Tome : One-shot
Scénario et dessins : Juan Diaz Canales
Editions : Rue de Sèvres
Année : 2016
Nombre de pages : 108
Résumé :
L’Espagne a été marquée par la crise, et le quotidien est difficile pour chacun. Il l’est encore plus pour des papys de 80 ans !
Niceto fait parti de cette génération d’octogénaire.
Avec ses amis Longinos, Urbanos, Godofredo et Teodoro, ils s’organisent pour faire du recel de marchandises à la sauvette. Les temps sont durs.
Mais Niceto est aussi entouré de son fils Roman (médecin légiste) et son petit fils Alvaro, qui le soutiennent de leur mieux (notamment Alvaro)
Un beau jour, un des amis de Niceto est retrouvé mort sur une barque, et c’est Roman qui est appelé pour constater le décès… Puis quelques temps après un autre…
Tous ses amis meurent de manière particulièrement étrange et violente… jusqu’à ce que Niceto disparaisse.
Roman et Alvaro sont sur le qui–vive. Le temps leur est compté.
Mon avis :
Juan Diaz Canales s’est mis au dessin…. et ça déchire !!
Le plus que talentueux scénariste de BlackSad nous dévoile toute l’étendue de son travail. Non seulement il nous fait de beaux scénarios, mais voilà qu’il se met à dessiner… et avec brio en plus !!!
J’ai été bluffé, non pas par le scénario, mais surtout par la qualité du dessin…
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La couverture, le livre :
Elle annonce la couleur… l’histoire d’un vieux (et de sa famille).
Les dominantes noires et bleues s’accordent parfaitement avec le récit à venir et j’aime beaucoup l’effet « fluide » donné en bas de dessin de couverture pour se rapprocher du titre « Au fil de l’eau ».
Le 4eme plat est classique et il résume parfaitement et simplement l’objet du récit.
Le livre est imposant, beau avec une bonne prise en main, et toujours de très bonne manufacture (mais c’est une habitude maintenant chez Rue de Sèvres…)
Le dessin, le style, les mise en scène et les effets :
Juan Diaz Canales a décidé donc de nous ouvrir son monde d’illustrateur, et pour cela il ne s’est pas attaqué au plus simple des exercices ! Il a choisi le noir et blanc !
Et quel bonheur graphique il nous livre avec son trait semi-réaliste et ses aplats de noirs ! Le dessin est élégant, modeste et suffisamment détaillé mais point trop.
Par moment son trait me rappel un peu celui de Cauuet pour l’excellentissime série « Les vieux fourneaux »…
Notre homme sait superbement adapter son trait aux différents plans de ses dessins : trait épais et robuste pour du premier plan, et trait fin et léger pour les arrières plans ou les détails.
Concernant les effets, le choix du noir et blancs les limites évidement, mais ils sont bien exploités, placés aux bons endroits avec quelques onomatopées pour les intensifier.
Les perspectives sont bien réalisées, avec peut-être quelques maladresses mineures de proportion par moment, mais celles-ci restent peu visibles, et donnent d’autant plus du charme à cette BD.
Les mises en scènes sont belles, cadrées de manières originales (gros plan de détails, vu d’ensemble sans réel point de fuite, plan taille et/ou américain etc…) gardant toujours une fluidité, une action (comme le papy récupérant son téléphone volé discrètement au commissariat en fond de vignette) mais avec quelques incohérences (comme un panneau de signalisation sur une vignette qui disparait sur une autre vue, etc…) mais invisible à l’œil non averti…
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Le style Diaz Canales m’a donc conquis
Maintenant j’en demande plus !! Encore, encore !!!
Vivement donc son prochain ouvrage en tant qu’auteur complet !
Le scénario, le découpage :
L’histoire est évidement…. un polar, comme cet auteur sait si bien nous les faire.
Les conditions historiques Madrilènes sont bien documentées et permettent ainsi de déployer cette intrigue touchante et troublante.
L’auteur nous présente sa réflexion sur le sens de la vie, sur la condition de la vieillesse et sur les valeurs de la famille.
J’avoue que ce récit m’a laisser un petit gout d’amertume… c’était certainement l’effet recherché par l’auteur…
Les dialogues ne sont pas des répliques percutantes à la Audiard, mais ils nous font tout de même passer de bons moments.
La narration continuelle apporte beaucoup au style policier noir, bien que par moment nous ne savons pas ou plus qui est le narrateur… cela implique une introspection, une vision intimiste du récit histoire de mieux se plonger dedans.
Le découpage, lui, reste simple, pas de grandes fioritures ou fantaisies avec des vignettes bien taillées rectilignes, plus ou moins larges, variant en moyenne de 3 à 6 cases par page. Quelques vignettes sans bordures bien placées, permettent de casser ou d’intensifier le rythme.
Juan Diaz Canales maîtrise tout de même cet art du découpage car chaque double page se termine de manière à ce qu’on attende la suite…
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Ceci-dit, dans cet ouvrage, il est intéressant de constater le travail graphique de l’auteur, qui nous révèle donc là un talent caché incommensurable, au profit d’un scénario et de dialogues peut-être légers en rapport à ce que nous connaissons déjà de l’œuvre de ce grand homme.
Une bonne lecture, un ouvrage de qualité et un graphisme superbement travaillé.
Je le conseille !
Ciao
Yann
L’auteur:
Ensemble, ils créent Blacksad.
Il fonde, avec trois collègues dessinateurs, « tridente Animation » en 1996 et travaille un peu partout dans le monde.
Il scénarise également des séries télé ainsi que des longs-métrages d’animation. Il a récemment repris avec succès les célèbres aventures de Corto Maltese de Hugo Pratt.