vendredi 29 mars 2024

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Choc, les fantômes de Knightgrave tome 1 de E.Maltaite et S.Colman

Choc, Les fantômes de Knightgrave premiere partie Dupuis
Série : Choc, les fantômes de Knightgrave
Titre : Tome 1
Dessin : E.Maltaite
Scénario : S.Colman
Couleurs : E.Maltaite et C.Lady
Editions : Dupuis
Année : 2014
Nombre de pages : 86

Résumé :

L‘histoire commence lors d’une journée enneigée de Février 1955, proche de Londres. On assiste à une transaction immobilière entre un agent et un étranger, semble-t-il américain. L’objet de la vente est un vieux château : le Manoir de Knightgrave.
Le ténébreux américain est, semble-t-il, un émissaire du véritable acheteur de la demeure, le marquis Di Magglio, qui ne souhaitait pas se dévoiler auprès des agents immobiliers.
Alias ce marquis n’est autre que Monsieur Choc (l’ennemi numéro 1 de Tif et Tondu), et l’on comprendra pourquoi il ne souhaitait donc pas se montrer…
Notre anti héros, une fois l’achat effectué et les témoins éloignés, souhaite faire le tour de la résidence seul…. Les souvenirs vont lui revenir petit à petit, car Monsieur Choc revient en fait sur les lieux de son enfance…
Mais que manigance-t-il ? Quels sont donc ses plans ? Car tout le monde sait que Monsieur Choc ne laisse rien au hasard…

Mon avis :

N’ayant pas été assidu dans ma jeunesse, je n’ai point connu cette emblématique série qu’est Tif et Tondu, mais cependant, en lisant cette BD, j’ai eu un « choc », et c’est le cas de le dire…
Cet ouvrage est une merveille à posséder absolument.
Les 2 auteurs ont réussi le tour de force de nous faire « aimer » l’un des plus grand méchant de la bande dessinée, malgré toute la violence qu’il ait pu déployer.

L’Angleterre, et plus largement le territoire britannique en a connu aussi de violents criminels comme le plus connu Jack l’éventreur ou bien Ronnie Biggs  (petite anecdote pour celui-ci, il a aussi chanté sur deux titres des Sex-Pistols…), Bruce Reynolds, Harold Shipman, etc.. Tous sont machiavéliques et presque tous se sont fait attraper et démasquer (sauf jack l’éventreur…)
En cela donc notre méchant Monsieur Choc leur est  largement supérieur, toujours masqué, à la tête d’une organisation de malfaiteurs ultra sophistiquée dite « la main blanche », multi milliardaire et extrêmement intelligent, et toujours « libre » dans l’univers de la BD.
Mais « Monsieur Choc » ne serait apparemment pas anglais… bien qu’il ait passé sa jeunesse sur le territoire britannique… En lisant la BD vous découvrirez donc son origine…

Choc tome 1 planche 4 dupuis
Planche 4

Le dessin, le style, les couleurs, les effets, les mises en scènes :

Le dessin d’E.Maltaite est tout simplement beau ! Dans le plus classique des styles : la ligne claire, semi-réaliste mais gardant toujours une certaine touche d’humour.
Le trait est délicat, détaillé, précis et souple !

