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Ghost World, la BD du quotidien désenchanté
Titre : Ghost World
Auteurs : Daniel Clowes (scénario et dessin)
Éditeur : Delcourt
Collection : Outsider
Année : 2023
Pages : 80
Résumé d’une BD d’amitié :
Une chambre, une télévision et deux jeunes filles, Enid et Rebecca qui discutent d’un comique réalisant un one-man-show sur l’écran. Enid le trouve horripilant et Rebecca amusant. Et puis Enid raconte à sa meilleure amie la rencontre au café avec John Ellis et un parfait inconnu, qui s’avère être un ex-prêtre catholique attiré par les petits enfants ! Enid n’en revient pas et Rebecca, non plus. Mais Enid ne lui a pas encore parlé des satanistes…
Le scénario d’un récit de discussion:
Enid et Rebecca ont fini le lycée. Elles sont différentes. Enid la brune à lunettes râle tout le temps sur tout tandis que Rebecca la blonde sans lunettes reste discrète. Ces deux amies d’enfance parcourent la ville, dans les cafés, les brocantes, leurs chambres, la rue, et parlent, parlent, parlent. Elle se racontent tout, leurs familles, leurs rencontres, leurs copains et dénigrent ensemble à peu près tout le monde, voire même l’une l’autre. Enfin, elles se disent presque tout puisqu’il reste quand même quelques points qu’elles n’abordent pas, qui permettent à l’histoire d’avancer.
Ce récit très étonnant joue sur ce contraste de caractères entre ces deux filles, entre la fin du lycée et la vie d’adulte, qui se cherchent autant qu’elles marchent.
Un récit fondé sur l’échange, beaucoup des événements sont en fait racontés par l’une à l’autre, et d’autres sont vécus en direct.
Cette curieuse petite ville héberge sa dose de marginaux que les deux filles croisent sans cesse. Que cherchent-elles dans le fond ? C’est toute la question que pose Daniel Clowes et cette BD y apporte une curieuse réponse. Attendue et en même temps étonnante.
Avec Ghost World, l’auteur a le talent de nous entraîner où il veut sans qu’on ne décroche jamais. On suit les deux protagonistes, dans leur critiques, leurs mouvements, et on en apprend, par petites touches, de plus en plus sur leur relations. Un récit mené en douceur, qui réserve quelques surprises dans les rencontres et nous rappelle la jeunesse, ce moment de la vie où on boucle un cycle, celui de l’école, pour enchaîner avec l’entrée dans le monde professionnel ou dans celui des études supérieures.
La BD est découpée en chapitres court tournant autour des échanges entre Enid et Rebecca. Ils se renvoient parfois les uns aux autres, créant des boucles et montrant combien leur quotidien reste répétitif tout en étant différent, une impression confirmée par ces lieux qu’elle parcourt sans cesse, entrecoupé de nouveaux endroits.
Le dessin en bichromie:
Je devrais dire monochromie, car à part le noir et blanc, il n’y a qu’une couleur, le vert pâle. Ce vert fait office de gris et ajoute une teinte étrange au récit. Les personnages réalistes et parfois caricaturaux, leurs poses, et les lieux où elles vont traîner, créent des cycles, interrompus uniquement par les longues conversations. Le plus étonnant reste les visages, les expressions de certains regards, qui parfois peuvent mettre mal à l’aise. Mais c’est cette vie de petite vile américaine et surtout ce passage à l’âge adulte que dépeint avec talent Daniel Clowes dans des planches découpées en trois bandes de quelques cases, parfois en gaufrier. Mais les cases rectangulaires restent quand même aérées, et ce vert étrange rappelle le malaise qui règne dans cette ville, dans leur relation et qui accompagne ce regard caustique que porte les deux amies sur le monde qui les entoure.
Conclusion d’une BD hors-norme:
Daniel Clowes a réussi à surprendre le monde avec cette BD sortie initialement entre 1994 et 1997 et je l’ai lue avec beaucoup de plaisir et d’étonnement, car avant cela, je ne connaissais le monde de Ghost World uniquement par le film de 2001 qui m’avait déjà beaucoup plu.
Zéda rencontre Enid et Rebecca !