Holy Wood, Portrait fantasmé de Marilyn Monroe
Tommy redolfi
La Boîte à bulles
2016
: 256
: 32€
jeune Norma Jean Baker arrive dans une ville étrange, répondant au
nom d’Holy Wood. Elle veut percer en tant qu’actrice mais cette ville
curieuse semble gérée par des gens tout-puissants, répondant au
nom des Wilcox, qui décident de la destinée des habitants, même de
ceux fraîchement arrivés. Et peu leur importe les désirs des uns
et des autres…
avis :
est annoncé avec le titre de cette histoire étrange « Holy
Wood, Portrait fantasmé de Marilyn Monroe ».
si on retrouve les étapes clés de la vie de Marilyn, de son arrivée
à Los Angeles jusqu’à sa mort, les faits sont déformés par la
vision artistique de Tommy Redolfi.
vous connaissez bien la vie de cette star trop tôt disparue, vous
retrouverez semé comme autant de cailloux blancs des noms, des
personnages, des images clés. Sinon, ne vous inquiétez pas, vous
prendrez l’histoire telle qu’elle est, et ne vous attachez pas à
discerner la vérité de l’imagination.
Car
plus qu’un portrait fantasmé, ce récit est une allégorie, une
métaphore, et Tommy Redolfi nous plonge dans ce bois carnivore, ce
bois qui dévore les hommes comme des proies, ce bois dirigé par des
gens sans pitié ni respect.
peu importe de relire la fable du loup et du chaperon rouge, car
l’auteur saupoudre ce récit d’éléments bouleversants qui
surgissent au fur et à mesure de l’histoire, donnant encore un autre
regard sur ce personnage principal.
couverture donne le ton : Si Marilyn irradie de lumière dans un
décor sombre et semble briller de mille feux, on réalise vite que
cette lueur semble bien pâle, la rendant presque fantomatique.
Alors que le rideau rouge nous présente un spectacle, ce rouge sang
n’augure rien de bon, tout comme les veilleuses qui éclairent la
scène. Et le décor de forêt vert sombre derrière l’héroïne
semble bien plus oppressant qu’apaisant.
est découpée en trois chapitres imposants donnant un très
volumineux recueil. On pourrait s’attendre à un découpage comme
« l’arrivée, la montée, la chute » mais il n’en est
rien. L’histoire nous présente une jeune fille qui chute avant même
d’être arrivée au sommet. La chance qui lui sourit nous apparaît à
nous lecteurs, comme source de bien des ennuis et la fragile Norma
Jean Baker ne peut nous laisser de marbre.
se prend ainsi à souhaiter qu’elle remonte dans le bus et reparte
dans son pays natal. Le personnage de Marilyn est très attachant et
sa complexité est vraiment bien rendue, nous réservant des
surprises jusqu’à la fin, que l’on connaît pourtant déjà.
autour d’elle rôdent des personnages dont les intentions, souvent
malhonnêtes, les rendent peu attachants. Et parois, au détour d’une
allée, au hasard d’un taxi, une rencontre saine, presque trop belle
pour être honnête. On s’interroge, on se méfie, bien plus que
Marilyn.
du coup, l’angoisse est bien amenée. Car le choix d’une réalité
déformée permet de jouer avec les codes. On sent vite que le monde
de Holy Wood ne fonctionne pas normalement. Des appels bizarres, des
visages angoissés, des rencontres inattendues, rien qui n’est fait
pour nous mettre à l’aise.
ville indéchiffrable, dont certains personnages ne sont que les
tentacules, est l’antagoniste de Marilyn, même si la jeune fille ne
s’en rend pas compte !
Redolfi adopte un style graphique bien particulier pour nous
présenter ce récit opaque. Ses graphismes coupés au couteau, où
les personnages sont stylisés mais semblent porter leurs rides, les
traits anguleux de leur visage comme autant de blessures. Et où
Marilyn tranche par ses rondeurs et sa peau lisse.
dessin dur prend place dans des décors mélangeant des intérieurs
tout aussi hachés, ou des grands espaces soit tranquilles soit
mystérieux.
décors qui savent s’effacer pour laisser soudain la place à des
nappes de couleur, où ressort un accessoire, un personnage.
Redolfi part sur une base réaliste pour ces lieux et soudain, des
traits hachés, ou alors totalement estompés, semblent les effacer,
les incruster dans quelque chose de plus vaste, de plus informe. Ce
qui rajoute à l’atmosphère pesante de l’histoire.
également dessinateur donc, pousse même son style vers un dessin
enfantin, mais d’enfants en colères, abandonnant la couleur pour le
noir et blanc et des esquisses sauvages. Bien sûr, narrativement,
tout cela a un sens, on s’enfonce un peu dans la tête des
personnages et je ne vous en dirai pas plus…
composition et les cadrages nous offrent parfois de très belles
planches. Un car sous la pluie, un plongeon au fond de la piscine,
une double page où le décor se résorbe pour ne laisser plus
flotter qu’un teinte pâle, marquant le fait que Marilyn sombre.
faut lire cette BD car c’est un voyage envoûtant et magique que vous
ferez, loin d’une énième biographie dessinée consacrée à Marilyn
Monroe. Une histoire complète qui prend son temps, au graphisme
tranché et si il vous fallait une raison de plus, la voici : le
magnifique opus joliment relié, avec un papier épais de qualité,
que nous offre l’éditeur la Boite à Bulles. Un beau recueil pour
une belle œuvre qui ne dépareillera pas dans votre bédéthèque !
Un tome qu’on prend plaisir à tenir en main et à parcourir, jusqu’à
ce que le plaisir magique du livre cède la place à l’inquiétude
latente de l’histoire…
face à un mythe…