Notre anti-héros est tout simplement élégant, à la british dans tout son flegme, derrière son heaume. Les personnages secondaires sont quant à eux aussi bien développés et assurent soit le rôle comique (pour les inspecteurs et policiers par exemples) et ou tragique (comme pour Mister Samba) de l’histoire
Les mises en scènes sont somptueuses surtout dans les grandes cases d’actions et/ou pour poser le récit ! Les perspectives sont superbement respectées, les artifices d’effets cinématographiques sont aussi exploités finement et judicieusement !
Certaines scènes sont particulièrement violentes (scènes de guerre ou d’attentat), mais Eric Maltaite a su intelligemment en atténuer la rudesse dans certains évènements plutôt contemporains (notamment sur l’attentat terroriste qui malheureusement est en forte actualité…), et à l’inverse en accentuer la cruauté pour les faits passés (pour le cas de la guerre par exemple)…
Le style britannique quant à lui est très caricaturé (à l’opposé du dessin de S.Oiry pour Maggy Garrisson), opposant les deux extrêmes de la société britannique : la grandeur et le prestige à travers ses châteaux et leurs luxes, les belles voitures etc… et le populaire melting-pot grouillant, violent, aux mœurs douteuses des bas-fonds londoniens… mais dans tous les cas, il se dégage tout de même de grandes empathies et sympathies pour nos voisins d’outre-manche…
Les scènes plus ou moins actuelles sont moins caricaturées, et représentent plus souvent une classe sociale de petite bourgeoisie…
Les costumes et accessoires (particulièrement les véhicules) sont superbement réalisés, documentés et fidèles. Ainsi on reconnaîtra au premier coup d’œil les bobbies, les taxi-cabs, les bus impériaux, les costumes des tommies de la première guerre mondiale ou le char MARK IV female, et pour les connaisseurs de vieilles mécaniques, une belle Chrysler Imperial Sedan 1930…
Les couleurs sont elles aussi typiquement révélatrices de l’environnement anglo-saxon. Elles sont sur base dominante de gris, vert et marron donnant à la fois un effet rétro (dominante marron) pour les flashbacks, mais aussi une ambiance naturelle humide british (vert), et/ou industrielle et urbaine Londonienne (gris et marron).
Les transitions entre « présent » et flashback sont parfois brutales et d’une case à l’autre on change subitement d’époque. Cela peut être perturbant au premier abord, mais devient rapidement marrant, nous permettant de garder notre attention et nous détendre les méninges…
Un superbe et brillant travail graphique !

Choc Tome 1 Planche 8 Dupuis
Planche 8

Le scénario, le découpage :

Stefan Colman nous a concocté un thriller hors du commun mêlant mafia, histoire, suspense, et beaucoup de nostalgie…
Cette histoire est vraiment passionnante !
Un récit fort bien pensé entremêlant ainsi l’actualité d’un anti-héros cruel et puissant, et du flashback historique révélant des facettes insoupçonnées de notre méchant de cœur…
On en apprend donc beaucoup sur les raisons qui ont amenées Monsieur Choc à son état d’esprit de méchant. Les souvenirs lui reviennent au fur et à mesure du récit et nous dévoilent ainsi les difficultés et injustices qu’il a dû affronter lors de sa jeunesse. Mais les remontées dans le passé vont aussi au-delà des souvenirs du gangster, elles nous dévoilent ainsi quelques éléments clés sur les parents de celui-ci, avant sa naissance, afin d’expliquer le contexte.
La logique pour devenir un méchant est impeccable !
Mais la force du scénariste est, qu’à travers ces nombreux flashbacks, on se prend d’affection pour ce malfrat, qui finalement n’est pas dénoué de bons sentiments. Bien qu’il assassine sans pitié (souvent des gens sans cœur), il est aussi capable de bonté. Ainsi on pourra le voir donner une belle voiture, ou une mallette remplie d’argent, aux rares personnes qui ont eu la spontanéité et la gentillesse d’aider sa famille lors de sa jeunesse.
Le lieu et les époques du récit (Angleterre des années 20 et 55) se prêtent superbement au contexte dramatique : une époque d’après-guerre où la misère subside et l’esprit « chacun pour soi » de la guerre est encore omniprésent (année 20), puis les années 55, toujours dans la guerre froide où l’enrichissement personnel et les extrêmes en terme de catégories sociales sont notables…
Et cette Angleterre royaliste, cosmopolite et indépendante… Quel merveilleux environnement pour faire intervenir nombre de personnages secondaires de nationalités différentes (Brésil, France, Amérique…), et sa richesse architecturale et culturelle apporte beaucoup à l’attrait de Monsieur Choc pour les belles choses.
D’autre part, le scénariste nous surprend beaucoup en nous décoctant un double hold-up d’anthologie, et usant de faits et moyens hélas dramatiques mais incroyablement actuels tels que des actes terroristes et/ou mafieux comme des bombes, détournements d’avion, meurtres etc…
Il donne aussi ainsi un caractère de génie à ce truand.
Le découpage, lui, est dynamique, alternant grandes et petites vignettes de formes plus ou moins allongées ou aplaties. Chaque page inclue entre 4 à 9 cases mais il n’existe pratiquement aucune pleine page. Les transitions, comme vu plus haut, peuvent paraîtres abruptes mais nous mettent dans le bain de l’action sans attendre, et soutiennent ainsi le rythme intense de l’histoire.

