Sèvres
Titre: Le Sculpteur
Auteur: Scott McCloud
Éditeur: Rue de Sèvres
Année: 2015
Nombre de pages: 484
Résumé :

David Smith fête ses 26 ans seul dans une brasserie avec quelques bières dans le nez. David était sculpteur, au succès déchu…
Le hasard fait qu’il croise son vieil oncle Harry dans cette brasserie.
Le temps de déballer sa misérable vie nourrit d’échec jusqu’à ce qu’il se souvienne que son oncle devrait être mort depuis des années….
Sous les traits du bienséant tonton, s’incarne ne fait le diable. Celui-ci ravive son ambition artistique (qui au demeurant résume toute la vie de notre héros), et va ainsi lui proposer un marché : obtenir un super pouvoir pour réaliser son souhait le plus profond, la reconnaissance de son talent par l’humanité, mais en contrepartie il n’aura plus que 200 jours à vivre…



Mon avis :

Voilà quelques temps que ce roman graphique titillait ma curiosité.
Je me suis donc plongé dedans avec un plaisir non dissimulable.
Je ne fus pas déçu du tout, et même bien au contraire, j’ai pris une sacrée claque.
J’avais beau être prévenu que ce livre était exceptionnel, et bien il m’a profondément touché autant par l’arc narratif incroyable que par le dessin simple et efficace !
Scott McCloud est plutôt connu comme théoricien de la BD (l’art invisible, Faire de la bande dessinée etc…), mais avec ce livre de près de cinq cents pages, il démontre son expertise et son talent bien au-delà de la théorie et de la rhétorique.

Le Sculpteur page 8 aux éditions Rue de Sèvres
page 8 du récit

 Le dessin :

Le dessin de Scott McCloud pour ce roman graphique est simple, rustique et élégant. Le trait peut être épais à souhait (pour les gros plan) ou particulièrement fin et détaillé pour les vues d’ensemble et arrière-plans, mais il reste souple, légèrement arrondi, vivant.
Le style semi réaliste et le récit contemporain apporte beaucoup pour la projection dans l’histoire que l’on peut se faire.
Dans la nouvelle version « enrichie » de ce livre, l’auteur ce confie sur ces modèles et sa façon de travailler. On imagine ainsi facilement le nombre d’heure de recherche et de labeur, et les multitudes de photos prises pour restituer une ville de New-York terriblement présente, et transmettre aussi magiquement les émotions des personnages !
Les perspectives sont magnifiques et vertigineuses,  les plans variés et majestueusement maîtrisés. L’auteur nous offre toute la palette de plan et mise en scène possible (du Très gros plan jusqu’au plan large, de la plongée à la contre plongée etc…).
Les effets sont omniprésents et nous font vivre toutes les situations intensément. Ils transmettent merveilleusement bien les sensations (vitesse, chutes, explosions etc…). Les scènes de travail du héros sont impressionnantes de dynamisme et de mouvement. On a l’impression de voir l’artiste à l’œuvre et en live…
L’usage d’une bichromie à dominante bleue ne dénature en rien le récit, et à l’inverse renforce l’espoir du lecteur pour la réussite des protagonistes de l’histoire.
Le jeu sur les lumières est éblouissant (sans vouloir faire de mauvais jeu de mot). On admirera les couleurs estompées ou légèrement effacées pour représenter des souvenirs, des apparitions, ou mettre en avant des aveuglements (une aube ou un crépuscule façon Scott McCloud est chef-d’œuvre graphique, une perfection, un joyau….)

Le Sculpteur page 14 aux éditions Rue de Sèvres
page 14 du récit

 Le scénario :