Pour finir, cette BD est juste un must-have de toutes bibliothèques. C’est une œuvre exceptionnelle qui peut facilement se lire sans même connaître l’univers de Tif et Tondu.
Je vous recommande vivement de lire aussi le tome 2 déjà paru qui est pas mal aussi, et j’avoue être bien pressé à lire ce troisième opus à venir…
Vous l’aurez aussi compris, Monsieur Choc se tient loin d’un éventuel « Brexit » car il a l’avantage, en tant que hors la loi, d’être libre de vivre où il veut (non sans risque bien sûr) tant qu’il le reste (libre). De plus, il semblerait que ce génie mafieux ne soit finalement pas anglais… 😉

Allez je vous laisse avec une petite vidéo du Art-Bubble Comics festival :


 

Ciao
Yann

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Yanndallex
Yanndallex
Je suis évidemment un passionné de BD depuis ma jeunesse. Un malheureux accident de vélo ma valu quelques jours d’hospitalisation. Ainsi ma famille, pour me faire passer le temps à l’hopital, m’offrit des exemplaires de la série des Tuniques Bleues. Cette série a été une révélation ! J’étais émerveillé de pouvoir lire des histoires humoristiques liées à des évènements dramatiques (la guerre de sécession, le racisme etc…). Je me régalais à suivre les aventures de mon personnage favori le caporal Blutch. Puis vint la pleine adolescence pour découvrir des séries plus sérieuses, ou toujours humoristiques, d’héroïque fantasy, SF ou policières (XIII, Thorgal, la quête de l’oiseau du temps, le grand pouvoir du Chninkel etc…). J’y ai découvert ainsi des styles graphiques plus travaillés, détaillés, réalistes, poétiques etc… une deuxième révélation pour m’ouvrir progressivement à la bd adulte. A ce jour j’aborde chaque nouvel ouvrage comme une surprise, une promesse d’une belle histoire, que l’on aime, ou que l’on n’aime pas. J’ai pris conscience au cours des années qu’une histoire illustrée de 48 pages, ou plus, n’était pas si facile à créer de manière scénaristique mais surtout graphiquement. Le talent n’est pas inné, et à chaque vignette, je contemple d’autant les années de travails des auteurs. J’admire les techniques graphiques (que je ne soupçonne parfois pas du tout), les choix de couleurs ou du noir et blanc, le travail sur les mises en lumière, la conception des mises en scène, le choix des plans, des effets, des perspectives, le découpage élaboré, les transitions des plans séquences etc… Bref mon œil s’est avisé, mais je n’en reste pas moins admiratif du travail réalisé et des sacrifices réalisés par chaque artiste pour offrir du plaisir à son lectorat, et cela même si l’histoire ne m’a pas forcément plu. J’aime aussi souvent à chercher d’où a pu venir l’idée de l’histoire, très souvent inspirée de fait divers, ou de l’histoire avec un grand H. Je suis aussi toujours émerveillé par la diversité des sujets traités par ce média. Cette disparité permet des livres souvent très intimes avec des témoignages poignants et durs, mais aussi de s’enrichir culturellement, s’ouvrir à des expériences inattendues, parfois loufoques et hilarantes, etc… Et elle nous promet encore de grande œuvres !!

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