Avant d’aborder ce livre, j’avais pris soin de me préserver de tout spoiler afin de ne pas gâcher ma lecture.
Concernant donc ce scénario, sur les premières pages j’ai été plutôt sceptique.
Je dois dire que l’idée de revisiter le mythe de Faust m’a un petit peu refreiné.
J’avais du mal à imaginer ce que Scott McCloud pourrait développer autour d’un thème aussi classique… mais passé ma réticence, je suis allé de surprise en surprise !
J’en ai pris plein mes neurones à jongler entre les différentes histoires entremêlées (l’histoire d’amour, l’histoire de l’art, l’histoire d’une vie, l’histoire d’un mythe etc…).
On se pose énormément de question en lisant ce roman, et on cherche continuellement à essayer de comprendre ou l’auteur veut nous amener.
La quantité d’information est importante. Et la première impression que l’on a est que l’auteur va se perdre dans ses séquences, complique tout etc…
Mais que nenni, on finir par s’apercevoir que finalement le tout est incroyablement structuré et que le rédacteur a habilement construit son scénario avec toute sa complexité insufflant un terrible suspens ! D’ailleurs un superbe cliffhanger y a été placé !
Ce récit est aussi une superbe romance bien compliqué et Scott McCloud exploite à merveille le coté psychologique des sentiments, et développe ainsi une relation sentimentale et passionnée entre les deux principaux protagonistes (Meg et David) totalement énigmatique et unique en son genre.
L’aspect psychologique est aussi prépondérant dans la personnalité de l’artiste sculpteur, totalement marginal, torturé, et à cheval sur des principes envahissants, et l’auteur de ce roman nous narre tout cela avec une clarté et une lisibilité totalement inébranlable, irréprochable.
Le découpage démontre tout le talent technique de ce grand théoricien de la BD. Il est quasi impeccable variant les tailles, dimensions, formes  et l’ordonnancement des vignettes sur les presque cinq cents pages que compte ce livre.
Il œuvre généreusement pour une accessibilité et une compréhensibilité fluide et captivante, accrochant ainsi notre œil avec cette variété de plans et de mise en scène successifs

Le Sculpteur page 12 aux éditions Rue de Sèvres
Page 12 du récit

Ce roman graphique, pouvant repousser au premier abord de par son volume, s’avère être une formidable histoire véhiculant énormément d’émotions, et il est d’une richesse narrative inouïe. On ne le dira jamais assez, Scott McCLoud est réellement un maître dans cet art.
Ce livre est un « Must Have » pour toute bibliothèque !

Ciao
Yann

Et je vous laisse avec une petite vidéo réalisée par un amour de BD et la Fnac :


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Yanndallex
Yanndallex
Je suis évidemment un passionné de BD depuis ma jeunesse. Un malheureux accident de vélo ma valu quelques jours d’hospitalisation. Ainsi ma famille, pour me faire passer le temps à l’hopital, m’offrit des exemplaires de la série des Tuniques Bleues. Cette série a été une révélation ! J’étais émerveillé de pouvoir lire des histoires humoristiques liées à des évènements dramatiques (la guerre de sécession, le racisme etc…). Je me régalais à suivre les aventures de mon personnage favori le caporal Blutch. Puis vint la pleine adolescence pour découvrir des séries plus sérieuses, ou toujours humoristiques, d’héroïque fantasy, SF ou policières (XIII, Thorgal, la quête de l’oiseau du temps, le grand pouvoir du Chninkel etc…). J’y ai découvert ainsi des styles graphiques plus travaillés, détaillés, réalistes, poétiques etc… une deuxième révélation pour m’ouvrir progressivement à la bd adulte. A ce jour j’aborde chaque nouvel ouvrage comme une surprise, une promesse d’une belle histoire, que l’on aime, ou que l’on n’aime pas. J’ai pris conscience au cours des années qu’une histoire illustrée de 48 pages, ou plus, n’était pas si facile à créer de manière scénaristique mais surtout graphiquement. Le talent n’est pas inné, et à chaque vignette, je contemple d’autant les années de travails des auteurs. J’admire les techniques graphiques (que je ne soupçonne parfois pas du tout), les choix de couleurs ou du noir et blanc, le travail sur les mises en lumière, la conception des mises en scène, le choix des plans, des effets, des perspectives, le découpage élaboré, les transitions des plans séquences etc… Bref mon œil s’est avisé, mais je n’en reste pas moins admiratif du travail réalisé et des sacrifices réalisés par chaque artiste pour offrir du plaisir à son lectorat, et cela même si l’histoire ne m’a pas forcément plu. J’aime aussi souvent à chercher d’où a pu venir l’idée de l’histoire, très souvent inspirée de fait divers, ou de l’histoire avec un grand H. Je suis aussi toujours émerveillé par la diversité des sujets traités par ce média. Cette disparité permet des livres souvent très intimes avec des témoignages poignants et durs, mais aussi de s’enrichir culturellement, s’ouvrir à des expériences inattendues, parfois loufoques et hilarantes, etc… Et elle nous promet encore de grande œuvres !!

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